Institut Français de

l’ennéagramme

À quoi sert tout le reste...

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Bonjour à tous,

 

Une anecdote sur un petit événement qui s'est déroulé hier (3/10/2004).

 

Comme chaque dimanche, je me suis rendu à la messe, et comme cela se pratique dans la paroisse que je fréquente, au moment de la communion, des petites cartes sont distribuées avec inscrites dessus des passages des lectures du jour. Hier donc, la phrase que j'ai pu lire sur la carte était la suivante : "Dieu nous a donné un esprit de force, d'amour et de raison." (1er chapitre de la 2e lettre à Timothée).

 

J'ai eu plusieurs réflexions à la lecture de cette phrase :

  • L'esprit de Dieu connait donc l'ennéagramme puisqu'il utilise les trois centres. :happy:
  • Si on associe
    • force à 8 (fierté du 8 : je suis fort),
    • amour à 2 (fierté du 2 : j'aime),
    • raison à 5 (fierté du 5 : je sais, je comprends),

    on peut même ajouter qu'il utilise les trois centres dans le sens extérieur. :heart: :sick:

    [*]Trève de plaisanterie, je pense aussi que Paul en écrivant cette phrase avait l'intuition des trois centres, et qu'il faut peut-être le prendre en considération dans l'histoire de l'ennéagramme.

Et vous, connaissez-vous d'autres phrases de Paul de Tarse pouvant être interprétées à la lumière de l'ennéagramme ?

 

Autre question : l'ordre dans l'énoncé (force, amour, raison) a-t-il de l'importance ou est-il fortuit ?

 

Cordialement,

Alain (9 alpha 1)

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Fabien Chabreuil

Bonjour Alain,

 

Les trois centres orientés vers l'extérieur et utilisés dans cet ordre, c'est en cohérence directe avec ce que j'ai décrit dans la discussion sur Jésus Christ à laquelle tu peux te rapporter.

 

Quant à l'existence des trois centres, elle est connue depuis si longtemps… Platon, et bien d'autres, en ont parlé, et on ne peut pas considérer, je crois, qu'il s'agit là d'une intuition particulière et d'un apport spécifique de Paul de Tarse.

 

Très cordialement,

Fabien

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Bonjour à tous, bonjour Fabien

 

J'ai poursuivi mes recherches sur Paul de Tarse, et j'ai découvert la phrase suivante : "Voici ce que produit l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi"- traduction liturgique). Une autre traduction (Bible de Jérusalem) cite serviabilité pour bonté, longanimité pour patience (la longanimité selon le Larousse est la patience à supporter des douleurs morales), confiance dans les autres pour foi.

 

Selon Paul, les fruits de l'esprit sont au nombre de neuf, et beaucoup de ces fruits se retouvent dand la liste des vertus et idées supérieures propres à chaque type quand il est dans son essence.

Type 1 : vertu de patience

Type 2 : vertu d'humilité

Type 4 : vertu d'harmonie (paix ?)

Type 6 : idée supérieure de foi, confiance

Type 7 : vertu de tempérance (maîtrise de soi dans le sens utilisation modérée des plaisirs)

Type 8 : idée supérieure d'altérité (à rapprocher de la bienveillance). La maîtrise de soi (dans la liste de Paul) peut être aussi appropriée pour un type qui a pour passion l'excès.

Type 9 : idée supérieure d'amour.

 

Je n'ai pas trouvé de correspondance pour le type 3 et 5. Si vous avez des suggestions…

 

La bonté (ou serviabilité suivant la traduction) de la liste de Paul de Tarse peut être mise en correspondance avec le type 2 intégré.

 

Je ne cherche pas à faire coincider parfaitement la pensée de Paul avec l'ennéagramme mais seulement à établir des passerelles.

 

Cordialement,

Alain (9 aile 1)

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Fabien Chabreuil

Bonjour Alain,

Cette phrase de Paul a été citée dans plusieurs ouvrages sur l'Ennéagramme, notamment dans celui de Maria Beesing, Robert Nogosek et Patrick O'Leary. Je ne me souviens pas (mais cela reste à vérifier) qu'une concordance ait été établie avec les neuf types.

