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Étude de l'ennéatype de Gandhi (2e édition)
Aurore Lafougère

Mohandas Karamchand Gandhi : un extraordinaire paradoxe

GandhiMohandas Karamchand Gandhi (1869-1948), « père libérateur de l'Inde » et icône de la non-violence, est un personnage complexe. Encensé par certains, critiqué par d'autres, entre réalité et légende, il s'est vu affublé de nombreux qualificatifs : Mahatma (la « Grande Âme » par Tagore), « fakir séditieux à demi nu » (Churchill), « pèlerin en quête de Vérité » (Nehru), Bapu (« père ») par les siens, « stratège politique » ou « gourou ascétique et ambitieux ».

Comment un petit garçon solitaire et timide, n'ayant pour compagnon que ses livres et incapable de prendre la parole en public, a-t-il pu devenir le Père libérateur de l'Inde et mener sur les chemins de l'indépendance 300 millions d'Indiens ?

Avec des centaines de romans, biographies et essais écrits à son sujet, il est difficile de se faire une idée sur cet « extraordinaire paradoxe » (selon Jawaharlal Nehru). Et pour comprendre le paradoxe, il semble indispensable de revenir à la source : l'autobiographie de Gandhi, où ses propos ne sont ni déformés (à l'exception des effets de la traduction), ni sortis du contexte initial.

Au fil de plusieurs lectures, un portrait de Gandhi a commencé à se dessiner à la lueur de l'Ennéagramme…

Hiérarchie des centres et problématique de base

« Il avait beaucoup de charme. C'était un phénomène remarquable de la nature, calme et qui vous dominait traîtreusement. Tout contact intellectuel avec lui était un délice, car il découvrait sa pensée et vous mettait à même de voir comment fonctionnait la machine. Il pensait tout haut… » [3, p. 471]
« Son rire était à la fois physique et mental » [3]

L'un des premiers éléments marquant dans l'autobiographie de Gandhi est la présence de la peur : « En outre, j'étais poltron. J'étais toujours hanté par la peur des voleurs, des fantômes, des serpents. Je n'osais mettre le pied dehors la nuit. L'obscurité me terrifiait. Il m'était presque impossible de dormir dans le noir. » [2, p. 31] « La poltronnerie allait de pair chez moi avec la réserve. […] Comment pouvais-je être aussi peureux ? » [2, p. 84] Face à ces peurs, sa nourrice lui a appris la répétition du « Râm, Râm, Râm » que Gandhi utilisera toute sa vie comme un « remède infaillible contre la peur ». Il mourra d'ailleurs avec ces trois mots sur les lèvres, selon la légende4.

D'une timidité presque maladive, Gandhi a longtemps été terrifié par l'idée de parler en public. En 1888, en Angleterre, alors qu'il fait partie du Comité exécutif de la société végétarienne, il est incapable de prendre la parole en public et cette peur le poursuivra longtemps : « Il arrivait souvent qu'au moment précis où j'avais réuni le courage nécessaire, on abordait un sujet nouveau. Il en fut ainsi longtemps. » [2] Incapable de prendre la parole mais résolu à exprimer ses idées, Gandhi tente alors la technique de mettre les idées sur le papier et fait lire son discours par d'autres. Les discours sont alors appréciés.

Cette problématique de base chez Gandhi, la peur, nous révèle indiscutablement un centre mental préféré. Cette peur apparaît de manière récurrente dans sa biographie.

Autre signe d'un mental préféré, Gandhi considère que la maîtrise des passions et du corps passe par l'esprit et que seule une pensée maîtrisée permet de contrôler le corps : « À la racine de toute sensualité, il y a l'esprit. » [2, p. 262] La maîtrise du corps par l'esprit est un souci constant chez Gandhi aussi bien dans ses vœux de chasteté que dans son végétarisme ou ses jeûnes.

L'humour de Gandhi est un indice supplémentaire de son mental préféré. Son côté farceur a étonné plus d'un de ses visiteurs qui s'attendait à voir un sage, mais certainement pas un sage avec autant d'humour ! Je ne citerai qu'une de ses réparties, sans doute la plus célèbre. À un journaliste qui lui demandait s'il n'avait pas trop froid alors qu'il gravissait les marches de Buckingham Palace habillé d'un simple dhotî de coton tissé pour se rendre à une audience avec le Roi d'Angleterre, il a répondu : « Sa Majesté est assez habillée pour nous deux ! » Gandhi a d'ailleurs écrit : « Si je n'avais aucun sens de l'humour, il y a longtemps que j'aurai dû me suicider. » [4, p. 286]

L'autobiographie de Gandhi révèle également son centre réprimé : l'émotionnel. Voici sa réaction à la mort de sa mère : « Ma douleur fut plus grande encore que lors de la mort de mon père. […] Je me souviens cependant de ne m'être abandonné à aucune manifestation désordonnée de mon chagrin. Je parvins même à retenir mes larmes et je m'insérais dans le cours de la vie comme si rien n'était arrivé. » [2, p. 112] À plusieurs reprises, Gandhi évoquera cette volonté de ne pas laisser transparaître les émotions, confirmant ainsi son centre réprimé : « Lorsque j'appris que la ville d'Hiroshima avait été anéantie par une bombe atomique, je ne laissai paraître aucune émotion. » [4, p. 99]

Le centre instinctif est indéniablement en support. Gandhi fait partie de ces infatigables marcheurs, de ces hommes qui expérimentent les théories. Il a toujours été décrit comme un pragmatique, un homme qui met en pratique ses idées. Il a d'ailleurs souvent été confondu avec un ennéatype 1.

La hiérarchie des centres M-I-E ne fait donc guère de doute.

Quant à la direction d'utilisation, c'est l'utilisation intérieure qui est d'abord visible : « Bien que Gandhi ait passé trois ans en Grande-Bretagne, il n'y a rien dans son autobiographie sur le climat, les saisons, si différentes de la chaleur et de la mousson du Goujarat… Aucune description d'un immeuble de Londres, d'une rue, d'une pièce, de la foule, d'un transport public… Le repli sur soi est total. » [1, p. 175] Les voyages sont pour Gandhi une formidable occasion de naviguer vers soi et de se tourner vers l'intérieur. Il évoque souvent dans son autobiographie sa fameuse « voix intérieure » et ses tendances à l'introspection.

Cette orientation intérieure est alternée avec une utilisation extérieure : Gandhi n'avait pas son pareil pour effectuer des recherches, collecter des informations de la manière la plus objective possible pour construire un dossier. Les exemples sont légions et je vous en propose deux :

  • En 1914, la taxe douanière de Viramgaur : Gandhi étudie les textes, et convaincu du bien fondé des plaintes des pauvres, écrit au gouvernement de Bombay un argumentaire imparable.
  • En 1918, Gandhi défend les droits des paysans du Bihâr contre la taxe sur l'indigo lorsqu'il s'aperçoit qu'il s'agit d'une injustice qui affecte toute une région et obtient l'abolition de la taxe après avoir collecté et analysé de nombreuses informations.

