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Grenoble : l’entreprise ARaymond
Claire Duchemin

En 1865, Albert-Pierre Raymond, un serrurier grenoblois, créait avec deux compagnons une manufacture produisant des agrafes de gants de son invention, dans sa ville qui est à l’époque la capitale mondiale de la ganterie.

Vingt ans plus tard, cet ouvrier que l’on imagine « certainement très impliqué, curieux, volontaire, imaginatif¹ » invente un objet qui va révolutionner le quotidien des personnes à l’époque et qui fera le tour du monde : le bouton-pression.

En 2020, l’entreprise ARaymond existe encore et emploie près de 8 000 personnes dans le monde. Son siège social est toujours à Grenoble. Elle ne fabrique plus de boutons mais reste leader dans les systèmes de fixations en tout genre, notamment pour l’automobile.

J’ai découvert cette entreprise en visitant son musée de la fixation et de l’innovation industrielle à Grenoble, guidée pendant deux heures par un employé passionné. Dans un coin de ma tête, je fais quelques parallèles avec une autre entreprise que j’avais typée il y a quelques années.

Quelques mois plus tard, je découvre le livre de Guy Boisberranger : Industrialiser, mode d’emploi : Le modèle d’entreprise “ARaymond”. Ce consultant, après avoir travaillé pour une mission informatique de deux ans chez ARaymond, et impressionné par la résistance de l’entreprise à la crise de 2008, décide d’écrire un livre qui retrace son fonctionnement et sa culture. Pendant un an et demi, il a eu carte blanche pour résider dans l’entreprise, interviewer les cadres actuels et passés, visiter les filiales et consulter la documentation interne.

« Au résultat de cette enquête, ce sont beaucoup de matériaux, d’informations, probablement matière à théoriser, à modéliser. Ce n’est pas là mon projet, d’ailleurs ce n’est pas de l’ordre de mon possible. Je ne suis qu’un transcripteur qui déterre de la matière brute, qu’il trie pour ceux qui sont d’une façon ou d’une autre motivés par le développement industriel¹. »

Je ne suis pas motivée par le développement industriel, mais pour l’amatrice d’ennéagramme que je suis, ce livre a été une ressource précieuse pour diagnostiquer une culture d’entreprise d’ennéatype 7. Pour mémoire, une entreprise de culture 7 se caractérise par l’innovation, la flexibilité et la satisfaction à la fois du client et d’un personnel indépendant (cf. le stage « Entreprise » et l’ouvrage « Comprendre et gérer les types de personnalité »).

Créativité et innovation

L’innovation est la valeur culte de l’entreprise d’ennéatype 7 et la valeur culte chez ARaymond. « C’est une relation originelle : l’entreprise est née pour fabriquer une première invention. L’entreprise est née de l’innovation et son fondateur-inventeur a vécu suffisamment pour transmettre ce trait de son caractère au mode d’entreprendre. […] Chaque entretien avec l’un ou l’autre de ces managers ou simples collaborateurs, fera valoir la réalité de ce facteur dans l’entreprise. On me parlera de moteur, de vecteur, de motivation, de continuité. C’est une autre facette de la culture ARaymond que de chercher dans chacune de ses fixations matière à s’exprimer sur une particularité innovante¹. »

Parmi les inventions cultes de l’entreprise, on retrouve les suivantes, que vous avez probablement déjà utilisées et qui vous ont facilité la vie :

  • Le crochet autoperceur (1872), pour serrer vos chaussures de randonnée ;
  • Le bouton-pression (1886) ;
  • Le tourniquet (1903) pour fermer une sacoche ;
  • Le TUC (1950) pour fermer un cartable ou un sac à dos ;
  • Le bouchon de dentifrice autoperçant (1951).

L’entreprise a breveté plus de 600 inventions² et consacre 6 % de son chiffre d’affaires annuel en recherche et développement. Son catalogue de pièces compte 25 000 références d’articles et l’entreprise produit 850 produits nouveaux par an. En 2011, l’entreprise se dote d’un centre de Recherche et Développement dans le Haut Rhin de 2 800 m2 employant une trentaine d’ingénieurs.

