Institut Français de

l’ennéagramme

À quoi sert tout le reste...

Jump to content

Recommended Posts

Bonjour,

Je me posais une question dernièrement. Est-ce que la foi est une sorte de répression du centre mental ?

Philippe

Philippe D. (E6, aile 5, sous-type sexuel)

Link to comment
Share on other sites

Fabien Chabreuil

Bonjour Philippe,

Répondre à une telle question nécessiterait de définir très précisément le sens du mot "foi". L'histoire de l'humanité et l'histoire de notre vie font que bien souvent nous projetons énormément de choses sur ce mot.

En Ennéagramme, on associe les trois vertus théologales (Confiance-Foi, Amour, Espérance) aux trois centres. Ce sujet est actuellement abordé dans la discusion "Les types et le lâcher prise". La Confiance-Foi est associée au centre mental et considérée comme une fonction du centre mental supérieur (dans l'essence).

Toute tradition spirituelle sérieuse prend bien soin d'insister sur le fait qu'il n'y a pas de divorce entre la foi et la raison. Dans la discussion "Comment savoir si quelqu'un est dans son essence ?", je cite ce très beau texte du Bouddha à ce propos :

Ne croyez pas à quelque chose simplement parce que vous l'avez entendu.
Ne croyez pas aux traditions pour la seule raison qu'elles ont été transmises pendant des générations.
Ne croyez pas à quelque chose sous prétexte que beaucoup de gens le répètent.
Ne croyez pas à quelque chose simplement parce que c'est écrit dans un livre religieux.
Ne croyez pas à quelque chose simplement parce que vos maîtres et vos anciens vous le disent.
Mais, après observation et analyse, quand vous trouvez quelque chose qui est en accord avec la raison, qui conduit au bien et qui est bénéfique pour tous et pour chacun, acceptez-le et vivez ainsi.

Et je pourrais trouver des équivalents dans la kabbale, le soufisme, le christianisme, etc. Etc.

Mais bien évidemment, il ne s'agit là que d'une foi idéale.

Dans la pratique, un être humain vit sa foi depuis son ego et celle-ci en porte les limitations, quelles qu'elles soient.
Quelqu'un qui réprime fortement le centre mental risque d'avoir une foi fondamentaliste, style "Interdisons l'enseignement de l'évolution des espèces."
Quelqu'un qui réprime fortement le centre émotionnel risque d'avoir une foi fanatique, style "Tuons les tous, Dieu reconnaîtra les siens."
Quelqu'un qui réprime fortement le centre instinctif risque d'avoir une foi fataliste, style "Ne faisons rien, Dieu y pourvoira."

Toute tradition spirituelle sérieuse prône aussi connaissance de soi et travail sur soi, c'est-à-dire, même si ce n'est pas toujours formulé ainsi, équilibrage des trois centres mental, émotionnel et instinctif. Au fur et à mesure que cela se fait, la foi se débarrasse des limitations dues à la répression d'un centre et se transforme profondément.

Très cordialement,
Fabien

Link to comment
Share on other sites

Bonjour Fabien, bonjour Philippe,

 

Fabien, d'où vient l'association des trois centres (mental, émotionnel, instinctif) aux trois vertus théologales (foi-charité-espérance) ? Cela pose problème.

 

Peut-on agréger la confiance et la foi ? La confiance me paraît porter plus sur autrui ou sur soi que sur Dieu, plus sur le présent que sur le futur (orientation du centre mental, non ?). J'ai confiance en quelqu'un que je connais, alors que, considérée comme un engagement personnel, la foi fait de nous des croyants. Avoir foi en l'Homme serait de la bêtise (au regard de sa conduite dans le passé et dans le présent) ou de la religion (au regard de l'espérance reposant sur le témoignage des prophètes et des apôtres). La confiance changerait-elle de statut et d'orientation en devenant une fonction du centre mental supérieur (dans l'essence) ?

 

L'association espoir-espérance se comprend mieux, car c'est associer une passion à une vertu, spécialement dans la théologie chrétienne, parce qu'elle a Dieu-même pour objet.

 

Si on s'en tient à cette trilogie, doit-on en conclure que Spinoza devait privilégier le centre mental et réprimer le centre instinctif : "Plus nous nous efforçons de vivre sous la conduite de la raison, plus nous faisons effort pour nous rendre moins dépendants de l'espoir, nous affranchir de la crainte, commander à la fortune autant que nous le pouvons, et diriger nos actions suivant le sûr conseil de la raison"?

Roger (Papyzen) – E7 alpha, aile 6, sous-type sexuel

Link to comment
Share on other sites

Rebonjour,

Je vais clarifier le concept de foi dans ma question. Premièrement, et ce n'était pas évident en lisant ma question, je ne parle que de la foi chrétienne.

Foi : adhésion ferme de l'esprit à une "vérité" révélée.

Alors, ma question de s'applique pas aux phrases comme "Aie foi en toi.", mais plutôt aux phrases comme "Aie foi en dieu."

Quand on a foi en quelque chose, on laisse de côté tout doute méthodique, tout raisonnement logique au profil d'une absolue vérité. Et cette vérité ne découle pas d'un raisonnement déductif.

Tous les "philosophes-théologiens" (aussi bien être pompier-pyromane) ont essayé au moyen-âge de prouver l'existence de dieu de manière rationnelle : par l'empirisme, le sensualisme, le rationalisme. Mais ils ont tous échoué et le raisonnement suivant est né : il faut avoir foi (Thomas d'Aquin).

Philippe

PS : je trouve vraiment déplorable que la religion ait fait son apparition dans l'ennéagramme.