Plusieurs fois, Gandhi évoque une confusion qui ressemble à la bascule du centre mental : « La nuit où je l'entendis (la voix intérieure), j'étais en proie à une angoisse terrible. Mon esprit était dans le trouble total. Je ne voyais aucune issue. Mes responsabilités m'écrasaient. Et ce que j'entendis fut comme une Voix venue de très loin et pourtant toute proche, aussi claire et distincte qu'une voix humaine, et je ne rêvais pas quand je l'entendis. Quand j'eus pris ma décision, mon esprit retrouva son calme et je me sentis comme rafraîchi. » [1, p. 165]

Nous voici donc en présence d'une hiérarchie M-I-E-M intérieur/extérieur.

La loyauté, une orientation visible

« Plus important encore est l'évolution intérieure de Gandhi qui de loyaliste, de fidèle sujet de la Couronne est devenu un insurgé dressé contre l'oppression. » [2, préface]
« Le loyalisme envers l'Empire britannique du futur père de l'indépendance indienne a toujours fait problème aux historiens. » [1, p. 55]

GandhiPlus visible encore que la peur, il y a dans l'autobiographie de Gandhi un trait de caractère qui s'exprime clairement et de manière précoce : la loyauté.

Gandhi a 7 ans lorsque son père fait jouer chez lui la pièce Harishchandra. C'est une véritable révélation pour lui : « Je ne pouvais me lasser de la voir […] “Pourquoi tout le monde ne serait-il pas aussi loyal et fidèle que Harischandra ?” me demandais-je jour et nuit. » [2] En 1893, à Pretoria, Gandhi parvient enfin à surmonter ses peurs et à prononcer son premier discours qui traite « de la loyauté à respecter en affaires. » [2, p. 158]

La loyauté de Gandhi à la Couronne Britannique a fait couler beaucoup d'encre et le Mahatma lui-même a écrit à ce sujet : « Je crois bien n'avoir jamais connu personne qui ait nourri dans son cœur autant de loyauté que moi envers la constitution britannique. » [2, p. 215] Pendant la guerre des Boers (1899-1900), Gandhi monte un corps de brancardier et soutient l'Angleterre malgré les critiques : « Je me contenterai de dire que ma loyauté envers la domination Britannique me conduisit à prendre parti pour l'Angleterre dans cette guerre. » En 1906, lorsque la révolte des Zoulous éclate en Afrique du Sud, Gandhi évoque ses « grands doutes sur cette révolte » mais il crée un corps d'ambulanciers volontaires par loyauté vis-à-vis des Britanniques. Il écrit : « Un sentiment sincère de loyalisme m'empêchait ne fût-ce que de souhaiter qu'il arrivât malheur à l'Empire. » [2, p. 397] En 1918, dans une lettre au vice-roi, Gandhi écrit : « J'aime d'amour la nation anglaise : mon désir est d'évoquer en tout Indien l'image de la loyauté au peuple anglais. » [1, p. 103]

Malgré les déceptions et les trahisons des Anglais, Gandhi conservera sa loyauté intacte jusqu'au tournant sanglant : le 13 avril 1919, à Amritsar, le général Dyer fait tirer sur une foule pacifique rassemblée dans un parc. Bilan : 379 tués et 1200 blessés, beaucoup de femmes et d'enfants laissés à terre sans assistance médicale. Le général Dyer est condamné par une commission militaire et contraint à démissionner de l'armée. Il sera ensuite réhabilité par le Parlement britannique et félicité. La réaction de Gandhi est immédiate et il déclare « qu'il n'en voulait nullement au général Dyer… Son action fut monstrueuse, mais le peuple anglais en la qualifiant d'une simple erreur de jugement a assumé l'entière responsabilité de ce crime… Je vois maintenant que le gouvernement anglais est peut-être plus satanique que le gouvernement allemand. » La mort de la loyauté de Gandhi à l'égard du gouvernement anglais sera fatale au Raj Britannique.

Il est intéressant de noter que la loyauté de Gandhi ne s'exerce pas seulement envers des institutions ou des groupes, mais aussi vis-à-vis de ses engagements. Ainsi, lorsqu'il débarque en Angleterre, le jeune Gandhi est en proie à de grandes difficultés pour respecter le vœu de végétarisme fait à sa mère. Il tient bon malgré l'insistance de ses amis à le voir s'alimenter correctement et il explique : « Il existe une règle d'or qui est que l'on doit s'en tenir à l'interprétation qu'a loyalement donnée de l'engagement la personne qui l'a reçu. Autre règle : en cas d'alternative dans l'interprétation, on doit opter dans l'esprit de la plus faible des deux parties. Nier ces deux règles, c'est aller au-devant de combats stériles et de l'iniquité dont les racines plongent dans le mensonge et la déloyauté. » [2, p. 77]

Toute sa vie, Gandhi a manifesté sa loyauté à des groupes. Quel que soit le moment de la vie de Gandhi, la relation au groupe est toujours présente :

  • Étudiant à Londres, malheureux, Gandhi ne trouve de soulagement que le jour où il crée la société végétarienne de Londres et trouve ainsi son groupe de référence.
  • Avocat raté en Inde, Gandhi prend son envol politique en Afrique du Sud lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts de la communauté des Indiens d'Afrique du Sud.
  • Lors de son second séjour en Afrique du Sud, il crée Indian Opinion avec l'un des bénévoles de son groupe d'ouvriers sous contrat. Le journal a pour vocation de s'adresser aux ouvriers illettrés (chacun des articles est lu en public par un bénévole).
  • Toute sa vie, Gandhi restera loyal à la communauté des Indiens d'Afrique du Sud.

La loyauté de Gandhi a essentiellement été dirigée vers des groupes ou des organisations. Très peu d'exemples de loyauté à des individus peuvent être cités à l'exception de la loyauté à ses parents (probablement son premier groupe de référence) et la loyauté à Gokhale (Gopal Krishna Gokhale, 1866-1915, est l'un des leaders du Congrès Indien et de la Société. Il est également connu comme ayant été le mentor de Gandhi et de Jinnah).

En 1915, alors que Gokhale vient de mourir non sans avoir pressé Gandhi de devenir membre de la Société, Bapu ne sait que faire : « La façon de traiter ce problème se révéla pour moi d'une extrême délicatesse. Du vivant de Gokhale, je n'avais pas besoin de solliciter mon admission. Il m'avait suffi de me conformer à ses vœux, situation qui me plaisait infiniment. […] Je sentais la nécessité d'un pilote à la main sûre. Gokhale avait été cet homme et je m'étais senti en sécurité entre ses mains. Maintenant qu'il n'était plus là, j'en étais réduit à mes seules ressources et j'avais le sentiment qu'il était de mon devoir de solliciter mon admission au sein de la Société. » [2, p. 492] Gandhi découvre alors que les membres de la Société sont partagés : une partie est pour son admission et l'autre violemment opposée. Gandhi, qui envisage donc de retirer sa candidature, se perd alors en conjectures : « Était-ce trahir ou ne pas trahir ma loyauté envers Gokhale ? » Il tranche ainsi : « La solution la meilleure pour moi était de retirer ma candidature et d'épargner ainsi une situation délicate à mes opposants. Là, me disais-je, était la loyauté envers Gokhale comme envers la Société. » Des années après l'événement, l'anecdote occupe un chapitre entier de son autobiographie, c'est dire comme ce doute au sujet de sa loyauté a dû le tourmenter !

Il est intéressant de noter aussi dans cette anecdote l'expression du besoin de base du 6 : être en sécurité.