« L’innovation est un principe de base dans l’entreprise, et s’applique donc aux produits, aux processus, à l’outillage, aux machines, etc.¹ »

Concernant l’innovation sur les machines de production, on pourra retenir cet exemple apparu pendant la période de l’entre-deux-guerres : un système permettant d’avancer des bandes de métal progressivement dans une série de poinçons et matrices jusqu’à la sortie de la pièce de fixation finale. Ce système d’avance de bande « à la grenobloise » a permis un énorme gain de productivité en se substituant à un travail manuel bien plus lent. « Géniale mais non protégée, cette idée sera largement copiée par la concurrence locale comme internationale². » D’autres exemples d’innovation sur les machines de production de l’époque sont présentées dans le livre parut à l’occasion des 140 ans de l’entreprise, La Belle Histoire, ainsi qu’au musée de la société (musée de la fixation et de l’innovation industrielle ArHome).

En 1955, la société ARaymond est parmi les premières en Europe à s’équiper de presses à injection, pour prendre le virage de la fabrication de pièces en plastique. Les outils de production ne sont de toute façon pas prévus pour rester tel quel très longtemps : « On ne produit pas chez ARaymond sans concevoir. On ne visite pas un client si on n’a pas quelque chose de neuf à proposer. On n’organise pas la production sans imaginer que les outils devront s’adapter à de nouveaux dessins¹. »

Notons également que l’entreprise fut pionnière en instaurant une gestion informatique dès 1963, surtout si l’on considère les seules entreprises moyennes.

Dans chacune des onze filiales du groupe, présentes dans plusieurs pays, un bureau d’étude local autonome a été créé. Cette ingénierie décentralisée, cette proximité avec les lieux de production et avec le client permet une réponse plus appropriée et innovante à son problème. Les différents concepteurs du monde entier collaborent entre eux grâce à des outils supports communs, et se réunissent une fois par an pour présenter leurs meilleures innovations dans les « RADAR Meetings » (acronyme de « Research And Development ARaymond »), et pour discuter de problèmes sans solutions. Ces rendez-vous « sont de vrais brainstormings mêlant la créativité débridée de certains avec la précision rigoureuse d’autres. “Soudain l’idée folle devient une solution envisageable”, observe H-J Lesser¹. [directeur R&D du groupe] »

Plus récemment, c’est dans le management que l’entreprise s’est montrée innovante, en recherchant à instaurer un travail collaboratif et la notion de Servant leadership avant que ces concepts deviennent à la mode, ou en formant plus de 600 cadres à la pratique de la méditation⁴.

En résumé, comme le dit François Raymond, responsable de l’unité New-Business, « l’innovation est partout. Elle procède de l’ouverture d’esprit et de la capacité à se remettre en question. L’innovation vient de l’excitation, l’envie, la capacité d’oser, en lien avec l’esprit d’entreprendre : c’est une alchimie¹. »

Une gamme de produit étendue

Comme expliqué dans le Grand Livre de l’Ennéagramme : « L’entreprise d’ennéatype 7 est persuadée que c’est sa capacité à inventer des produits et des services réellement nouveaux qui fera son succès, et elle a souvent en conséquence une large gamme de produits et/ou de services³. » On retrouve bien cet aspect dans l’entreprise ARaymond, qui fabriquait des boutons en 1886 et qui fabrique aujourd’hui des pièces de diffusion d’hormones pour la régulation du cycle sexuel des bovins ! « La “diversification” a toujours fait partie de la culture de l’entreprise de la maison Raymond¹. »

En 1919, l’entreprise entre dans une première phase de diversification. La ganterie grenobloise est en déclin, et les fabricants de gants étrangers ont trouvé d’autres solutions pour se fournir pendant la Première Guerre mondiale. Pour survivre, la Maison Raymond se met à fabriquer des multiples pièces de fermeture, ainsi que des objets plus inattendus comme des fixe-pipes, des dés à coudre, des rasoirs ou encore du papier dentelle et des couronnes des rois en carton (pour l’Épiphanie)² !