Dans ta proposition, je mettrai plutôt la joie au type 4. Il resterait alors l'harmonie et la bonté pour le 3 et pour le 5. Cela pourrait faire sens, mais reste tiré par les cheveux. À chaud et en se forçant à mettre les neuf types, j'ai aussi pensé à :

  • amour 2
  • joie 7
  • paix 9
  • patience 1
  • bonté 3
  • bienveillance 5
  • foi 6
  • humilité 4
  • maîtrise de soi 8

Mais là aussi, le 3 et le 5 ne sont que moyennement convaincants. Paul aurait-il quelque chose contre ces deux ennéatypes ? :laugh:

Très cordialement,
Fabien

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Bonjour Fabien,

 

Je suis tout à fait d'accord avec ton classement, d'autant plus que j'en avais établi un qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau (avec la paix pour le 9, la joie pour le 7…).

 

Pourtant, je ne l'ai indiqué pas dans mon message, préférant me cantonner à la liste établie dans tes ouvrages pour les idées supérieures et les vertus.

 

Bel exemple de fonctionnement de 9 alpha (éviter les conflits) se désintégrant en 6 (je suis loyal à l'autorité réprésentée ici par Fabien et Patricia). :happy::heart:

 

Cordialement,

Alain (9 alpha aile 1)

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Bonjour Fabien, bonjour à tous,

 

Tu évoquais dans ta réponse le livre de Beesing and co. Je m'y suis référé. Il y a bien la citation de Paul aux Galates, mais il n'y a pas d'attribution des fruits de l'esprit à chacun des types.

 

En plaisantant, tu émettais l'hypothèse que Paul puisse avoir quelque chose contre les types 3 et 5. J'ai creusé la question : je pense que pour Paul, le fait de savoir (type 5) ou de réussir (être quelqu'un de puissant, type 3) empêche d'approcher de Dieu, car on oublie la source de cette connaissance ou de ce bien être matériel. Sinon comment comprendre la phrase suivante : "Ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et que l'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n'est pas pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune chair n'aille se glorifier devant Dieu." (1er chapitre de la 1ère lettre aux Corinthiens dans la traduction de la Bible de Jérusalem)

 

Ne trouve t-on pas la même idée dans la première béatitude "heureux les pauvres en esprit" ? Les pauvres étant ceux qui ne misent pas tous sur la raison pour comprendre le monde (type 5), ou ceux qui ont peu de ressources et qui sont capables de s'en passer ainsi que de la reconnaissance sociale qui va avec (plutôt type 3).

 

Cordialement,

Alain (9 alpha 1)

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Fabien Chabreuil

Bonjour Alain,

 

Du point de vue chrétien, les neuf compulsions-passions-fixations ne sont-elles pas neuf moyens de s'éloigner du divin ? Pourquoi celles du 3 et du 5 seraient-elles pires que les autres ?

Les Pères du Désert ont essayé de classer les passions, mais les hypothèses sur la pire d'entre elles ont été différentes selon les auteurs.

 

Il y a aussi neuf béatitudes. J'ai toujours pensé que l'on devait pouvoir faire un lien avec l'Ennéagramme, mais je n'ai jamais pris le temps nécessaire.

Une de nos stagiaires voulait faire son mémoire de certification sur le sujet, mais elle est toujours dans les livres et les rencontres, et ni elle ni moi ne savons quand le projet aboutira.

 

Très cordialement,

Fabien

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  • 7 months later...
Françoise

Bonjour,

 

De mon côté, je me demande plutôt de quel type était Paul. J'ai lu quelque part qu'il était 1. Son appel à César penche en ce sens. Mais n'est-il pas d'abord un 6 bien intégré, qui d'abord prisonnier de la Loi, prend ensuite en compte toute autre dimension ?

 

Si quelqu'un a un point de vue, merci d'en faire part.

 

Cordialement,

Françoise (6)

Françoise – E6

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  • 2 years later...

Bonjour à tous,

 

