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l’ennéagramme

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Sabine Azéma


Tir Na Nog

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Bonjour à tous,

 

En regardant un film dans la perspective de l’ennéagramme, je me suis plusieurs fois demandé dans quelle mesure un ennéatype congruent (ou non) entre l’acteur et le personnage pouvait impacter mon impression : Meryl Streep, congruente dans un personnage d’ennéatype 4, m’avait ainsi sauté aux yeux ; en revanche, un personnage comportant beaucoup de caractéristiques de 4, joué par Isabelle Huppert, faisait l’objet de réserves par Fabien dans son typage ; il mentionnait qu’Huppert était sans doute de centre mental préféré…

 

Jusqu’à ce que récemment, je visionne un film avec Sabine Azéma où elle interprète un personnage de type 9 ; dans notre petit groupe de travail « cinéagramme », plusieurs personnes la percevaient initialement comme ayant un centre émotionnel préféré, ce qui avait relancé mon questionnement sur l'influence du type de l'acteur (je la trouvais moi aussi particulièrement expressive, et c’était mon souvenir d’elle dans plusieurs autres films). Bref, j’ai décidé de tenter d’aller y voir de plus près chez Sabine avec les interviews qu’Internet mettait à disposition !

 

Voilà ce que j’ai trouvé.

 

Il est hors de doute que l’émotionnel est une dimension chère à Azéma, le mot « passion », « passionné », « passionnant » étant omniprésent dans ses propos. Elle déclare pourtant n’être pas très confortable avec la présence de cette dimension chez elle (Thé ou Café) : « Qu’est-ce que vous aimeriez changer dans votre caractère ? Être moins émotive. »…

 

Et puis (dans trois interviews distinctes), je tombe là-dessus :

Citation

« Depuis toujours, je suis une terrorisée. J'ai peur de l'accident, de la mort des autres. J'ai peur en voiture et une imagination déréglée pour envisager tout ce qui pourrait se produire. J'en arrive à ne presque plus conduire. (…) Comme comédienne, je m'en sers : l'émotion et l'imagination surgissent très vite. On me dit que je suis gaie, mais je pense que c'est à cause de ça : un moment passé sans accident est un miracle. »  

 

« En revanche, je n’aurais jamais pu être dentiste, j’en ai une frousse effroyable. Je fais des kilomètres pour aller voir le mien ! J’ai peur de tellement de choses… Je vis constamment dans la terreur. J’anticipe tout et ça m’empêche de faire ce que je voudrais. Mon quotidien en devient difficile, j’ai une vraie souffrance. Je ne guéris parfois que lorsqu’on dit : “Moteur”. Sur un tournage, on me prend pour un pilote de course et, dans la vie, je suis une mémé qui roule à 40 à l’heure. »

 

« C’est surtout la violence des autres qui m’agresse au quotidien. J’ai peur aussi dans un ascenseur. Dans le train je prévois assez pour tenir un siège en cas de panne… La vie est une grande douleur. J’ai des trucs pour adoucir mes angoisses. En avion, ça va, je me rassure en me disant qu’ils ont fait beaucoup d’études ; ils doivent donc avoir le niveau. Pour l’ascenseur, il faut que je repère d’où vient l’air. Reste la voiture ; là, je n’ai pas trouvé de solution. Et puis il y a tout le reste… »

 

L’émotivité en question concerne donc principalement une émotion primordiale, la peur : même la gaîté en découle ! Avec ce déluge de peur mettant aussi en avant l’anticipation et le rôle du mental, il devient difficile de ne pas privilégier l’hypothèse d’un centre de mental préféré, avant tout d’un ennéatype 6.

 

J’ai trouvé également ces propos qui mentionnent la peur dans l’enfance, avec deux caractéristiques qui évoquent à mes yeux le 6 (émission : le Divan de Clapier) :

Citation

Je ne me suis jamais révoltée directement mais je m'arrangeais avec le groupe, dans une famille de filles c'est complexe, passionnel, l'enfance c'est effrayant, je ne pensais qu'à être adulte.

 

[…]

 

J’ai été un bébé difficile, assez terrorisé jusqu'à 4 ans ; en me brutalisant on peut me faire changer, c'est bizarre parce que j'ai envie de douceur aussi mais j'aime bien ça.

 

On retrouve cet alliance paradoxale – associé à la notion de devoir – dans sa description de l’homme idéal :

Citation

Personne au contact de laquelle je vais me grandir, rigoureux et indulgent ; humainement je voudrais être quelqu'un de bien.