La loyauté aux idées est également importante pour Gandhi :

  • L'exemple du végétarisme : par loyauté à sa mère, Gandhi devient un végétarien et un ardent défenseur de cette idée après la lecture du livre de Salt, Plaidoyer pour le végétarisme, dans lequel il découvre des arguments rationnels pour cette cause. Par loyauté vis-à-vis de ce vœu, il mettra sa vie en jeu refusant d'absorber un bouillon de bœuf ou du lait lorsqu'il est gravement malade (alors même que l'hindouisme n'interdit pas le lait). Il refusera également de laisser soigner sa femme et son enfant, au bord de la mort.
  • Gandhi et le bramacharya2.
  • Gandhi et le satyagraha3.

La passion de peur

Gandhi« Un élan irrésistible me pousse à crier mon angoisse. J'en connais exactement la cause. Cette voix intérieure ne me trompe jamais. Pour l'instant, elle me dit “Tiens bon, même si tu es seul et si tout le monde est contre toi. Regarde-les droit dans les yeux même si les leurs sont injectés de sang. N'aie pas peur.” » [4, p. 104]

Évoquée plusieurs fois précédemment, la peur est omniprésente pendant toute la jeunesse de Gandhi et va même, dans certains cas, jusqu'à la peur panique. Dans son autobiographie Gandhi évoque plusieurs tentatives de prise de parole en public qui se soldent par une sorte de panique : « Tout se brouillait devant mes yeux, je tremblais. [..] Ce ne fut qu'en Afrique du Sud que je surmontais ma timidité, sans jamais cependant y être complètement arrivé. Il m'a toujours été impossible d'improviser et j'ai toujours hésité, chaque fois que je devais affronter un auditoire inconnu ; j'ai régulièrement évité de prendre la parole toutes les fois que je l'ai pu. » [2, p. 81] Lors de son premier contre-interrogatoire en Inde, Gandhi ne peut pas prendre la parole et doit céder l'affaire à un confrère avocat : « Je me levais mais le cœur me manqua. La tête me tournait et j'avais l'impression que toute la salle n'était qu'un vertige. […] J'étais incapable de voir quoi que ce fut. » [2, p. 120]

Suite à un incident dans une soirée, Gandhi est également en proie à ce qui ressemble à une attaque de panique : « J'arrivais dans ma chambre claquant des dents, tremblant, le cœur battant, telle la proie qui a échappé au chasseur. » [2]

Kasturbaï, la femme de Gandhi (probablement une instinctive), était connue pour son caractère bien trempé. Gandhi a avoué plusieurs fois avoir peur d'elle. [3, p. 204]

Contre-phobie :

GandhiAprès une enfance très phobique, les premières tendances contre-phobiques apparaissent à l'adolescence lorsque Gandhi transgresse tous les interdits en mangeant de la viande et en volant, fumant et visitant des courtisanes ; il brave ainsi l'autorité de son père et la rigueur religieuse de sa mère : « Ne pouvoir rien faire sans la permission de nos aînés, c'était intolérable. » [2, p. 37]

Après cet épisode d'adolescence, la première grosse crise de contre-phobie se produit en 1893 en Afrique du Sud, lorsque Gandhi est outré qu'un magistrat lui demande d'enlever son turban qui, selon Gandhi, le positionne à un juste niveau social. Il dénonce cette pratique dans la presse et prend la défense du turban dans l'enceinte du tribunal. [2, p. 136] Dans les jours qui suivent, Gandhi subit pendant deux jours les humiliations de l'apartheid ambiant : il se fait jeter d'un train car il voyage en première classe (interdite aux gens de couleurs) alors qu'il a payé le billet, et il se fait ensuite battre par le conducteur de la diligence. À partir ce jour, chaque fois qu'il s'agira de défendre une minorité ou un groupe d'opprimés, Gandhi oubliera ses peurs et bravera l'autorité afin d'obtenir justice.

En 1908, alors que Gandhi démarre un séjour en prison, un ami lui donne le livre d'Henry Thoreau, The duty of civil disobedience, qui lui permet de trouver « la confirmation de la nécessité, pour l'homme d'ordre, de désobéir quand les lois sont injustes. » [1, p. 37]

Quelques célèbres cas de crises contre-phobiques :

  • Défense des intérêts des Indiens en Afrique du Sud.
  • En 1894, un ouvrier, défiguré par les coups, demande de l'aide à Gandhi qui fait condamner l'employeur.
  • Le Transvaal.
  • En 1918, les droits des paysans du Bihar contre la taxe sur l'indigo.
  • Le 27 février 1930, Gandhi annonce la bataille du sel : « Le douze de ce mois de mars, je sortirai, accompagné de tous les travailleurs de l'ashram qui voudront me suivre, pour briser les lois concernant le sel. Je considère cette taxe comme la plus inique du point de vue des plus pauvres des citoyens. » [1, p. 143]

Ainsi, un petit homme pétri de peurs et de doutes a fait l'une des plus grosses crises de contre-phobie de l'histoire, conduisant 300 millions d'Indiens sur le chemin de la liberté.

La fixation de doute et suspicion

« Le doute est invariablement l'effet du manque de foi ou d'une foi débile. » [2, p. 584]
« Il y a 40 ans alors que je traversais une grave crise de scepticisme et de doutes… » [4, p. 291]

Marié à 13 ans, Gandhi a passé une partie de sa vie dévoré par le doute et la suspicion vis-à-vis de la loyauté de sa femme, ce qui l'a amené à la tenir en réclusion et à la traiter assez durement : « Je ne parvins à extirper de moi le cancer du doute que lorsque j'eus compris l'Ahimsa1 dans toute sa portée. […] Chaque fois que je songe à ces jours sombres de doutes et de suspicion, ma folie et la cruauté de mon désir m'emplissent de dégoût. » [2]

Gandhi a toujours beaucoup douté de lui : « Personnellement, je ne me souviens pas d'avoir eu grande estime pour mes capacités. J'étais toujours étonné de remporter des prix et des bourses. » [2] Il doute aussi de ses compétences : « J'avais de sérieux doutes sur ma capacité à gagner ma vie en exerçant [le métier d'avocat] » [2, p. 105] Des années plus tard, il doute encore : « J'avais le sentiment que rien n'était plus hasardeux que de plaider un procès devant la Cour Suprême, et je tremblais de peur en me présentant devant les magistrats. » [2, p. 464]

Jeune, Gandhi doute de tout et notamment des religions et se déclare athée. [2, p. 48] Il a ensuite douté sur le choix d'une religion : « Il fut un temps où j'hésitais entre l'hindouisme et le christianisme. Lorsque je recouvris mon équilibre, je sentis que seule la religion hindoue me conduirait au salut. Ma foi sortit de cette crise plus profonde, plus éclairée. » [4, p. 59]

Le génie stratégique de Gandhi doit probablement beaucoup à la fixation de doute et à cette incroyable capacité à analyser tous les risques : « Il évite le combat là où l'autre sera en force, […] il choisit soigneusement son terrain, là où la situation lui sera le plus favorable. […] Son adversaire était en général en retard d'une idée, ou même davantage. Son esprit, perpétuellement en mouvement, tire de chaque fait un enseignement, une prévision, une idée de manœuvre. ». [2, préface]

Enfin, il est important de noter que jusqu'à la fin de sa vie, Gandhi a décrété que les conclusions de ses « expériences de vérité » ne pouvaient être tenues pour définitives et a douté.