J'ai eu envie de venir réveiller après un long temps de sommeil cette discussion sur Paul de Tarse. Pour proposer une réponse à la question de Françoise sur son ennéatype, je me range personnellement à l'avis des spécialistes et non des moindres, notamment Richard Rohr, qui pensent que saint Paul était un 1. Je reconnais que je prends cette position sans avoir complètement approfondi le sujet. Je fais juste quelques observations. Comme ça, comme on dit "à vue de nez", son orientation semble être plutôt la rigueur personnelle et l'attachement à des valeurs élevées, plutôt que la loyauté. La colère affleure, jamais directement extériorisée bien sûr, dans ses véhéments reproches aux (chrétiens) corinthiens, galates et certains thessaloniciens, et même à saint Pierre dans l'épître aux Galates. Dans ses écrits, il s'implique fortement, de même qu'il s'est fortement impliqué dans sa mission, remuant ciel et terre, parcourant mont et vaux, terres et mers, travaillant de ses mains la nuit pour subvenir à ses besoins et prêcher le jour, etc. Sa communication est du genre enseignement. Il se veut didacticien et rhétoricien. Ses exégètes l'ont bien mis en lumière : il construit ses développements avec rigueur selon les canons de la rhétorique grecque classique. Il est aussi du genre "sermon" : en dehors des critiques, on y trouve beaucoup d'encouragements, d'exhortations, voire d'injonctions, parfois déguisées, cachées sous couvert de "je ne vous donne pas d'ordres, mais ce serait bien si…" (par exemple dans la deuxième aux Corinthiens à propos de la collecte au profit de la communauté de Jérusalem). Il se donne assez facilement en exemple. Il était au départ un pharisien particulièrement perfectionniste et violemment intolérant. Il s'est intégré en se convertissant à la grâce du salut en Jésus-Christ, rejoignant l'idée supérieure de perfection : c'est donné, c'est là, c'est ici et maintenant, c'est tel que c'est, ça suffit, c'est parfait, il n'y a besoin d'aucun mérite supplémentaire. Le fait de découvrir cela l'a complètement bouleversé. Bon, c'est un peu court peut-être comme argumentation, mais ça va quand même plutôt dans le sens 1. Il faudrait regarder de plus près et en détails pour confirmer ou infirmer.

 

Du côté 6, s'il était bien intégré, le courage et la foi peuvent faire sens bien sûr chez lui. Mais je pense qu'il était quand même parfois aussi dans son ego, or on ne voit ni peur, ni doute chez lui, enfin pas de façon très marquante. Il faudrait voir de plus près pour la suspicion. Mais bon, je peux me tromper.

 

Mais j'étais venu dans cette discussion d'abord pour autre chose. Je voulais revenir sur le sujet des "fruits de l'esprit" de Galates 5, 22-23. Alain m'a mis la puce à l'oreille en faisant état de traductions différentes du même mot. Comme il se trouve que je connais le grec (du moins ce grec courant et commun du bassin méditerranéen ancien dans lequel saint Paul écrivait, qui n'est ni le grec classique d'Homère ni le grec contemporain), j'ai pensé intéressant d'aller à la source. Je suis parti du Nouveau Testament interlinéaire grec/français établi par Maurice Carrez, le meilleur spécialiste français contemporain du grec biblique, ouvrage qui a la particularité de proposer sur deux lignes successives, pour la première le texte grec et pour la seconde une traduction au mot à mot. J'ai mis en face des neuf termes grecs les traductions proposées par six Bibles ou Nouveau Testament en français qui sont à ma disposition. Je les désigne sous les sigles suivants :

  • BFC : la Bible "en français courant", Société biblique française, 1992 ;
  • BJ : la Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, 1967 ;
  • BNT : la Bible Nouvelle Traduction, Bayard, 2001 ;
  • NTI : Nouveau Testament interlinéaire de Maurice Carrez, Alliance biblique universelle, 1993 ;
  • TL : traduction liturgique en usage dans la liturgie de l'Eglise Catholique et optionnellement dans certaines autres Eglises ;
  • TOB : Traduction œcuménique de la Bible, Le Cerf et Société biblique française, 1988.

Les termes sont, dans l'ordre (trancription des mots grecs en alphabet latin) :

  • agapè : toutes les traductions proposent amour, sauf la BJ qui dit charité ;
  • chara : c'est joie pour tout le monde (difficile de trouver autre chose) ;
  • eirènè : paix pour toutes les traductions ;
  • makrothumia : longanimité pour la BJ, patience pour toutes les autres ;
  • chrèstotès : bonté pour la NTI, la TL et la TOB, bienveillance pour la BFC, serviabilité pour la BJ et honnêteté pour la BNT ;
  • agathôsunè : bienveillance pour la NTI, la TL et la TOB, bonté pour la BFC et la BJ et bien pour la BNT ;
  • pistis : foi pour la NTI, la TL et la TOB, fidélité pour la BFC et la BNT et confiance dans les autres pour la BJ ;
  • praütès : humilité pour la TL et douceur pour toutes les autres traductions ;
  • enkrateia : maîtrise de soi pour toutes les traductions.

