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Brésil


Fabien Chabreuil

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Fabien Chabreuil

Bonjour à tous,

Dans la communauté de l'ennéagramme, la culture du Brésil est généralement positionnée en 7, comme d'habitude sans réel justificatif. Je suis allé deux fois au Brésil dans des régions bien distinctes du pays : l'Amazonie de Manaus à Bélem en passant par Santarém, Brasilia, Rio de Janeiro, Salvador de Bahia, Iguaçu. Même si cela peut sembler beaucoup, cela reste peu face à l'immensité du cinquième plus grand pays du monde. Même si j'ai pu observer de nettes différences entre les cultures de ces endroits — les habitants de Foz do Iguaçu se considèrent comme bien sérieux par rapport à ceux de Rio de Janeiro —, l'hypothèse 7 (variante mu) fait bien sens. Je me souviens de villages abandonnés pendant les crues en Amazonie et dont on ne voyait que les trois bâtiments construits en dur : l'école, l'église et la salle des fêtes. Le plus gros des trois était invariablement le dernier !

Dans la préface de son Dictionnaire amoureux du Brésil, Gilles Lapouge dresse un beau portrait de 7 :

Quand je suis tombé dans ce continent, en 1951, j'arrivais d'une Europe grise, fourbue, avec des aigreurs d'anciens combattants, de soldats en déroute et de fours crématoires. L'Europe avait reçu beaucoup de gnons. Elle était pleine de bleus, de rancunes et de cendres. Hargneuse, prétentieuse et repliée sur ses propriétés, elle se laissait manger par sa mémoire. Ses villes et presque ses paysages étaient couverts de brumes et de pluies un peu sales.

 

Le Brésil était en couleurs, au contraire. Dans les rues allaient des peaux noires, blanches, rouges ou dorées, et elles s'amusaient ensemble. Le pays portait un nom de couleur en hommage à cet arbre de braise (pau-brasil ou « bois brésil ») dont la pulpe a barbouillé de carmin, de pourpre et d'écarlate les fêtes des condottieres, des princes et des papes de la Renaissance, à Florence, à Chambord, en Flandres et au Louvre. La terre du Brésil est violette, noire, jaune ou blanche. Le bleu de ses ciels est celui de ses mers. Et dans le vert violent de ses forêts passent des compagnies d'oiseaux bariolés.

 

Je me souviens de mon premier matin à Copacabana. J'étais impatient. Après une nuit sans sommeil, levé à cinq heures, j'avais regardé la plage, le soleil et la mer, l'or et le bleu, et je m'étais dit que j'étais arrivé dans la beauté des choses.

Plus tard, je me suis aperçu que ce pays était rusé et même un peu menteur. Il faisait du bruit car il avait peur du silence, et toutes ces couleurs déployées formaient des « barricades mystérieuses » élevées contre sa nuit. Il se cachait derrière ses joies. S'il tenait boutique d'amours, de chansons et de passions, c'est qu'il masquait ses peurs. Il faisait illusion à force de gambades et de feintes, mais il était comme tous les autres pays : du fond de ses caves, montaient les litanies du malheur. Il faisait des cauchemars et peut-être il aimait leurs noirceurs. Il multipliait les fêtes et les carnavals car il ressentait une « difficulté d'être », et toujours le néant venait battre ses rêves. Il s'était maquillé en franc luron et habillé de fanfreluches pour se convaincre que la vie est un délice. Il disait qu'il était le paradis mais c'était un drôle de paradis, bricolé avec des injustices, de la misère et des ombres. Depuis le temps qu'il se prenait pour le ciel, il se demandait où il avait bien pu le mettre, ce ciel, et si ce n'était pas une blague. Ses chanteurs disaient d'une voix désespérée qu'il n'y a pas de bout au malheur. « Tristeza não tem fim, felicidade, sim ! » (« La tristesse n'a pas de fin. Le bonheur, oui »).

[…]

J’ignore si le Brésil a trouvé le bonheur. Je sais qu'il donne à ses habitants l'envie d’être heureux.