Cette description m’évoque un compagnon-parent, et Azéma épouse Alain Resnais de 27 ans son aîné…

 

Après le thème du groupe et de la force qui rassure, la peur se trouve associée à une anecdote qui évoque l’évitement de la déviance :

Citation

« Vers 3-4 ans », elle a « pris conscience du malheur. Non pas que j’aie particulièrement souffert, mais j’avais beaucoup d’imagination. Donc beaucoup d’angoisses. » Ses parents (un avocat d’affaires, une mère au foyer) se souviennent que, lorsqu’ils la grondaient pour une broutille, elle courait ouvrir la porte sur la rue et hurlait : « Je vais me tuer ! »

 

Azéma parle très abondamment de sa peur, mais aussi du courage. Dans l’émission Thé ou Café, Sabine Azéma est invitée en duo avec son amie de longue date Françoise Nyssen (un thème important évoqué dans l’émission est la mort du fils de l’éditrice). Quand on lui demande à son arrivée sur le plateau ce qui caractérise son amie, elle s’écrie avec beaucoup d’émotion : « son courage ». Le mot revient quand on l’interroge spécifiquement, en fin d’émission, sur le moment où elle a appris la mort d’Antoine :

Citation

Quand ça arrive, comment on réagit ?

Ah c’est terrible, parce que je suis quelqu’un pas forcément courageux, alors au moment où ça arrive on se dit, « je pourrais jamais… » j’ai fait un gros effort, je me suis dit c’est pas possible, il faut vraiment que tu appelles, et j’ai appelé, mais aussi, on ne sait pas quelle sera la réaction au bout du fil, mais elle est tellement, tellement courageuse, elle a été magnifique, ça a été facile dans la seconde, ouff, j’ai dit, oh mon dieu j’ai bien fait d’appeler tout de suite.

 

Françoise Nyssen mentionne alors le film de Resnais qu’Azéma venait de tourner, qu’elles avaient alors évoqué :

Citation

Ah oui, le film Vous n’avez encore rien vu, qui parlait de la mort… Mais ouf, il fallait beaucoup de courage…

 

Dans cette interview lors de la participation d’Azéma au jury du festival de Cannes, la peur est associée au thème du devoir, au plaisir d’acquérir des informations et à une tentative d’éviter la déviance (se mettre en position de juge sur son groupe de pairs) :

Citation

On fait tous ces voyages, c’est passionnant, franchement j’apprends beaucoup, je suis passionnée, admirative, et puis bon, c’est dur quelque fois car je suis actrice, je travaille dans des films qui sont souvent jugés, moi aussi, je suis venue en compétition, on a envie que les critiques, que le jury aime ce qu’on fait, alors il faut faire un effort aussi pour se dire « allez, on m’a donné cette mission, il faut…. C’est mon devoir de…de le faire bien, et de passer par-dessus mon euh… quand même euh… mes craintes, parce que bah oui, forcément, ce sont mes collègues !

 

Le thème du devoir est mentionné dès le début de l’interview : « C’est une vraie découverte, c’est une responsabilité quand même, on veut faire le bon choix » ; on le retrouve encore une fois dans une interview par mot-clé :

Citation

Je n'ai plus la télévision. Je trouve qu'elle nous appauvrit. Il y a des émissions intéressantes, mais il y en a tant d'irresponsables dans leur vulgarité. Quand on est adulte, on a un devoir envers la jeunesse. La télévision n'a pas le sentiment de ce devoir. L'histoire de l'Audimat, ça me rend malade.

 

L’orientation de loyauté et le rapport au groupe est évoqué dans plusieurs interviews.

 

Dans l’émission Thé ou café, le terme arrive avec une dénégation :

Citation

Vous êtes une actrice engagée ?

Non, je suis un animal sauvage, moi. Je ne peux pas être dans un groupe, je ne peux être dans aucun groupe.

 

Vous êtes rebelle ?

En étant comme ça, je le suis un p’tit peu.

 

Sauf que cela contredit radicalement sa déclaration ultérieure sur le groupe d’acteurs qu’elle appelle sa « famille » :

Citation

C’est vrai que au bout d’un moment on est ému de voir qu’on est si intéressés d’être ensemble pour travailler, qu’on s’inspire, qu’on s’influence, qu’on est réunis là et qu’on ne pourra jamais plus s’échapper ou se renier, on est liés, pour toujours, on essaye de faire le meilleur travail possible mais en même temps, souterrainement, eh bien des liens nous unissent pour toujours évidemment, et c’est une belle relation que j’ai aussi avec Pierre Arditi et Dussolier, voilà, pour toujours.

 

[…]

 

Ma vie elle n’existe pas sans Pierre, sans André, sans Françoise, sans cette famille elle n’existe pas, on peut pas raconter ma vie sans eux.

 

Je souligne le « pour toujours » qui est presque autant un leitmotiv chez Azéma que le mot « passion » et ses dérivés (la défaillance du « pour toujours » est un des grands objets de terreur : « Je me vois en vieille comédienne abandonnée de tous, mais ce qui m'épouvante, c'est la séparation ») :

Citation

Je suis fidèle, c'est pas très romantique, ce que j'aime c'est le temps dans l'amour, un long chemin ensemble. Il faut savoir dire non en amour comme en amitié.