Je n'ai jamais entendu dire d'aucune de ces traductions qu'elle soit mauvaise et je pense qu'il faut accorder crédit à tous ces traducteurs de leur compétence. De plus certaines sont des traductions collectives, donc avec un contrôle mutuel. Si cette diversité de traductions est proposée, ce ne peut être que parce qu'effectivement le champ sémantique de ces termes recouvre bien toute cette diversité.

 

Cela augmente bien entendu la difficulté de la tâche consistant à attribuer une des attitudes désignées par ces termes, donc un "fruit de l'esprit", à chacun des neuf types. La plus grosse difficulté consiste dans le recoupement entre chrèstotès et agathôsunè. Ces deux termes sont-ils interchangeables ou expriment-ils une note différente ?

 

Mais tout n'est pas négatif : la diversité des traductions peut aussi bien être aidante. Par exemple le fait que toutes les traductions proposent douceur pour praütès sauf une qui dit humilité peut incliner à attribuer ce terme au 2 plutôt qu'au 8.

 

Mais il y a d'autres difficultés :

  • D'une part les choses sont exprimées comme s'il n'y avait en fait qu'un seul "fruit de l'esprit" et non pas neuf. Le texte dit bien "Le fruit de l'esprit est…" et cite ensuite les neuf termes à la suite, ce qui est un peu paradoxal. La TOB commente ainsi dans une note en bas de page : "Aux œuvres de la chair, Paul oppose le fruit de l'Esprit, qui est unique : c'est l'amour. Ce qu'il énumère ensuite, ce sont les signes du règne de l'amour – joie et paix -, les manifestations de cet amour – patience, bonté, bienveillance -, les conditions enfin de sa naissance et de son épanouissement – foi, douceur, maîtrise de soi. La foi est en effet la racine de l'amour ; quant à la douceur, c'est l'attitude des humbles qui se laissent conduire par leur Père céleste ; elle caractérise le Christ."
  • D'autre part, ce développement sur le fruit de l'Esprit (e ou E ?) suit effectivement, sur le mode de l'opposition, un développement sur "les œuvres de la chair qui sont fornication, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, discorde, jalousie, accès de colère, rivalités, dissensions, factions, envies, beuveries, orgies, et les choses semblables à celles-ci" (traduction littérale du NTI). Ces comportements proscrits sont cités au nombre de quinze, suivis d'un et caetera qui suppose qu'il y en a d'autres. Sept sont cités au singulier et huit au pluriel. La TOB y voit "quatre groupes : l'impureté qui pervertit l'amour humain ; l'idolâtrie et la magie, perversions du culte divin ; les divisions qui révèlent l'absence d'amour ; les excès de table qui révèlent une dégradation de l'homme." Certes, mais dans tous les cas, il n'y en n'a pas neuf. On peut donc se demander, en regard, si ce n'est pas un peu par hasard qu'il y a neuf éléments sous la rubrique fruit(s ?) de l'esprit (Esprit ?).

Tout cela est un peu décourageant. Faut-il se torturer l'esprit pour faire rentrer de force ces supposés neuf fruits de l'esprit dans l'ennéagramme ? Je pense qu'il n'y a pas, dans les difficultés que je viens de soulever, de raison définitive d'y renoncer.

 

C'est vrai qu'il ne me paraît pas d'emblée évident que, dès qu'il y a neuf éléments dans une liste, ils doivent nécessairement correspondre aux neuf types de l'ennéagramme. Par exemple, je suis moins optimiste que Fabien pour ce qui concerne le Béatitudes, d'une part parce que, certes il y a neuf béatitudes dans l'évangile de Matthieu, mais la dernière est très différente des autres et semble avoir été ajoutée après coup, d'autre part il n'y en n'a que quatre dans celui de Luc (et quatre "malédictions" !). A propos, Fabien, où en est le mémoire attendu sur le sujet ?

 

Mais pour les fruits de l'esprit, j'y crois. Déjà Alain et Fabien ont fait des propositions, avec quelques divergences et des hésitations. Je pense avoir une piste pour lever ces hésitations.

 

Il faut d'abord essayer de comprendre ce que veut dire "fruit de l'esprit" pour Paul. Il faut ensuite tenter de définir ce qu'est ce "fruit de l'esprit" en termes d'ennéagramme.