En 1935, l’entreprise s’engage dans un nouveau débouché qui la transformera en multinationale : les pièces de fixations pour l’industrie de l’automobile. Aujourd’hui encore, cette activité représente 85 % du chiffre d’affaires.

L’entreprise ne peut cependant pas se contenter de ce seul marché de l’automobile. Depuis les années 1960, la gamme de produits de fixation s’est étendue pour couvrir de nombreux domaines. On notera entre les années 1960 et 1980 une ouverture sur les pièces de fixation pour le marché de la Marine, et une tentative d’ouverture sur l’électro-ménager par la filiale italienne en 1992. En 1985, ARaymond accède à la grande distribution avec sa filiale Rayfix. En 2005, la co-entreprise Raywal est consacrée à la fixation pour le bâtiment. En 2006, la filiale espagnole se lance dans une solution de fixation de plant de tomate biodégradable : c’est l’ouverture au marché agricole et la création de la filiale Raygreen. En 2007, est inaugurée la société ARaymondLife, spécialisée dans le domaine de la santé.

« Ce sont quelques-unes de ces mille idées aux origines diverses. Ainsi c’est a priorifacile de se disperser. Une idée, un contact commercial, une relation opportune, du temps disponible, et voilà les filiales ARaymond prêtes à envisager cet élargissement du périmètre commercial de leur activité¹. »

En 2009, à l’issue d’une réflexion stratégique sur l’orientation à prendre pour les quinze années futures, et pour faire face à la stagnation du marché de l’automobile, au moins en Europe de l’Ouest, François Raymond est nommé New Business Developpement Officer, chargé du développement des activités hors automobile : énergie, industrie, agriculture et santé.

Autonomie à tous les niveaux

Dans une entreprise de culture 7, le personnel est autonome, et la hiérarchie ne doit pas être un frein pour mener des projets intéressants. L’autonomie est justement un principe qui irrigue l’entreprise ARaymond, de son sommet à ses bases.

Tout d’abord, il y a la structure juridique de l’entreprise, restée depuis le départ une société à commandite simple (SCS). Ce type d’entreprise permet de garder le capital dans la famille — des associés qui sont cooptés — et donc de s’affranchir de la contrainte que peuvent représenter des actionnaires. La gestion de l’entreprise est confiée par les associés commanditaires à des commandités, (eux aussi membres de la famille), qui ont une relative autonomie leur permettant d’entreprendre librement. Il y a ainsi « une véritable autonomie laissée à l’entreprise par ses propriétaires : pas d’emprise, ni du marché financier, ni des banques¹. » Comme l’explique Alain Raymond, dirigeant de la société entre 1965 et 1999 : « Nous avons réussi jusqu’à présent, et c’est un tour de force, à limiter nos ambitions et nos moyens. Pourquoi ? Parce que nous avons horreur de dépendre d’un tiers. Nous sommes farouchement indépendants ; nous voulons une complète liberté de manœuvre en tant qu’entrepreneurs¹. »

Ce sont ainsi cinq générations d’entrepreneurs qui se sont succédé à la tête de l’entreprise : Albert-Pierre, Achille, Albert-Victor, Alain et Antoine. Tous les membres de la famille ont donc un prénom qui commence par la même lettre, mais rassurons-nous « ce n’est pas une obligation. Nous perpétuons volontiers cette tradition. Et la lettre « A » offre un grand choix⁸ ». Ce modèle d’entreprise familiale ne manque pas de nous évoquer le sous-type conservation de l’ennéatype 7, dénommé « Clan » et qu’Oscar Ichazo intitule « Famille ». « La famille est ce moyen trouvé pour assurer développement et pérennité. Les Raymond ont su jusqu’à ce jour tourner l’esprit de famille vers l’entreprise. La famille est une solution au problème de la volatilité du capital, de sa dilution anonyme, deux facteurs qui pourraient ébranler la solidité de l’entreprise¹. »