Compulsion : éviter la déviance

« L'idéal de vérité exige que tout vœu soit tenu dans l'esprit comme dans la lettre. » [2, p. 584]

Plusieurs anecdotes illustrent la volonté de Bapu de respecter les convenances et d'être « correct ».

Gandhi se décrit comme un élève médiocre mais ponctuel. Sa sœur a raconté que, petit, il préférait manger un reste de la veille lorsque le petit-déjeuner n'était pas prêt plutôt que d'arriver en retard à l'école. [3, p. 26]

Gandhi est très respectueux des règles et veut être correct en tout point : il a toujours cherché à avoir l'attitude, le langage et les vêtements appropriés à la situation. À son arrivée en Angleterre, il prend des leçons d'étiquette et déploie de gros efforts pour « devenir un parfait gentleman ». En 1896, lorsque Gandhi ramène sa famille en Afrique du Sud, il les contraint à porter des habits occidentaux et à se comporter en Occidental malgré les souffrances que ces tenues occasionnent pour eux.

Mécanisme de défense : projection

« L'important est de débarrasser les paysans de la peur [de l'administration] » [1, p. 101]

GandhiMême s'il est extrêmement difficile de repérer le mécanisme de défense à travers des écrits, quelques anecdotes ne laissent aucun doute sur les projections.

Superbe projection de la peur de Gandhi sur les minorités qu'il défend : « Les victimes se libèrent de la peur de l'injuste oppresseur en lui opposant un refus non-violent qui normalement doit les conduire en prison. » [1, p. 102]

En 1915, alors que Gandhi tente d'entrer à la Société, il découvre qu'une partie des membres sont opposés à son entrée. Il écrit alors à leur sujet : « Cette deuxième partie n'était nullement en reste d'affection pour moi ; simplement peut-être sa loyauté vis-à-vis de la Société était-elle plus vive. » [2, p. 492] La conclusion de Gandhi est ici saisissante ! Comment Bapu a-t-il pu faire preuve d'une telle naïveté ? La partie opposée à son entrée dans la Société est constituée de Brahmanes, ces mêmes Brahmanes qui ont fait des offrandes à la mort de Gandhi. Nous prenons là Gandhi en flagrant délit de projection : dans un grand moment de stress, il attribue aux membres son propre sentiment de loyauté. (Cet épisode a apparemment été très pénible pour Gandhi et a fait l'objet de gros doutes, l'obligeant à choisir entre deux loyautés : cf. l'anecdote relatée dans le paragraphe sur l'orientation).

Un autre exemple de projection de ses propres sentiments sur les autres est évident quand en 1916, alors qu'il se bat contre la taxe de l'indigo, Gandhi déclare au sujet des paysans : « Le soulagement pour eux est d'être libéré de la peur. » [3, p. 191]

Style de communication

« Respectueux de la règle du jeu, comme un joueur d'échec impeccable, il échafaudait de savantes manœuvres, des combinaisons inattendues. » [2, préface]

Règles et règlement

Gandhi est extrêmement respectueux des règles : lorsqu'il est excommunié de sa caste et que ses proches s'apprêtent à transgresser cette excommunication, il les oblige à respecter la règle. [2, p. 116]

En 1892/93, lorsque Gandhi se fait injustement maltraiter par un agent anglais ce qui l'obligera à s'exiler en Afrique Sud, il est en colère car cette injustice ne s'appuie sur aucune règle : « S'il y avait eu la moindre règle, le moindre règlement pour inspirer de telles décisions, c'eut été déjà quelque chose. Mais c'était le bon plaisir du Sahib qui faisait loi. » [2, p. 129]

En 1893, Gandhi achète un billet de train de première classe et il se fait brutalement renvoyer en troisième classe en raison de sa couleur de peau. Il subit le même traitement dans la diligence où le conducteur l'oblige à voyager à l'extérieur. Déterminé à voyager dans des conditions correctes, il envoie chercher le règlement des chemins de fer, l'étudie et relève une échappatoire possible car le vocabulaire manque « d'exactitude et de précision ». Il envoie alors un courrier au chef de gare en annonçant sa venue et sa volonté d'acheter un billet de première classe. Il obtient satisfaction !

Plus tard en Inde, pour remédier à la malheureuse situation des voyageurs de troisième classe, Gandhi propose que les gens éduqués y voyagent et déposent des réclamations en « n'admettant jamais la moindre contravention aux règlements de la part de quiconque », et ce dans un but d'éducation. [2, p. 304] Il estime que si un personnage important préfère voyager en troisième, peu importe sa position sociale : « Il doit se soumettre de plein gré à tous les règlements auxquels sont assujettis les pauvres gens. » [2, p. 483] En 1915, alors que Gandhi voyage en troisième classe, un ami propose à sa femme d'aller faire ses ablutions en seconde ; des années après, lorsque Gandhi écrit son autobiographie, il regrette encore cette entorse au règlement : « Je finis par me rendre et par me faire complice de cette contravention au règlement. » [2, p. 491]

La philosophie de Gandhi obéit à des règles très précises : « Le satyagrahi3 obéit intelligemment et de son propre accord aux lois de la société, parce qu'il considère cette attitude comme un devoir sacré. Ce n'est que lorsqu'on a ainsi scrupuleusement obéi aux lois de la société, que l'on est en mesure de faire exactement le partage entre règles bonnes et justes et règles injustes et iniques. Alors seulement entre-t-on en possession du droit de désobéissance civile à certaines lois, dans des circonstances bien définies. » [2, p. 602]

Il est amusant de noter qu'en 1919, Gandhi est choisi par le Congrès pour rédiger les lois et le règlement dudit Congrès.

Limites

« Le satyagraha3 est une arme qui exclut absolument la violence. Je considère comme un devoir pour moi d'en expliquer la pratique et les limites. » [2, p. 483]

Gandhi est un homme qui était parfaitement conscient de ses limites et il a souvent évoqué le sujet :

  • « Plus je médite sur mon passé, plus je vois nettement mes limites. » [4, p. 24]
  • « J'ai conscience de mes propres limites. Mais d'en avoir conscience me vient le peu de force dont je dispose. » [4, p. 79]
  • « La vérité m'est infiniment plus chère que cette dignité accablante de Mahatma dont on veut m'affubler. Si jusqu'à présent ce fardeau ne m'a pas écrasé, c'est bien grâce au sentiment que j'ai de n'être rien et parce que j'ai conscience de mes limites. » [4, p. 87]
  • « Je ne connais que trop bien mes misérables défauts, mais c'est d'en avoir conscience que me vient toute ma force. Il est en effet assez rare de connaître ses propres limitations. » [4, p. 135]
Ambivalence

Gandhi se sent rarement à la hauteur de sa tâche. Toute sa vie, il a rejeté le titre de Mahatma et les signes d'adoration dont il était la cible. D'un admirateur qui lui a dédié un temple, il dit : « Le fondateur de ce temple a gaspillé des ressources précieuses. Les villageois qu'on y attire sont induits en erreur et, chose insultante pour moi, toute ma vie se trouve caricaturée pas ce temple. » [4, p. 98]

En 1914, lorsque la première guerre mondiale éclate, Gandhi considère que les « Indiens résidant en Angleterre avaient une place à tenir dans la guerre ». [2, p. 441] Gandhi, malgré son vœu d'Ahimsa, considère alors qu'il n'est pas incompatible de participer à l'effort de guerre et que trois solutions s'offrent à lui s'il ne désire pas « rompre les liens avec l'Empire et vivre sous sa bannière » [2, p. 44] :

  • « proclamer sa volonté de s'opposer ouvertement à la guerre au nom du Satyagraha3 et boycotter l'Empire jusqu'à ce qu'il ait changé de politique militaire ;
  • « soit aller au devant la prison pour désobéissance civile […] ;
  • soit se ranger dans la guerre au côté de l'Empire, et par là même acquérir les titres et aptitudes nécessaires qui me permettraient de m'opposer à la guerre. Titres et aptitudes me faisaient défaut : j'estimai donc qu'il n'y avait d'autres solutions que de prendre du service. »

La position est pour le moins ambivalente !