 

Pour le mot "fruit", il n'y a pas d'ambigüité : c'est le mot karpos : fruit (production d'une plante ou d'un arbre fruitier) pris dans son sens figuré de "ce que produit une réalité féconde et fécondée)".

 

Pour le mot pneuma, souffle, esprit, Paul l'utilise dans des sens différents. Si on écarte "l'esprit du monde", "l'esprit du mal" ou encore le souffle destructeur de Dieu (mais dans une citation de l'Ancien Testament), il reste les deux sens principaux : l'esprit de Dieu ou Esprit Saint, et l'esprit de l'homme. Il est parfois difficile de savoir, dans un contexte donné, si Paul veut parler du pneuma dans le premier sens ou dans le second. Comme le souligne une note de la TOB, "l'embarras des traducteurs se manifeste dans leur usage désordonné de la majuscule ou de la minuscule au mot esprit. Cette difficulté en fait apparaître une autre, plus profonde : quelle est, dans la pensée de Paul, la relation exacte entre l'Esprit de Dieu (= qui vient de Dieu, donné par Dieu) et l'esprit de l'homme (= qui appartient à toute créature humaine) ?" En fait, si Paul distingue bien les deux et même subordonne clairement le premier au second, d'un autre côté il "laisse entendre la correspondance profonde entre l'esprit de l'homme et l'Esprit de Dieu qui le suscite et le dirige."(note de la BJ). D'où la difficulté parfois à déterminer s'il s'agit de l'un ou de l'autre.

 

Dans le cas présent, tous les traducteurs ont mis un E majuscule à esprit. Ils optent donc pour un fruit le l'Esprit de Dieu en l'homme. Je pense le contraire. D'abord parce que s'il s'était agi de l'Esprit, Paul n'aurait pas parlé de fruit, mais plus clairement de don de l'Esprit Saint pour indiquer clairement que cela venait de Dieu. Ensuite parce que l'esprit est mis ici en parallèle avec la chair.

 

Selon la BJ, "l'esprit (pneuma) désigne parfois chez Paul la partie supérieure de l'homme, qui se distingue de sa partie inférieure, la chair, le corps, voire la psychè." La chair (sarx) n'est pas chez Paul la matière, la substance qui constitue le corps, elle est nettement distincte du corps. La meilleure preuve en est que Paul parle parfois de corps psychique (sôma psychikon) et même de corps spirituel (sôma pneumatikon), notamment pour expliquer métaphoriquement la résurrection par l'image du grain semé en terre, c'est-à-dire dans la mort, d'où naît une plante, qui est physiologiquement d'une autre nature que le grain qui a été semé : "semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel" (1Corinthiens 15,44). Le corps est considéré en somme comme le "support" à la fois de la chair, de la psychè et de l'esprit.

 

La BJ souligne que "Paul insiste particulièrement sur la 'chair' comme siège des passions et du péché…" La TOB ajoute que "si la chair, c'est-à-dire la faiblesse humaine est inquiétante, c'est dans la mesure où elle est asservie ou habitée par des puissances destructrices : le péché, ses passions… si bien que, identifiant le moi à cette chair asservie, l'apôtre peut affirmer que aucun bien n'habite en moi, je veux dire en ma chair (Romains 7,18)." On doit donc pouvoir établir une certaine correspondance entre la chair selon Paul et l'ego selon l'ennéagramme. Cependant la psychè, généralement traduite par âme, est aussi l'ego. Je pense qu'on peut dire en gros que la chair correspond à l'ego plutôt du côté de la désintégration, alors que la psychè correspond à un ego plutôt moyen à sain.

 

Je fais donc l'hypothèse que : chair (sarx) + psychè = ego. Par différence, je postule donc qu'on peut identifier l'esprit (pneuma) de l'homme selon Paul à l'essence selon l'ennéagramme. On est donc ramené à rechercher des fruits de l'essence, si possible un fruit de l'essence dans chaque type. Comment peut-on définir un fruit de l'essence ? Il me semble que les neuf fruits de l'esprit cités par Paul peuvent être décrits comme des attitudes justes, chacune d'entre elles pouvant peut-être particulièrement convenir à l'un des neuf types de l'ennéagramme et étant le signe que la personne est intégrée dans son type en même temps que le résultat de cette intégration. Comme on dit que dans l'ego, le fonctionnement correct, l'action juste, nécessite un équilibre suffisant du centre mental et du centre émotionnel, j'ai pensé qu'on pouvait postuler que cette attitude juste, ce fruit de l'essence, était le résultat de la collaboration du centre mental supérieur et du centre émotionnel supérieur, autrement dit, dans chaque type, le résultat de l'interaction de l'idée supérieure et de la vertu.