La notion d’autonomie se retrouve également dans l’organisation avec de multiples filiales : « Chaque filiale a été considérée comme un lieu de créativité autonome confié à quelqu’un de passionné, impliqué, portant en lui cette volonté de réussir¹. » Ces filiales permettent la mise en œuvre de la gamme étendue des produits déjà évoquée, avec comme fonctionnement le principe d’autonomie et la valeur du plaisir que nous commenterons ensuite, comme l’explique Dominique Roullet-Revol, le Directeur Industriel du groupe : « Je suis défenseur d’une diversification identifiée par axes, dans des structures autonomes, avec des collaborateurs qui vont se faire plaisir dans cette bulle de diversification¹. »

Enfin, l’entreprise souhaite laisser de l’autonomie aux collaborateurs eux-mêmes, comme l’explique Antoine Raymond, le dirigeant actuel : « Nous sommes partis du constat que chacun doit garder une certaine autonomie pour se sentir valorisé. Pour cela, il fallait changer de mode de management. Dans un réseau collaboratif, le leadership classique ne peut pas se décréter⁷. »

À l’époque où son père Alain dirigeait l’entreprise, le management était déjà basé sur la confiance, mais la gouvernance restait très verticale. Antoine a voulu introduire des relations plus horizontales, avec le concept de travail collaboratif, pour faire fonctionner toutes les filiales qui n’avaient quasiment aucune coordination entre elles. « Cette relation de confiance aux collaborateurs établie par Alain Raymond va être interprétée d’une nouvelle manière. Cette confiance conduit à un mode de management particulier : on fait confiance aux gens, très autonomes dans l’organisation de leurs jobs. Elle conduit en quelque sorte à “autonomiser” cette organisation du travail par rapport à la structure hiérarchique du commandement¹. »

L’objectif est que l’esprit d’entreprendre imprègne l’ensemble des collaborateurs. Jean-Yves Renoux, le Directeur Vente, explique cette volonté qu’a eu Antoine Raymond de réformer la gouvernance du groupe pour la rendre moins autocratique et plus flexible : « Il veut mettre en place une entreprise avec organisation en réseau très organique avec une notion de hiérarchie secondaire. Ce n’est pas un management par l’affectif mais la conscience que les progrès sont de grandes aventures humaines qui doivent mobiliser l’enthousiasme des intervenants¹. »

De cette liberté laissée au personnel, au service de la créativité, résulte parfois un manque de cadrage, comme s’en étonne Christophe Curtelin, ce responsable juridique recruté en 2003 : « Il raconte ses six premiers mois : trois interlocuteurs lui donnent trois définitions de poste différentes ; il a une double affectation ; il n’y a pas de bureau prévu : “C’était assez surréaliste, étrange”. Puis il me raconte une anecdote : “Quand j’intègre l’entreprise, je demande où sont les contrats : ‘il n’y en a pas !’ Jean-Yves Renoux [Directeur Vente du groupe] me dit cela avec un grand sourire. Il ouvre des tiroirs de son bureau et sort quelques papiers : il s’agissait de contrats, quasiment aucun n’était signé et les affaires étaient quand même engagées. C’est un choc de cultures, c’était faire un saut en arrière dans le temps : pas de contrats, une poignée de main !” Lui non plus, cela ne le fait pas fuir : “Face à de telles situations deux approches sont possibles : je m’en vais ou au contraire, c’est attachant ; il y a du boulot mais c’est génial.”¹ »

« Toutes ces impressions et d’autres encore valorisent la relation humaine qu’ils perçoivent dans l’entreprise. Même l’impression d’une certaine approximation dans l’organisation est vécue favorablement, comme l’effet de cette humanité¹. »

Prendre plaisir au travail

Vous aurez le loisir de découvrir la multitude de petites pièces de fixation que fabrique ARaymond si vous visitez son musée ArHome, et vous pourrez comprendre cette citation du livre de Guy Boisberranger : « On les glisse dans la paume de la main, où elles claquent et cliquent pour le plaisir du jeu à découvrir et partager¹. »