Toute sa vie, Gandhi a été ambivalent vis-à-vis de l'autorité, mais également vis-à-vis de sa propre autorité et de son pouvoir. Les historiens sont quasiment unanimes sur le fait que la relation de Gandhi au Parti Nationaliste était ambiguë. À partir de 1920, Gandhi a certes été un leader moral au sein du Congrès, mais a rarement joué ouvertement le rôle de dirigeant, préférant s'appuyer sur les fidèles Nehru et Patel. À partir de 1934, il a renoncé officiellement à être membre du Congrès, tout en restant influent dans la prise de décision jusqu'en 1942.

GandhiCorrection

Gandhi attache beaucoup d'importance à toujours avoir les vêtements et le style approprié. L'un des chapitres de son autobiographie s'intitule « Je joue les gentlemen ». Il y raconte comment, par correction, il essaye de devenir un parfait gentleman anglais, portant cravate, haut de forme, souliers vernis et prenant des cours de danse et de violon.

Cette volonté d'être correct, adéquat, en toutes circonstances se manifeste souvent dans ses écrits :

  • À la veille de partir en Angleterre, il se débarrasse de la shikka (signe distinctif de sa caste) de peur de s'exposer au ridicule et d'être pris pour un barbare par les Anglais.
  • En arrivant en Afrique du Sud, il adopte le turban, coiffure coutumière de musulmans, groupe auquel appartient son employeur et auquel Gandhi décide de rattacher sa loyauté.
  • En décembre 1896, alors qu'il ramène sa femme et ses fils au Natal, il les oblige à porter des vêtements parsis afin de faire « bonne impression » malgré leurs douleurs à porter des chaussettes et chaussures.
  • Alors qu'il parcourt l'Inde en troisième classe pour comprendre les siens, il adopte la tenue des Indiens de la rue.

La légendaire tenue de Gandhi, le dhotî (pagne en coton noué autour de la taille), est une correction vis-à-vis de la majorité du peuple indien qui est habillé aussi simplement. Il est de notoriété publique que Gandhi avait étudié cette tenue.

Instincts

Conservation

L'instinct de conservation paraît très abîmé chez Gandhi.

Il attache une importance énorme aux sujets de la santé et de l'alimentation : il a étudié plusieurs méthodes thérapeutiques naturelles et sa position sur le végétarisme a été évoquée précédemment. Ses jeûnes poussés à l'extrême, au cours desquels il a parfois frôlé la mort, sont également une manifestation de cet instinct blessé. Rappelons que Gandhi, s'il était un artisan de la non-violence, imposait la plus grande des violences à son propre corps.

Il n'était pas rare de voir Gandhi interrompre une réunion importante pour vanter les mérites d'un nouveau cataplasme à l'argile qu'il avait expérimenté la veille, ou même les bienfaits d'une nouvelle purge.

Gandhi était également d'une propreté méticuleuse et avait une quasi-obsession de la propreté.

Cette problématique des sujets liés à la conservation, la légendaire cordialité de Gandhi (qui a d'ailleurs parfois été typé comme un 2) et son autodérision sont des manifestations incontestablement du sous-type “Cordialité”.

Social

En 1893/94, Gandhi entre au service de la communauté des Indiens d'Afrique du Sud et refuse de percevoir une quelconque rémunération. « L'idée m'illumina soudain que si je devais me vouer ainsi au service de la communauté, je devais abjurer tout désir d‘avoir des enfants et de m'enrichir, et mener la vie d'un vanaprastha, de l'homme qui s'abstrait des soucis du foyer. » [2, p. 1258] Gandhi ne souhaite pas avoir davantage d'enfants car il veut servir la communauté, tâche impossible lorsqu'on a une famille à charge : « Sans l'observance du Brahmacharya2, le service de la famille excluait le service de la communauté. » Gandhi a totalement délaissé l'éducation de ses enfants et n'a jamais pris la peine de leur donner une formation décente, tout absorbé qu'il était au service de la communauté. Des années plus tard, il écrit : « Mais j'ai sacrifié la formation littéraire de mes fils à ce que, sincèrement (et peut-être à tort), j'ai cru être le service de la communauté. » [1, p. 70] Tout comme Gandhi a choisi de faire vœu de chasteté, il a choisi de renoncer à la vie de famille pour vivre en communauté, d'abord en Afrique du Sud à Phoenix et à Tolstoï Farm, puis en Inde dans les ashrams de Sabarmati et de Wardha. À un étranger qui lui demande un jour comment va sa famille, il répond : « Toute l'Inde est ma famille. » [3, p. 164]

Généralement, toute prise de décision chez Gandhi est l'occasion d'en discuter avec ses amis.

Gandhi est un homme de devoir. En 1914, il considère qu'il est de son devoir de soutenir l'effort de guerre Britannique : « Si nous voulions améliorer notre statut en faisant appel à l'aide et à l'esprit de coopération des Britanniques, notre devoir exigeait que, pour gagner leur appui, nous fussions avec eux dans ces heures difficiles. »

Le sous-type social est donc indéniable chez Gandhi qui n'a accordé ses loyautés quasiment qu'à des groupes d'individus (et non des individus séparés).

Sexuel

Gandhi affiche un instinct sexuel très endommagé, peut-être même davantage que l'instinct de conservation. Ce point est très longuement développé dans l'analyse sur Gandhi et la Spirale Dynamique.

Guy Deleury dit de lui : « Quand on se plonge dans l'énorme masse de documents qu'il a laissés sous forme de livres, d'articles de journaux, de lettres […], on ne peut qu'être frappé de la place infinitésimale qu'y tiennent les mentions de ses expériences sexuelles. » [1]

Le vœu de chasteté et la position de Gandhi par rapport à la sexualité ont pris racine dans un intense moment de honte qui a probablement accentué le déséquilibre de son instinct sexuel : le père de Gandhi est mort alors que son fils, installé à son chevet, venait de s'absenter, saisi d'une pulsion sexuelle. Gandhi était allé contraindre sa femme, enceinte. Un domestique lui avait annoncé la mort de son père, et Gandhi s'est toujours reproché de ne pas avoir été là lors de son dernier souffle. Des années après, Gandhi parle de cette « honte » encore brûlante (survenue au moment même où il traversait une période en vMème ROUGE). Soulignons, au passage, l'importance que Gandhi attachait à la figure paternelle et à son autorité, détail révélateur de son ennéatype 6.