 

Je pose donc l'équation :

Idée supérieure + Vertu ----> Fruit de l'esprit

Cela peut ressembler à une équation chimique, mais il n'y a rien de chimique là-dedans ! Dans une réaction chimique, ce qui est à gauche de l'équation disparaît au profit de ce qui est à droite. Ici, rien ne disparaît, mais il apparaît une dimension supplémentaire.

 

Sur cette base, je propose :

  1. Perfection + Patience ----> makrothumia (longanimité)
  2. Liberté + Humilité ----> praütès (douceur)
  3. Espérance + Vérité ----> chara (joie)
  4. Originalité + Harmonie/Contentement ----> eirènè (paix)
  5. Omniscience + Désintéressement ----> chrèstotès (bonté/serviabilité)
  6. Confiance + Courage ----> pistis (foi)
  7. Travail + Tempérance ----> enkrateia (maîtrise de soi)
  8. Altérité + Simplicité ----> agathôsunè (bonté/bienveillance)
  9. Amour + Activité ----> agapè (charité)

Mes propositions se rapprochent donc davantage des propositions initiales d'Alain que de celles de Fabien. Pour certains types, le "fruit de l'esprit" semble ne pas être très différent de l'idée supérieure ou de la vertu, et ne pas apporter grand chose de plus. Cependant si on regarde bien :

  • Pour le 1 : la longanimité (étymologiquement, avoir l'âme longue) semble être la traduction la plus expressive de makrothumia (étymologiquement : avoir l'humeur grande ou large). C'est une patience qui prend en compte la dimension du temps dans le long terme, une patience qui est satisfaite de l'accomplissement présent (perfection), tout en espérant et attendant patiemment que "longueur de temps fasse plus que force ni que rage" et apporte un accomplissement encore plus grand.
  • Pour le 6 : je crois comprendre que la pistis est plus qu'un simple dépassement du doute. Il y a l'idée de la solidité des fondations : ça tient, c'est solide. En tout cas, même si cette connotation n'est pas forcément très claire en grec, Paul fait forcément le lien dans sa tête avec la racine sémitique amn qui signifie foi, croire avec clairement cette idée de "ça tient, c'est fiable" (cf le mot Amen). C'est l'apport du courage en plus de la confiance qui conduit à cette attitude d'appui sur un fondement auquel on se fie sans réserve. Le 6 dans son essence, d'après ce que je crois comprendre, acquiert la conviction d'avoir en lui-même ce qui est solide, ce qui tient la route, sans avoir besoin de le chercher chez les autres ou dans le groupe.
  • Pour le 9 : l'agapè, quoique mal rendu par charité dans sa compréhension majoritaire actuelle, est un amour actif de soi et des autres. Dans un premier temps, l'amour de soi vient guérir la fixation d'oubli de soi. On peut alors aussi aimer les autres ("Tu aimeras ton prochain comme toi-même"). Grâce à la vertu, on arrive ensuite à l'amour actif d'agapè.

Pour les autres types, voici la justification de mes choix :