Voici aussi quelques extraits de l'entrée Cordialité :

 

Le Brésil est un pays gentil. Du moins, il se donne pour tel. Il ne rechigne pas à publier ses vertus et ses grâces. Il ne supporte pas que sa bonté passe inaperçue et il aime qu'on l'aime. Si quelqu'un émet des doutes sur sa cordialité, il fait une colère, il insulte et il entreprend une échauffourée. Il se vexe également si l'on confond sa gentillesse avec de la politesse car les deux postures lui paraissent contraires.

 

La politesse, c'est bon pour les autres peuplades, pour les Japonais, qui sont des protocoles miniatures, pour les Castillans, qui sont vaniteux comme des poux, pour les Argentins, qui ne devraient même pas exister, ou pour les Français et les Anglais, bref, pour tous ceux qui n'ont pas pris la précaution de naître bons.

 

Faute de trouver un petit assortiment d'amabilités dans leur berceau, toutes ces sociétés ont été obligées de s'équiper en prothèses et en suppléments. La politesse est une de ces prothèses. Elle a fait de la courtoisie un devoir et un règlement, un artefact, un dogme. Elles l'enseignent dans leurs temples ou dans leurs facultés. Elles en confient les secrets à leurs enfants. C'est de la bonté congelée. De la bonté « sur ordonnance » et qui respecte des programmes. Elle est sous surveillance. Des contrôleurs, des conseillers, des coaches, des matons, des duègnes et des juges la tiennent à l'œil. Des réparateurs et des urgentistes sont prêts à intervenir. Pour toute circonstance de la vie, l'homme poli peut recourir au service après-vente, faire changer une vis, un ressort, ou bien relire le mode d'emploi pour savoir comment il doit s'y prendre pour être bon.

 

Le Brésilien, lui, n'a pas besoin de sortir son pense-bête pour se rappeler qu'il aime ses semblables, ses frères, qu'il est tolérant, doux, amical, généreux, modeste et ouvert. Il est bon comme l'herbe est verte. Par ruse, et pour bien manifester que sa gentillesse n'est pas l'effet d'un code, d'une loi, d'un catéchisme ou d'une philosophie, le Brésilien fait parfois semblant d'avoir des mauvaises manières. Il crie, il vous bouscule, il ne vous tient pas la porte, il crache, il urine contre un mur, il dit des gros mots, il vous ignore et il vous bat un peu. Il ne faut pas s'offusquer de ces débordements. C'est une comédie et elle s'emploie à démontrer qu'on est un homme spontané. Le Brésilien est vrai. Il suit les inclinations de son cœur, non les préceptes d'un code d'honneur. Il obéit à sa vérité, non à un catéchisme ou à un code civil. S'il vous caresse, vous devez croire à sa caresse. Son sourire vient du fond de l'âme. Ce n'est pas le sourire mort de l'homme poli. Son amabilité est sans calcul. Elle n'est pas le fruit d'un apprentissage. Dans la rue, vous assistez rarement à des disputes. On se sourit. On aime les voix tendres.

 

[…]

 

Sérgio Buarque de Holanda illustre la cordialité de l'homme brésilien par des anecdotes. Il s'interroge sur le goût effréné du Brésilien pour le diminutif. « La terminaison en inho, accolée aux mots, sert à nous rendre plus familiers les personnes ou des objets en même temps qu'à nous mettre en valeur. C'est une manière de les rendre plus accessibles aux sens en même temps que de les rapprocher du cœur. Nous savons combien les Portugais ont l'habitude de se moquer des abus où nous entraîne ce goût, abus aussi ridicule à leurs yeux que l'est souvent pour nous la sensiblerie lusitanienne, larmoyante et amère. »

 

Le Brésil préfère parler d'un rapazinho que d'un rapaz, et tant pis si le rapazinho a cinquante ans et s'il a deux mètres de long. Si votre voiture tombe en panne, c'est une « petite » panne. Cela ne la remettra pas en route, mais vous êtes content d'apprendre, par le moyen d'un diminutif, que votre voiture est juste un peu complètement cassée. Il faut « dédramatiser ». Tout finit par s'arranger. Pas de problème ! Si une femme, plutôt que d'être chata (désagréable ou même chiante), est à peine chatinha, la voici de nouveau fréquentable. Le diminutif est une vaste « circonstance atténuante ». Quand on vous parle non pas d'un ladrão mais d'un ladrãozinho, la moitié du chemin du pardon est déjà couvert. Le diminutif est une remise de peine.