Cette passion pour ces petits objets et leur côté ludique semble se retrouver chez les employés du groupe : « Pascal Destremau [ancien cogérant de la holding ARaymond], venant d’un grand groupe industriel moderne découvre la passion technique chez ARaymond : “Le produit passionne ; je reconnaissais que la technologie était impressionnante ; tout le monde est passionné, de la conception initiale à la production.”¹ »

Guy Boisberranger cite également dans son livre le directeur vente Jean-Yves Renoux : « La connaissance du produit est un sésame dans l’entreprise : on partage la passion¹. » L’auteur poursuit : « Ils me parlent tous de complicité avec “elles” (les fixations), d’intimité, d’esprit collectionneur, d’affection, oui, de passion ! François Raymond, jeune frère d’Antoine responsable de la division “New Business” au sein du Groupe, va plus loin : il associe le produit à la dynamique humaine qui anime l’entreprise. C’est la résultante du défi posé à chaque collaborateur : “Je le vois dans les ateliers et dans les meetings ; les gens ont le sourire d’avoir résolu un problème d’assemblage simplifiant la vie du client !”¹ »

Cette passion des salariés pour l’entreprise se témoigne également par les visites guidées que certains d’entre eux mènent au musée ArHome.

Dans les valeurs du groupe définies par 140 directeurs monde, on ne sera donc pas étonné de retrouver, après l’innovation, l’esprit d’entreprendre, la création de valeur, la collaboration et le respect, cette valeur culte du 7 : le plaisir⁶ !

Cette notion de plaisir au travail est largement affichée par Antoine Raymond, le dirigeant actuel depuis 1999, qui a mené depuis 2008 une réforme qui vise dit-il, à « développer l’engagement des gens par le bien-être. En pleine conscience de ce qu’ils font, bien alignés par rapport à la mission de l’entreprise. Qu’ils puissent dire : “Ce que je fais a du sens, c’est intéressant. C’est du plaisir, on se sent bien.”¹ »

On peut alors se demander si cet aspect de l’entreprise était également présent antérieurement à Antoine Raymond. A priori la réponse est oui : « Là y’a le plaisir aussi parce que depuis toujours personne n’a été brimé dans l’expression des idées. Les idées le plus farfelues ont toujours enthousiasmé les dirigeants même à l’époque beaucoup plus autocratiques qu’aujourd’hui. Mon grand-père, quand quelqu’un venait lui apporter une idée, il partait la montrer à tout le monde en disant : “Regardez ce qu’on a pensé, c’est génial, on va créer ça.” Mon père c’était presque maladif. Il était prêt à tout, il fonçait dès qu’il y avait quelqu’un qui arrivait pour dire : “J’ai une idée géniale !” Si mon père trouvait l’idée bien, qu’il la partageait, il ne demandait pas “combien ça va coûter ?”, il disait : “Allez on y va, on y va !” C’est pourquoi, les gens, dans cette entreprise, ont toujours été vraiment invités et même libres d’avoir les idées les plus farfelues, de créer, d’inventer⁴. »

La satisfaction du client et des employés

Comme enseigné en stage « Entreprise », la satisfaction est l’un des trois items caractérisant l’entreprise 7. Cette satisfaction vise à la fois les employés et les clients à qui l’on facilite la vie.