  • Pour le 2 : j'ai déjà expliqué plus haut pourquoi j'optais pour praütès, douceur. On peut comprendre assez bien que le 2 qui vit sa vertu d'humilité et son idée supérieure de liberté arrive à aimer et à aider les autres de façon plus désintéressée et plus douce, alors que dans son ego, il est au contraire plus manipulateur et/ou plus culpabilisant, ou parfois en colère parce qu'il pense ne pas avoir le retour mérité, et donc en quelque manière plus agressif.
  • Entre le 3 et le 4, j'ai hésité pour l'attribution de la joie (chara) et de la paix (eirènè). Au début, j'avais attribué la joie au 3 et la paix au 4. Mais il m'a semblé que le 3 est, des trois types émotionnels, celui qui, dans son ego, est le plus concerné par la tristesse, et donc celui qui a le plus besoin de joie, car il n'est en contact vrai ni avec lui-même ni avec les autres, et est coupé de l'amour de lui-même et des autres. A l'inverse, notamment travaillé par l'envie, le 4 est, dans son ego, celui qui a le plus besoin de paix. Mais le 3 reste le type pour lequel l'attribution est la moins évidente : une joie qui découle de l'espérance et de la vérité ? Pour le 4, il est plus clair que la conviction d'originalité alliée à l'équanimité (harmonie et contentement) conduit à la paix.
  • Pour le 5 et le 8, j'ai fait la distinction entre la bonté/serviabilité (chrèstotès) qui est plus adéquate pour le 5 et la bonté/bienveillance (agathôsunè) qui est souhaitable pour le 8. Toutefois, le 5 pose toujours un peu problème : on conçoit que, une fois acquise la vertu de désintéressement, le 5 peut aller plus loin dans la générosité/serviabilité, mais je n'arrive pas à faire entrer l'omniscience dans l'explication. Une des traductions propose honnêteté pour chrèstotès. Est-ce que ça peut fournir une piste ? Pour le 8, il paraît plus clair que la simplicité et l'altérité conduisent à la bienveillance : l'autre n'est plus a priori un danger potentiel comme dans l'ego, mais il est accueilli plutôt comme une chance et une source de bien, sans contrôle et sans excès de puissance.
  • Cependant, pourquoi pas la maîtrise de soi pour le 8 ? C'est ce qui paraît en effet le plus évident au premier abord. Toutefois, si je reste fidèle à ma méthode, c'est bien le travail (sur soi) et la tempérance qui conduisent le plus clairement à la maîtrise de soi (enkrateia). C'est ce qui fait le plus sens pour le 7. Si on lui attribue la joie comme le propose Fabien, c'est plus difficile à expliquer dans la logique du système et ça bouleverse complètement la cohérence dudit système (Les propositions de Fabien semblent davantage basées sur l'orientation des types, mais il y en a certaines que je ne comprends pas bien comme la bonté pour le 3 et l'humilité pour le 4).

Voilà toute ma réflexion, longue et peut-être un peu compliquée. J'espère que vous n'y perdrez pas votre latin… ou votre grec !

 

Jean-Jacques

7 mu, aile 6, C++/- S= X-

"Fais que chaque jour ait la chance de devenir le plus beau jour de ta vie" (Mark Twain)

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Fabien Chabreuil

Bonjour Jean-Jacques,

 

Merci pour cette passionnante nouvelle approche du problème. Il serait grotesque d'y répondre immédiatement alors qu'il y a là visiblement un long et vrai travail de réflexion, et de plus je n'ai certainement pas la culture me permettant de répondre à ton niveau sur ce sujet.

 

Voici juste donc des informations sur les sujets annexes.

 

Le mémoire sur les Béatitudes n'est toujours pas fait. Il faut dire que la personne concernée est une 2, et même si elle est de variante mu, elle a d'autres priorités qu'un travail tellement mental.

 

Le rapprochement que j'avais fait était comme mentionné "à chaud et en [se] forçant à mettre tous les types". Je ne le trouvais pas très convaincant, mais n'avais pas pris le temps de revenir sur le sujet. :sarcastic:

 

"Il y en a certaines que je ne comprends pas bien comme la bonté pour le 3 et l'humilité pour le 4."

J'avais mis la bonté pour le 3 puisque comme tu le rappelles d'ailleurs, celui-ci a une vision utilitariste des autres. Et en se voulant différent des autres, le 4 manque évidemment d'humilité (tu peux lire ce message).

 

Ce qui me gênait à l'époque (et me gêne aujourd'hui, mais c'est avant d'avoir étudié sérieusement ta proposition) est que je pouvais trouver d'excellents arguments pour attribuer chaque terme à quasiment tous les types. (C'est parfois fâcheux d'être un expert de la rationalisation. :surprised:)

 

Très amicalement,

Fabien

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Bonsoir Fabien et merci pour tes infos.

 

Laissons notre 2 à sa béatitude perso.

 

Tes explications sur tes attributions pour le 3 et le 4 donnent à penser. C'est vrai que le témoignage de Christian, 4 alpha, est particulièrement fascinant !

 

Je ne peux pas dire que j'ai trouvé d'excellents arguments sur mes attributions pour tous les types, mais je crois que c'est assez cohérent quand même. On verra les réactions.

 

Bien amicalement,

Jean-Jacques

7 mu, aile 6, C++/- S= X-

"Fais que chaque jour ait la chance de devenir le plus beau jour de ta vie" (Mark Twain)

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