Philippe D. (E6, aile 5, sous-type sexuel)

Link to comment
Share on other sites

Fabien Chabreuil

Bonjour à tous,

Roger, le rapprochement entre les centres et les vertus théologales (confiance, espérance, amour) a été, à ma connaissance, fait pour la première fois par Kathleen V. Hurley et Theodore E. Dobson et publié par eux en 1993 dans leur ouvrage : My Best Self: Using the Enneagram to Free the Soul. Je signalerai en passant que ces trois vertus sont souvent associées à la religion chrétienne parce qu'elle figurent dans un texte de Saint Paul, mais qu'en fait, elles étaient déjà présentes dans l'oeuvre du philosophe grec Héraclite.

Nous étudions en détail les fonctions des centres supérieurs dans notre stage Essence. Je vais résumer rapidement comment la foi-confiance se positionne en tant que fonction du centre mental supérieur.

Le centre mental supérieur sait quand il sait et sait quand il ne sait pas. Mieux, il sait ce qu'il peut comprendre (même s'il ne le comprend pas aujourd'hui) et ce qu'il ne peut pas comprendre, ce qui n'est pas de son ressort.
Prenons un exemple. La science me permettra peut-être un jour de dire que j'aime Patricia parce que tels et tels neurones de telle partie de mon cerveau sont déclenchés par tel neurotransmetteur. La psychologie trouvera peut-être des raisons indiscutables dans mon histoire familiale. La génétique démontrera que j'y étais prédisposé à cause de tel gène de tel chromosome. Oui. C'est une recherche utile et intéressante.

Le centre mental de l'ego considère l'explication neuro-psycho-génétique comme une fin en soi. (Il y a eu un article hallucinant de ce type dans Enneagram Monthly en novembre 2000.)
Le centre mental supérieur dans l'essence peut s'intéresser à cette explication. Il sait cependant qu'elle ne dit rien et ne dira jamais rien sur mon expérience intérieure. Il ne sombre pas dans ce réductionnisme consistant à ignorer une bonne moitié de la réalité. Il est intéressant sur ce thème de lire lee philosophe américain Ken Wilber.

Pour la partie du monde qu'il sait ne pouvoir appréhender, le centre mental supérieur lâche prise et vit la vertu de foi-confiance, là où le centre mental dans l'ego vit la peur.

Philippe, tu écris : "Quand on a foi en quelque chose, on laisse de côté tout doute méthodique, tout raisonnement logique au profil d'une absolue vérité. Et cette vérité ne découle pas d'un raisonnement déductif."
Il me semble que tu es ici dans ce réductionnisme dont je parle plus haut. L'ensemble du monde ne peut pas s'expliquer par un raisonnement déductif. Croire le contraire, c'est affirmer la prééminence absolue du centre mental sur les autres centres. C'est inexact et c'est la négation de l'Ennéagramme.

Le nombre de grands penseurs et de grands savants qui ont été ou sont chrétiens prouve à l'évidence que la foi chrétienne n'est pas liée à une répression du centre mental. Un exemple : Descartes, type 5 et 5 typique.
Bien entendu, je pense qu'il y a beaucoup de manières différentes de vivre la foi chrétienne, comme n'importe quelle autre foi, depuis l'essence ou depuis l'ego, de manière intégré ou désintégrée, et je renvoie sur ce sujet à mon message du 1 décembre ci-dessus.

Très cordialement,
Fabien

P.-S. : Roger, je conteste formellement qu'avoir foi en l'Homme soit une bêtise, mais ce serait un autre débat.

Link to comment
Share on other sites

Bonjour Fabien, bonjour Philippe,

CQFD : c'est donc mon centre mental, dans l'ego, qui vit la peur de l'Homme. Dans la pratique, un être humain vit sa foi depuis son ego! :sad: :sad:
Je suis d'accord avec le fait, Fabien, qu'un homme, s'il est aussi ce qu'il est de par ses caractères biologiques, est humain par ce qu'il a de plus que sa biologie. La biologie ne donne aucune raison de vivre, elle constate comment l'individu fonctionne, et encore, d'après ses critères scientifiques ; elle n'explique rien d'essentiel, n'apporte aucune vérité. La foi religieuse non plus d'ailleurs, mais elle s'en passe, de par la grâce.
Peut-être y a-t-il méprise sur le mot qui désigne soit une croyance religieuse, ce à quoi fait référence Philippe, qui se nourrit de l'ignorance de son objet (personne ne peut connaître Dieu), soit une extension de la confiance qui porte moins sur l'avenir que sur le présent, moins sur la certitude que sur la volonté. C'est une foi en acte.
Philippe, l'ennéagramme est aussi une croyance : nous croyons qu'il est vrai, nous avons confiance en Fabien, nous avons foi en l'ennéagramme, mais personne ne pourra jamais le prouver.
Concernant l'article de Tina Thomas et Eric Schulze, je me dis que ce serait nous enlever le peu de liberté qui est nôtre que de le réduire à un jeu de neurotransmetteurs défaillants qu'il faudrait regonfler chimiquement. À quand l'essence en bouteille ? :laugh:

Roger (Papyzen) – E7 alpha, aile 6, sous-type sexuel

Link to comment
Share on other sites

Fabien Chabreuil

Bonjour Roger,

"'Dans la pratique, un être humain vit sa foi depuis son ego' et j'ajouterais : et sa non-foi, son doute, également. :sad: "
Totalement d'accord avec cet ajout, mais sourions-en plutôt. Où ne le trouverons-nous pas ce cher ego ? Il est omniprésent, le bougre. Cela veut dire qu'on pourrait faire une typologie des non-fois égotiques comme j'ai fait une typologie des fois égotiques dans mon premier message. Je n'ai pas d'idée pour le moment, mais je vais y réfléchir.

Très cordialement,
Fabien

Link to comment
Share on other sites

×
×
  • Create New...