Si Gandhi a très peu écrit au sujet de la sexualité, ses détracteurs ont été prolixes, l'accusant parfois d'avoir eu des relations sexuelles avec de jeunes femmes Abha, Manu et/ou Mira qu'il faisait dormir près de lui afin de le réchauffer et de tester la force de son vœu de chasteté. Il est très probable que Gandhi soit resté chaste en pareilles circonstances :

  • en raison de ses mécanismes de 6 : loyauté à son vœu de chasteté et à sa femme, évitement de la déviance ;
  • parce que le traumatisme lié à l'acte sexuel reste une honte trop forte pour Gandhi.

Dans son autobiographie, Gandhi avoue son incapacité à lier des relations amicales intimes : « Et qui désire l'amitié de Dieu doit rester seul ou prendre le monde entier pour ami. Peut-être ai-je tort, mais mes efforts pour cultiver l'intimité en amitié n'aboutirent, à l'expérience, qu'à des échecs. » [2, p. 29] Cet aveu et le vœu de chasteté signent sans doute un signe de sublimation de l'énergie sexuelle dans la recherche du lien avec Dieu.

Selon la codification en vigueur à l'Institut Français de l'Ennéagramme, je propose la notation suivante pour les sous-types de Gandhi : 6 C++, S++/-, X--/+.

Ailes

En plus de la peur, du doute et de la suspicion, Gandhi manifeste souvent la fixation secondaire de détachement et la passion secondaire d'avarice. En effet, Gandhi fait l'éloge de sa timidité en disant qu'elle lui a permis de faire l'économie de paroles et de temps en « resserrant sa pensée ». [2, p. 81]

L'avarice financière est également visible : « Je tenais au centime près la comptabilité de mes dépenses. […] Je décidais de réduire de moitié mes dépenses. » [2] Cette passion secondaire d'avarice a souvent été source de moquerie par ses proches, notamment un jour où Gandhi avait acheté un livre pour apprendre à faire le pain afin de faire des économies [2, p. 265], et un autre où il avait appris à se couper les cheveux lui-même [2, p. 267] : ses amis avocats, écroulés de rire face à sa coupe ratée, lui avaient alors demandé si les rats lui avaient mangé les cheveux !

Gandhi était également célèbre pour les cartes postales, les bouts d'enveloppes et les morceaux de papiers sur lesquels il écrivait ses communications. Il récupérait tout ce qui pouvait servir dans un souci d'économie. [3, p. 270]

À partir de 1926, alors même que Gandhi est élevé au rang de saint homme, il décide de respecter un silence absolu tous les lundis et relatif le reste du temps [3, p. 298], signe d'une avarice de soi certaine, même si cette décision est dictée par un épuisement extrême : Gandhi était un tel travailleur qu'il a dû instaurer les « lundis silencieux » afin de pouvoir se reposer une journée par semaine et préserver ses forces. Cette attitude pourrait pointer vers un 6 à aile 5 qui assure sa sécurité par le secret et la non-disponibilité ; elle renvoie aussi au domaine de préoccupation du 6 : activités de travail et de divertissement.

Quant à la dichotomie du type, batailleur/dégonflé, je n'y reviens pas car elle a été largement abordée dans les paragraphes consacrés à la contre-phobie et à la peur.

Vertu et idée supérieure

La philosophie non violente de Gandhi repose sur l'idée même de courage sans peur et nous montre que Gandhi a été connecté à sa vertu, au moins dans la seconde partie de sa vie : « La non-violence est la seule solution efficace aux haines entre les nations. La bombe atomique ne résout rien. La peur ne résout rien. Seul le courage tranquille du guerrier sans armes, ni armure est efficace. » [1, p. 218] « Ma non-violence n'admet pas qu'on s'enfuie du danger en laissant les siens sans aucune protection. Je ne peux que préférer la violence à l'attitude de celui qui s'enfuit par lâcheté. Il est tout aussi impossible de prêcher la non-violence à un lâche que de faire admirer un beau spectacle à un aveugle. La non-violence est le summum du courage. » [4, p. 179]

Aung San Suu Kyi, digne héritière de la pensée gandhienne, dit de lui : « L'essence de sa pensée était le courage sans peur et la vérité, selon une action visant toujours le bien du petit peuple… La qualité d'un individu ou d'un peuple est dans son courage sans peur, abhaya, non pas seulement physiquement mais moralement. » [1, p. 228]

L'idée supérieure, la foi ou la confiance, apparaît également dans la seconde moitié de sa vie du Mahatma : « Quoique j'aie accompli dans ma vie, ce ne fut jamais par raisonnement mais par instinct, ou devrais-je dire Dieu ? » [1, p. 58] « La foi est une sorte de sixième sens qui s'exerce là où la raison n'est plus compétente. » [4, p. 122]

En conclusion, Mohandas Karamchand Gandhi : un ennéatype 6 mu, aile 5, C++ S++/- X--/+.

Gandhi« Je n'ai rien d'un visionnaire. Je n'ai aucune prétention à la sainteté. Je suis un être terrestre et terre à terre. Je suis enclin aux mêmes faiblesses que vous. » [4, p. 283]

Le 30 janvier 1948, Gandhi a tiré sa révérence, victime du fanatisme de certains Hindous qui avaient organisé six tentatives d'assassinat depuis 1934. Il est alors entré dans la légende, même si ce n'était pas un saint homme mais un homme simple, en proie comme les autres à ses mécanismes égotiques. Depuis près d'un siècle, il a inspiré et tracé la voie des guerriers de la non-violence : Mandela en Afrique du Sud, Martin Luther King aux États-Unis, César Chavez, le Dalaï-Lama, Vaclac Havel en Tchécoslovaquie, Aung San Suu Kyi en Birmanie. Ainsi, Gandhi, un ennéatype 6, est devenu le symbole des minorités opprimées. Peut-on imaginer meilleure icône pour cette cause ?

Je termine par une note à propos du doute en citant une dernière fois Bapu : « Toute ma vie, j'ai été habitué à ce que les autres se trompent sur mon compte. C'est le lot de tout homme public. Il faut une solide cuirasse car s'il fallait donner des explications pour justifier qu'on se méprend sur vos intentions, la vie deviendrait insupportable. Je me suis fait une règle de ne jamais intervenir pour rectifier ce genre d'erreur, à moins que ne l'exige la cause que je défends. Ce principe m'a épargné bien du temps et bien des tracas. » [4, p. 79]

Par cette détermination de son ennéatype, j'espère n'avoir pas trahi ce qu'était réellement Gandhi et avoir contribué à lever l'incompréhension qui règne autour de sa loyauté et de ses contradictions.

Annexes

Étant donné que Gandhi a souvent été typé 1 ou 9, je propose une rapide exploration de ces deux ennéatypes et les raisons pour lesquelles, je ne les ai pas retenus.

Exploration du type 9

Humain et pacifique, Gandhi, le père fondateur de l'Inde moderne, a souvent été typé 9, probablement en raison de sa politique de non-violence, assimilée par certains à un évitement du conflit.

L'acceptation et le soutien ?