Giovanni Galleggianti, un immigré italien autodidacte qui a travaillé pendant plus de trente ans dans la société ARaymond a écrit un livre sur son expérience de management. Il y parle d’Albert-Pierre en ces termes : « Ce serrurier fut frappé de voir la difficulté qu’avaient les femmes de la haute société à fermer les deux boutons à fil de leurs paires de gants. Elles avaient recours à leur bonne, parfois leur mari, souvent à leur soupirant pour fermer ces maudits boutons. Sans oublier la difficulté qu’elles avaient aussi à attacher par des lacets leur bustier moulant. Albert-Pierre Raymond inventa donc le bouton-pression qui n’avait plus besoin d’une personne pour être fermé. Cela en partant du principe qu’il fallait faciliter la tâche à la gestuelle humaine. Avec cette invention, et d’autres, la Maison A. Raymond contribua au bien-être de vie des hommes et des femmes⁷. » Allant jusqu’à suggérer un prix Nobel pour avoir apporté « la paix dans les couples et dans les familles, sans oublier la paix apportée au travail d’équipe dans les chaînes de montage et d’assemblage dans les usines automobiles du monde entier⁷ ».

Comme expliqué par Fabien et Patricia Chabreuil, « le client est censé tirer satisfaction et plaisir du produit. Pourquoi demanderait-il plus ? L’entreprise 7 ne s’occupe guère de lui, si ce n’est en lui proposant sans cesse des nouveautés supposées rendre la vie plus plaisante, lui éviter certains tracas, et si possible lui apporter de l’excitation et de l’amusement³. »

Antoine Raymond confirme bien cette importance de la satisfaction, avec une prévalence de la satisfaction du personnel, qu’il positionne prioritairement à celle du client, alors que c’était l’inverse initialement :

« Pour lui le succès de l’entreprise implique trois impératifs, comme il dit “dans l’ordre !” :

  • La motivation, l’implication des collaborateurs qui forment l’entreprise : la satisfaction des collaborateurs ;
  • La satisfaction des clients ;
  • La satisfaction des associés, sinon ils vont vouloir vendre.

Et il répète : “Dans l’ordre.”¹ »

Conclusion :

« Je veux simplement transmettre cette mine d’informations que j’ai eu l’opportunité de connaître. Je veux simplement transcrire au mieux ce que j’ai observé et documenté. Aux économistes de chercher à conceptualiser ce qui peut potentiellement l’être¹. » Et aux étudiants de l’ennéagramme de trouver le type de la culture d’entreprise !

Les analyses de culture d’entreprise par le modèle de l’ennéagramme ne sont pas nombreuses. Il faut en effet pouvoir disposer de matériaux internes et ne pas se contenter des valeurs affichées sur le site Internet. Je remercie Guy Boisberranger d’avoir pu mettre à disposition toute cette « matière brute¹ », qui permet d’offrir à la communauté de l’ennéagramme une illustration du profil 7 incarné par une entreprise, et qui m’a permis d’en apprendre beaucoup sur cette société discrète mais passionnante, devant laquelle je passe tous les jours, cours Berriat à Grenoble.

Sources :

  1. Boisberranger, Guy. Industrialiser, mode d’emploi : Le modèle d’entreprise “A Raymond”. Paris (France), L’Harmattan, 2012. [Version Kindle]
  2. Raymond, Alain ; Olu, Elsa. La Belle Histoire. Grenoble (France), Glénat, 2005.
  3. Chabreuil, Fabien ; Chabreuil, Patricia. Le Grand Livre de l’Ennéagramme. Paris (France), Eyrolles, 2008. [Version Kindle]
  4. Nhu Tuyen ; Steiler, Dominique. « Entretien avec Antoine Raymond ». Cahiers internationaux de sociologie de la gestion, 13 mars 2015.
  5. Pommiers, Eléa. « La méditation permet d’améliorer les relations collaboratives dans l’entreprise ». Le Monde, 14 juillet 2019.
  6. Parisot, Frédéric. « Antoine Raymond (Araymond) : “L’entreprise doit tisser du lien social” ». L’Usine Nouvelle, 15 décembre 2016.
  7. Galleggianti, Giovanni. Machiavel, le prince et le chef d’équipe ou la gestion d’une équipe par du machiavélisme humain dans la société A. Raymond de Grenoble. Auto-édition, 2017.
  8. Depagneux, Marie-Annick. « Antoine Raymond, le fédérateur ». La Tribune Auvergne Rhône Alpes, 18 mai 2015.