Pour moi, chaque jour, en premier, c'est l'amour qui compte. Et amour, ça ne peut rimer qu'avec toujours. C'est une folie à deux, ce qui me donne une raison de vivre. Est-ce une question de chance ? Un pouvoir ? Je ne sais pas. Il faut en avoir envie, je crois. Je pense aussi qu'il faut aimer le romanesque. Cette fusion, cet accord, ce regard émerveillé sur l'autre et le sien sur vous : ça suffit, vous vivez dans une bulle avec ce secret. Ça vous fait accepter des chagrins, des malheurs. Vos dons vont apparaître, se démultiplier. Alors que si l'on n'a pas trouvé l'autre, on se rétrécit.

 

Le secret est un autre mot-clé, qu’on retrouve dans l’interview sur sa participation au jury de Cannes, où elle s’extasie tout de suite sur le groupe :

Citation

J’ai de la chance, c’est un groupe épatant, je passe un moment passionnant car nous formons un groupe qui me plait beaucoup, intéressant, passionnant et surtout très respectueux, on est très respectueux les uns des autres, en plus, on cultive le secret, parce qu’on trouve que c’est bien plus intéressant comme ça et que le secret, c’est le spectacle, nous nous réunissons tout le temps, on a envie de se parler mais il faut pas qu’il y ait de fuites, faut jouer le jeu, si je suis actrice c’est que j’aime le jeu.

 

Certes, en gardant ce secret, le groupe permet à Azéma d’éviter la déviance d’avoir à juger ses pairs (voir plus haut), mais le terme évoque aussi une aile 5 — les journalistes mentionnent volontiers qu’on en sait très peu de sa vie privée. Elle dit par exemple sur l’échangisme : « Cela dit, les gens font ce qu'ils veulent et cela ne regarde personne d'autre. Pour moi, l'amour et le sexe, ce n'est fantastique que si cela reste secret. »

 

Pour soutenir l’hypothèse du 6 et la préférence pour le mental, le goût pour l’apprentissage, la collecte d’information, et un vocabulaire relevant du mental sont mentionnés à plusieurs reprises :

Citation

Maturité : « Si la vie n'a pas été trop méchante, on est de plus en plus intéressant. Mûrir, c'est passionnant. Il faudrait remplacer le mot vieillir par grandir. J'ai connu des personnes très âgées harcelées par des jeunes avides d'apprendre à leur contact. C'est cela la réussite d'une vie.

 

Qu’est-ce qui vous fait avancer dans la vie ?

La passion. Pour le rôle de Marguerite, par exemple, je me suis plongée dans la vie de toute ces grandes femmes pilotes, qui ont d’ailleurs pour la plupart eu des destins tragiques. Je suis même allée voir le Spitfire à Londres, qui était exposé au musée de l’Armée.

 

Vous êtes quelqu’un de nostalgique ?

Je suis quelqu’un du présent. Faire des petites mises en scène de ma vie pour que les instants deviennent précieux. Parfois, ça plante parce que le beau ne vient pas toujours quand on l’imagine. J’essaie souvent d’organiser pour que le moment présent soit réussi, qu’on le vive du mieux possible. J’y mets des lumières, des couleurs…

 

Le style de communication « limites » du 6 est joliment illustré :

Citation

Ça a commencé bizarrement. Par un attaché de presse qui nous demande si on aura du temps devant nous - « parce que Sabine aime prendre le temps de bien faire ses interviews ». Dans un monde d’ego grand écran, où toute « personnalité », même la plus sympathique, a pour première préoccupation d’écourter au maximum votre entretien, la proposition stupéfait. Finalement, on convient d’un rendez-vous parisien pré-cannois, « pour être sûrs d’avoir le temps ». On y passe tout l’après-midi, jusqu’à la tombée de la nuit.

 

Et mon préféré, qui mérite d’être épinglé en vignette :

Citation

Que vous inspire la folie ?

J’aime ça, mais la belle folie. La mienne n’est pas de me coucher tard ou de boire deux bouteilles de whisky. Elle est plus romanesque et originale. La sagesse, c’est la belle folie ; pour moi, le secret, c’est d’oser, avec au fond de soi une base très raisonnable.

 

Voici quelques liens que j’ai consultés :

  1. Interview de Sabine Azéma – Cannes 2015.
  2. Sabine Azéma & Aline Paulhe, Sabine Azéma à fleur de peau, ParisMatch.com, 5 novembre 2009.
  3. Sabine Azéma & Anne B. Walter, Sabine Azéma, MarieClaire.fr.
  4. Ondine Millot, Sabine Azéma, itinéraire d’une enfant gaieté, Liberation.fr, 20 mai 2012.
  5. Sabine Azéma, Le divan d'Henry Chapier, 18 mars 1990.

Tir Na Nog – 4, aile 3, CSX++/--

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Bonjour à tous,

 

Merci Tir Na Nog pour cette très belle analyse de l'ennéatype de Sabine Azéma. Le 6, vraisemblablement alpha, me semble attesté. Le goût du secret fait effectivement envisager la possibilité d'une aile 5 sans être toutefois suffisant pour que cela soit une certitude.

 

Très amicalement,

Fabien                                                                                                                               

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