 

J'ai trouvé à Rio de Janeiro, cité rêveuse, rusée, voluptueuse et lettrée, un diminutif paradoxal : devagarzinho, qui peut se traduire par « petitement lentement ». Le psychanalyste Jorge Forbes propose cet exemple : « Si j'arrive un tout petit peu en retard, tu peux prendre une petite bière, avec un petit apéritif ou sinon tu me passes un petit coup de fil. » Et il commente : « C'est la manière de rendre tout plus accessible, plus petit, plus proche ; une vie qui se prendrait dans la paume de la main ; une petite vie. »

 

[…]

 

On se croise, on se sourit, on se parle, on plaisante. Un employé, dès qu'il trouve moyen de s'exonérer du protocole, s'enhardit et s'adresse à son chef avec désinvolture. Le chef ne boude pas son plaisir. Il est même ravi car la vanité est une des friandises préférées du Brésilien. Ces familiarités ne sont-elles pas la preuve que la position élevée du patron ne procède pas de ses diplômes, de sa fortune ou de son grade, mais de son éclatante et humble supériorité ? On peut parler à un ministre comme s'il était un homme ordinaire. Le Brésil est de l'avis de Montaigne : « Au plus élevé trône du monde, si ne sommes assis sur notre cul. »

 

Pour éviter tout angélisme, je précise que l'entrée Cordialité est suivie de l'entrée Cruauté, indice d'une probable aile 8 : « Et la “cordialité” dans tout ça ? Mais enfin, quel rapport ? Pourquoi les assassins ne seraient-ils pas cordiaux ? Oui. Le pays le plus caressant de la planète se débrouille pour être aussi brutal qu’un autre, et mêmement sordide. »

 

Très amicalement,
Fabien

Source : Gilles Lapouge, Dictionnaire amoureux du Brésil, Paris (France), Plon, 2011. [Version Kindle]

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Fabien Chabreuil

Bonjour à tous,

 

Ce matin, à la suite d'un échange de courriels provoqué par le message d'hier, je me suis replongé dans mes archives concernant Jorge Amado, un écrivain brésilien que j'adore et dont je serait fort surpris s'il n'était point d'ennéatype 7 mu (un très bref extrait d'une de ses œuvres a été publié ici sur ce forum). Bien entendu, son propre ennéatype l'influence, mais voici deux extraits d'une de ses interviews dans lesquels il parle de la culture brésienne  :

Jorge Amado a dit :

Je crois que je suis un écrivain très lié à mon peuple, à sa vie, à sa misère et aussi à sa joie, à sa joie de vivre. Le peuple brésilien est un peuple qui a une grande joie de vivre malgré les conditions terribles de vie là-bas. Je suis très lié à ce peuple, je connais bien sa vie.

 

[…]

 

Bon, beaucoup de livres. Mais il y a une unité, l'unité c'est ma position. La position de l'auteur de tous ces livres-là, devant le peuple brésilien, à ses côtés contre leurs ennemis, aux côtés de la liberté contre l'oppression, aux côtés de la joie contre la mélancolie et la tristesse, aux côtés, surtout toujours, de la lutte contre tous les préjugés.

 

Très amicalement,

Fabien

 

Source : « Jorge Amado, très tôt, vous avez été un rebelle… »

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  • 1 year later...

Bonjour à tous,

 

J'écoutais ce matin l'émission La Vie numérique, sur France Culture, qui parlait du rire au Brésil.

 

J'y ai appris que le Général de Gaulle aurait dit que « le Brésil n’est pas un pays sérieux » !