Gandhi pouvait parfois manifester l'orientation du 9 : acceptation et soutien. En effet, il acceptait les différences de ses ennemis qu'il considérait comme des frères et excusait leurs fautes. Dès ses débuts d'avocats en 1893 en Afrique du Sud, Gandhi était considéré comme un remarquable médiateur et pacificateur. Durant ses années d'avocat, il a toujours tenté d'amener ses clients à une négociation amiable. Il a été un modèle d'acceptation des différentes communautés religieuses qu'il a essayé de réconcilier toute sa vie : le plus grand combat de Gandhi (et son plus grand échec) a été celui de la réconciliation des communautés hindouistes et musulmanes, combat qu'il a mené jusqu'à son dernier souffle.

Toutefois pendant la jeunesse de Gandhi, cette orientation est moins visible et totalement absente dans ses relations avec sa femme et ses enfants. Gandhi a porté toute sa vie des remords à propos de son extrême dureté envers sa femme ; il n'a jamais accepté ses enfants tels qu'ils étaient, notamment son fils Harilal qu'il a chassé et à qui il a refusé toute aide parce que ce fils aîné ne suivait pas les préceptes enseignés par son père.

En outre, Gandhi est un réformateur. Il a tenté toute sa vie de changer les gens autour de lui et de les amener vers ses principes de vie, ce qui ne me semble guère compatible avec une orientation de 9.

L'oubli de soi ?

Dans son autobiographie, Mes expériences de vérité, Gandhi parle d'un travail d'introspection dès son plus jeune âge (19 ans) à partir du moment où il a vécu en Angleterre, ce qui paraît incompatible avec l'oubli de soi, fixation du 9.

En outre, Gandhi connaît ses besoins, il sait qui il est et quelles sont ses aspirations, même s'il doute beaucoup.

Certes Gandhi s'est mis au service des autres toute sa vie. Il ne s'agissait toutefois pas d'oubli de soi mais simplement de défendre la dignité et les droits de minorités opprimées.

La paresse ?

Ni la paresse à faire, ni la paresse à se connaître soi-même ne sont visibles chez Gandhi, même dans ses années de jeunesse. Gandhi était un énorme travailleur et passait beaucoup de temps à faire de l'introspection. Il interrogeait souvent sa « voix intérieure » pour avoir des réponses sur lui-même ou sur une situation.

La narcotisation ?

Certaines lubies de Gandhi pourraient être interprétées comme un mécanisme de narcotisation : la recherche et les expériences relatives au végétarisme, les jeûnes et les multiples expériences en médecines naturelles. La passion de Gandhi pour le rouet, exercice auquel il s'adonnait tous les jours, pourrait aussi passer pour de la narcotisation. Il en est de même du travail : Gandhi était un tel travailleur qu'il a dû instaurer les « lundis silencieux » afin de pouvoir se reposer une journée par semaine et préserver ses forces.

Toutefois, ces comportements peuvent aussi s'expliquer par les mécanismes du 6 (aile 5 et domaine de préoccupation). Quant aux expériences relatives à la médecine et au végétarisme, elles semblent plutôt relever d'un instinct de conservation blessé. En ce qui concerne le végétarisme, le moteur initial de Gandhi a été la loyauté envers un vœu fait à sa mère.

L'évitement des conflits ?

La politique de non-violence de Gandhi ne consiste absolument pas en un évitement du conflit, bien au contraire. Gandhi souhaitait attendre ses buts en opposant la non-coopération et la résistance passive à ses adversaires. Ils respectaient ses adversaires et prenaient en compte leur point de vue au non de l'ahimsa (totale non-violence), mais en aucun cas il n'évitait les conflits.

Il a passé une partie de sa vie (six ans) en prison suite à ses provocations vis-à-vis des autorités.

D'ailleurs il déclare, en août 1920 dans Young India, que si l'on a le choix qu'entre la lâcheté et la violence, alors il conseille la violence !

En 1930, alors qu'il se met en route pour la célèbre Marche du sel, il déclare : « Je suis résolu à détruire ce système de gouvernement [anglais]. » [1] On fait mieux en termes d'évitement conflit !

Certes Gandhi a souvent évité le conflit, mais comme le fait justement remarquer Pierre Meile qui a préfacé son autobiographie : « Il évite le combat là où l'autre sera en force, et il choisit soigneusement son terrain, où la situation lui sera le plus favorable. » [2] Pour Gandhi, il ne s'agit pas d'éviter le conflit mais « d'éviter le pire, en attendant le bon moment pour remporter la victoire. » [1] L'évitement du conflit est donc une stratégie totalement consciente chez Gandhi, non une compulsion.

L'amour et l'activité ?

Certes, certaines idées du Mahatma pourraient passer pour l'idée supérieure du 9 (l'amour) et sa vertu (l'activité). À la liste des vertus attribuées à Gandhi, on peut ajouter le courage et la vérité. Gandhi était un extraordinaire chercheur de Vérité. Il considère d'ailleurs que toute sa vie ne constitue que des « expériences de vérité ».

Enfin, la colère, problématique du centre instinctif est très peu présente dans les biographies de Gandhi. Les biographes ne rapportent que très peu de grosses colères.
L'autobiographie de Gandhi évoque quelques cas de colères (qui paraissent légitimes mais qui n'ont pas forcément été exprimées et s'accompagnent d'une grande crainte). Même si la colère est souvent inconsciente chez le 9, on peut supposer que Gandhi, à force d'introspection, aurait fini par en prendre conscience et en aurait parlé dans son autobiographie qui confesse avec honnêteté ses erreurs de jeunesse, ses petits défauts et surtout ses peurs.

Les sous-types ?

L'analyse par les sous types démontre de manière évidente que Gandhi n'était pas un ennéatype 9 : il ne manifeste absolument pas les caractéristiques du sous-type conservation Appétit, ni celle du sous-type sexuel Union. Quant au sous-type social du 9, Participation Périphérique, il est inenvisageable : chez Gandhi, la participation au groupe est totale, il est souvent à l'initiative de la création du groupe et fait souvent preuve d'une dureté envers les siens qui est incompatible avec ce sous-type.

En conclusion, je dirais que, même si Gandhi a pu passer pour un altruiste, un extraordinaire médiateur et pacificateur, il n'est pas de type 9.

Exploration du type 1

GandhiCertains grands noms de l'Ennéagramme (Riso, Palmer) ont typé Gandhi en 1 en raison de ses idéaux élevés qui ont été repris dans toute la planète par Marthin Luhter King, Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi et bien d'autres encore. Une approche rapide du personnage et la lecture de certaines biographies peuvent effectivement faire imaginer ce type.

La rigueur personnelle et les idéaux élevés ?

Gandhi était certes un homme d'idéaux et sa rigueur personnelle était sans faille.

L'un des premiers traits de caractère qui marque chez Gandhi, c'est la rigueur personnelle concernant le végétarisme et le brachmacharya (continence, célibat). Gandhi a préféré presque mourir de faim lors de son séjour en Angleterre plutôt que trahir son vœu de végétarisme. Des années plus tard, malade et au bord de la mort, il a encore refusé de boire du bouillon de bœuf ou du lait, préférant mourir plutôt que renier son vœu. Toute sa vie, Gandhi a également lutté contre ses élans sexuels. Après son vœu de chasteté, Gandhi aura du mal à supporter ses enfants qui sont les représentants vivants de ses ébats ! Dans sa vie à l'ashram, Gandhi s'est toujours voulu un modèle pour les autres, s'imposant une conduite parfaite.