 

J'ai aussi découvert que dans leurs e-mails ou leurs SMS, les Brésiliens expriment le rire en écrivant « huehuehue », le « u » ayant pour but de montrer les mouvements du corps associés au rire.

 

Mieux, les Brésiliens, en experts du rire, ne se cantonnent pas à une seule expression :

  • « Kkkkkkkkkk » pour un rire intense ;
  • « Huisha » ou « hausuha » pour un rire graveleux ;
  • « Opa » pou un rire gêné ;
  • « Ixiiiii » pour un rire affligé ;
  • « Ownnn » pour un rire provoqué par quelque chose de très mignon ;
  • « Buahahahahah » pour un rire sarcastique.

Ah, c'est beau ! Moi en tant que 7, mon ego aime bien le rire pipi-kkkkkkkkkk. Bon, opa et ixiiiii.

 

Très amicalement,

Fabien

 

Source : Xavier de la Porte, « “Huehuehue” : comment les Brésiliens rient sur Internet », La Vie numérique, France Culture, 16 novembre 2016.

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  • 1 year later...

Bonjour à tous,

 

Après avoir lu l'article du Monde « Les larmes de Neymar agacent le Brésil », je suis venu voir ce que disait l'ennéatype du Brésil.

 

Claire Gatinois a dit :

En éclatant en sanglots à la fin du match gagné face au Costa Rica, l’attaquant star de la Seleçao a irrité ses compatriotes, pourtant habitués à ne pas dissimuler leur émotivité.

 

L'article montre que l'émotion n'est pas un problème au Brésil. Extraits :

Claire Gatinois a dit :

« Nous ne sommes pas éduqués pour retenir nos larmes. Pleurer n’est pas un tabou », explique Alberto Carlos Almeida, sociologue et auteur de A cabeça do Brasileiro (La tête du Brésilien, éd. Record, 2007, non traduit). Pleurer n’est pas une honte, ni dans la sphère privée, ni dans la sphère publique — la rue étant souvent considérée par les Brésiliens les plus pauvres comme une seconde maison.

 

Voir un homme pleurer n’en reste pas moins troublant. Surtout dans un pays baigné de machisme latino-américain. « Cela n’est pas contradictoire », assure Alberto Carlos Almeida. « Un homme qui pleure au Brésil n’est pas un homme faible ; il est au contraire mis en valeur pour son humanité », ajoute Claudia Rezende, co-auteure de Antropologia das emoçoes (Anthropologie des émotions, éd. FGV, 2010, non traduit).

 

Si ils sont bien 7 (je n'ai pas assez étudié le sujet pour en discuter), le mu me semble certain ! :happy:

 

Et la réaction à l'attitude du footballeur :

Claire Gatinois a dit :

La partie à peine terminée, l’éditorialiste du service sport du journal O Globo, Marvio dos Anjos, s’enflammait dans une tribune titrée comme un rappel à l’ordre : « Il n’est pas normal de pleurer au deuxième match de poule, Neymar ! » « Pour rester une pop star, Neymar doit retenir ses larmes », insistait à son tour Tony Goes dans la Folha de Sao Paulo, lundi.

J'y vois une impression d'être manipulé émotionnellement.

Les 7 détectent-ils aussi bien les manipulations émotionnelles que les mentales ?

 

Lighyli

 

Source : Claire Gatinois, « Les larmes de Neymar agacent le Brésil », Le Monde, 28 juin 2018.

Lighyli – 9 mu aile 1 – C+ S- X+/=

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Fabien Chabreuil

Bonjour à tous,

 

Merci Lighyli pour ce complément.

 

"Les 7 détectent-ils aussi bien les manipulations émotionnelles que les mentales ?"

Je ne peux pas généraliser et ce serait l'objet d'une autre discussion. Personnellement, en tant que 7 mu, je détecte et déteste. Plus ennuyeux, j'ai pratiqué autrefois (n'oublions pas que l'émotionnel est dans mon cas un centre de support donc au service du mental, de son évitement de la souffrance et de sa rationalisation).

 

Très amicalement,

Fabien

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