Gandhi a certes des idéaux très élevés qu'il a transmis aux générations futures. Son combat est celui de la conscientisation d'une communauté opprimée. Il croit en la dignité humaine et en la non-violence. Mais le plus fort d'entre tous ses idéaux me paraît tout de même être la loyauté !

Un centre instinctif intérieur ?

Être 1 signifie avoir un centre instinctif intérieur. L'orientation intérieure est visible chez Gandhi qui travaillait en permanence à devenir un homme meilleur. Gandhi a parcouru des milliers de kilomètres dans sa vie, a écrit quotidiennement des dizaines de lignes… sans jamais décrire les superbes paysages qu'il a parcourus. Tous les voyages de Gandhi ont été prétextes à un voyage intérieur, une introspection, signant clairement l'orientation du centre vers l'intérieur. Toutefois, être de type 1 signifierait que Gandhi a un centre instinctif préféré avec sa problématique de colère. Or, l'autobiographie de Gandhi évoque très peu la colère alors que la peur semble très présente dans les premières années de Gandhi. Se pourrait-il que Gandhi, qui nous décrit ses peurs, ses angoisses et ses petits larcins avec honnêteté ait oublié de nous parler de sa passion de colère ? Quelques anecdotes évoquent la colère mais elles sont peu nombreuses par rapport aux anecdotes racontant la peur !

À noter que le film Gandhi de Richard Attenbourough présente le personnage avec davantage de colère que de peur, s'appuyant sur les deux anecdotes relatives à la colère racontée dans l'autobiographie et reprise dans la biographie de Fisher. Même si le film est superbe, il n'est en rien révélateur de la véritable personnalité de Bapu et n'en traite pas en profondeur la complexité.

La patience est une qualité avec laquelle Gandhi est apparemment né, ce qui ne semble guère compatible avec un type 1.

Gandhi est un perfectionniste, méticuleux, certains auraient donc pu y voir la fixation de perfectionnisme. Ses biographes racontent une tendance à accorder à tous les problèmes la même importance, ce qui pourrait faire penser au 1 qui traite les problèmes les uns après les autres.

Même si le style de communication de Gandhi est très 1 – il fait passer ses messages par l'enseignement et les sermons –, il explique toujours les limites précises de ses idées et de sa philosophie, ce qui relève plutôt du type 6.

Le mécanisme de défense et la compulsion sont difficilement repérables et je ne ferai aucune supposition sur ce sujet ! Je n'ai d'ailleurs trouvé aucun exemple au fil de mes lectures qui tendent vers une formation réactionnelle ou la volonté d'éviter la colère. Une seule fois, Gandhi s'est senti coupable d'une colère, dans la communauté de Phoenix alors qu'il s'était emporté contre un jeune garçon. Ses remords semblent davantage provenir du fait qu'il a été déviant par rapport au modèle qu'il était supposé incarner.

Les sous-types ?

Le sous-type conservation du 1, Anxiété, pourrait être envisagé pour Gandhi qui était attentif aux moindres détails et qui se contrôlait en permanence. Ces caractéristiques ne sont toutefois pas incompatibles avec le type 6, ce sous-type du 1 étant d'ailleurs souvent confondu avec un 6. Par ailleurs, l'autobiographie fait ressortir que le jeune Gandhi avait peur de tout, là où un jeune 1 aurait été en insécurité essentiellement en raison de ses propres imperfections.

À première vue, le sous-type social du 1, Inadaptation sociale, pourrait convenir. Toutefois, Gandhi, dans les ashrams et communautés qu'il a fondées, était très consultatif et s'appuyait sur le groupe pour bâtir les règles de la communauté. Contrairement au portrait qu'en dressent certains analystes, il n'avait pas cette rigidité moralisatrice du 1.

Le sous-type sexuel du 1, Jalousie, pourrait également convenir à première vue, mais Gandhi était davantage dévoré par les doutes et la suspicion au sujet de sa femme que par la jalousie.

En termes de comportements, le type 1 pourrait donc convenir. Toutefois l'Ennéagramme est une typologie des motivations profondes des individus et celles de Gandhi sont totalement cohérentes avec un type 6. La vie émotionnelle de Gandhi est clairement marquée par la peur et non par la colère. Certes, la colère s'est parfois exprimée dans la vie de Gandhi et était souvent le préambule à une crise de contre-phobie. En termes de doute, Gandhi a douté jusqu'à la fin de lui, de ses idées et de ses expériences, contrairement à un type 1 qui aurait davantage douté de ses standards.

En raison de l'absence de colère et de la présence importante de la peur, j'ai donc rejeté l'hypothèse du 1 pour Gandhi, même si beaucoup de ses comportements semblent compatibles avec cet ennéatype. En effet, les motivations profondes de Gandhi semblent davantage relever du type 6 que du 1. Tous les mécanismes du type 6 sont présents et certains permettent même de lever le voile sur certains aspects contradictoires du personnage.

À noter que le seul grand nom de l'Ennéagramme ayant typé Bapu en 6 est Claudio Naranjo qui a manifestement lu l'autobiographie de Gandhi [Transformation Through Insight, p. 308].

Bibliographie

[1] Guy Deleury, Gandhi : chemins d'éternité, Pygmalion, 2007.
[2] Gandhi, Autobiographie ou mes expériences de vérité, Presses universitaires de France, 1998.
[3] Louis Fisher, The Life of Mahatma Gandhi, Harper Collins, 2007.
[4] Vie et pensées du Mahatma Gandhi d'après ses œuvres, Tous les hommes sont frères, Textes choisis par Krishna Kripalani, Gallimard Folio Essais, 2007.
[5] Dominique Lapierre, Larry Collins, Cette nuit la liberté, Livre de poche, 2004.

Autre source : le film de Richard Attenborough, Gandhi, 1982.

Notes

1 L'ahimsa (mot d'origine sanskrit, apparu dans les Upanishad, 800 av. JC) est un concept religieux qui prône la non-violence et le respect de toute vie animale multicellulaire. Le mot ahimsa désigne proprement « l'action ou le fait de ne causer de dommage à personne », himsa signifiant « action de causer du dommage, blessure » et a- étant un préfixe privatif. Il est interprété de diverses manières, le plus souvent comme une forme de paix envers tout être sensible. L'ahimsa est le cœur de l'hindouisme, du jaïnisme (où la non-violence est le devoir suprême) et du bouddhisme. Ceux qui pratiquent l'ahimsa sont végétariens ou végétaliens. En fait, « non-nuisance » transcrit mieux l'idée véhiculée par le terme sanskrit. D'autant plus que ce concept vaut autant pour le plan physique que pour le psychique.

2 Le brahmacharya est un mot sanskrit qui signifie « une vie qui est menée en quête de la réalisation personnelle de Brahman », c'est-à-dire une « conduite divine ». Pour Gandhi, cela se traduisait par la chasteté et les restrictions morales.

3 La satyagraha ou « force de la vérité » (satya = vérité, agraha = force) est le principe de non-violence par la désobéissance civile que Mohandas Karamchand Gandhi a instauré.

4 Les derniers mots de Gandhi font la quasi-unanimité chez ses biographes, mais sont toutefois contestés par certains qui y voient une volonté de renforcer l'image d'un saint après sa mort.