Le pater familias en 1

[Andie]

Mon père est un 1 : en permanence en colère, c'est une grande passion, toutes les deux minutes… Ah non rectification, toutes les deux secondes, il exprime son agacement, son énervement : rien n'est jamais comme il le faut, comme il le souhaiterait. Pour l'organisation des repas, évidemment avec une femme 9 qui improvise, ça chauffe tout le temps ! On l'entend pester, vociférer, et comme ce n'est jamais assez bien fait ou préparé, il le fait savoir. Tout est prétexte pour râler. Il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Il a une capacité à agir sans pour autant demander de l'aide, à être en action, mais en râlant fortement, en exprimant un agacement tel qu'on l'entend deux étages plus bas. Toujours le visage crispé, tendu, il fulmine en permanence. Et fait fuir tout le monde. Pas d'amis et personne dans la famille qui veut le voir. C'est insupportable pour tout le monde. Il y a un tel "terrorisme" que les autres autour sont souvent sidérés ou dans la peur de dire quelque chose. Avec moi, enfant 6, j'étais dans la peur de mon père, là oui je peux dire qu'il me terrorisait. Rien que son regard qui me fusillait, qui me transperçait, je me sentais anéantie, et son regard seul suffisait à me faire obéir. Pas besoin de parler. Je l'ai souvent comparé à un militaire, au moins un haut gradé : "À vos ordres, père !", "Oui, mon colonel !" Bon à l'adolescence, c'était plutôt la rébellion "Non !" face à l'autorité, évidemment en sixtitude contrephobique !

Ce qui est assez étonnant aussi, c'est le sens inné, enfin inconscient, de mon père d'épouser deux fois le même type de femmes… Bien pratique et arrangeant pour cet homme-là puisqu'elles évitent le conflit. Une bonne raison pour lui de pester en permanence puisqu'elles n'ont pas le sens de l'organisation, que donc rien n'est prêt ou fait comme il le faudrait !

Je pense à un 1 mu, avec l'émotionnel en dernier. Il ne montre jamais rien, n'exprime jamais ses émotions. Il ne cherche pas le contact avec les autres, il est très souvent à part. Des émotions bien enfouies. Sauf à un moment exceptionnel, en fin d'adolescence, j'avais disparu de la circulation du matin à la nuit bien avancée. Il avait été, d'après ma mère, tellement anxieux qu'il en avait pleuré. J'étais sidérée lorsque je l'avais appris, lui, ce père si inflexible, si sérieux, si maître de ses émotions, un coeur aussi dur que de la pierre, cette carapace s'était en fait brisée à la peur de me perdre. Il m'aimait donc ? Je l'avais donc rappelé en pleine nuit à mon retour pour vérifier (suspicion oblige, au cas où on me raconterait encore des bobards) et j'avais été sidérée d'entendre sa voix si différente, un peu douce… Cette sensibilité était nouvelle pour moi, et là on est bien avec la dichotomie du 1. Et depuis ce moment-là, je l'ai vu autrement.

Un mental en second avec un incroyable sens de l'analyse, un esprit de synthèse, et une colossale culture générale ; je l'ai toujours admirée sur ce point précis car il savait tout sur tout. Parfait sur ce plan-là, ce papa ! Le moindre sujet, il était déjà au courant. Mais il est convaincu d'avoir toujours raison, que ce qu'il dit et affirme est la vérité universelle. Les autres sont tous des "cons", il s'est fâché avec sa famille, ils ont tous tort, tous ses frères et sœurs sont responsables de ses problèmes familiaux, pas lui, il est trop au-dessus de ça.

Ce que je comprends maintenant, et c'est son orientation, c'est que tout devait être parfait : sa femme, ses enfants, comment on s'habille, comment on est coiffé, nos résultats scolaires. Quand je ramenais un 15 (ok, pas souvent), il me répondait : "T'aurais pu mieux faire !" Ce n'était jamais assez bien !

Combien de fois je l'ai entendu dire aussi qu'il était fier de sa droiture, de n'avoir jamais cédé aux sirènes de la corruption. Il avait même monté un dossier contre son PDG au cas où. Il ne restait jamais longtemps dans un poste, il y avait toujours une "bonne" raison de quitter un emploi, de se mettre en colère contre le milieu ou un responsable. C'est la faute des autres, jamais de lui.

Et ce qui est étonnant, c'est qu'on m'a toujours dit qu'on se ressemblait autant physiquement que dans la personnalité. Maintenant que je connais l'Ennéagramme, ça fait sens puisqu'on peut confondre un 1 et un 6. Enfin sans la colère me concernant !

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Andie,

La passion du 1 est bien la colère, mais sa compulsion est d'éviter la colère. Dans le stage Bases, Patricia ou moi disons à chaque fois : "Si vous voyez quelqu'un qui n'exprime jamais de colère, cela a peu de chances d'être un 1 à cause de la passion. Mais si vous voyez quelqu'un qui l'exprime tout le temps et facilement, alors cela a très peu de chances d'être un 1 à cause de la compulsion."

Alors quand je lis que "on l'entend pester, vociférer", qu'il "exprim[e] un agacement tel qu'on l'entend deux étages plus bas" et qu'il "fulmine en permanence", j'ai un doute, un assez gros doute.

Le portrait que tu nous fais est insuffisant pour valider un type 1. À le lire, je penserais plus volontiers à un 6 mu contrephobique ou à un 8 alpha, mais il faudrait, j'insiste bien, plus d'éléments pour avoir autre chose qu'une vague hypothèse.

Très amicalement,
Fabien

[Andie]

Merci Fabien de ta réponse, j'ai voulu trop tôt qu'il colle à cette description du 1 et du coup, cela m'a pris du temps d'envisager mon père autre qu'un 1, la relation filiale et l'impact qu'elle a eu, a dû être assez forte et donc trompeuse pour que je me plante à ce point là !  Comme quoi on peut attribuer des comportements à des descriptions qui nous arrangent. Et puis, "le temps passé sur une fausse piste n'est pas perdu". 

 

Avant tout, je reconnais mon erreur sur son genre de colère : elle est très, voire trop excessive !!! Cela me parait tellement évident maintenant que ça ne peut pas être du 1. J'ai écrit plus haut qu'il "fulmine en permanence ". Effectivement ça ne ressemble pas à un 1. Cet excès de colère, c'est plus du 8 que du 6 ? Il me semble que le 6 n'est pas excessif dans sa colère, en tout cas qu'il ne l'exprime pas autant que le 8 car elle génère des conflits que le 6 surtout le 6 mu veut éviter car ça le terrorise ?

 

Je sais qu'on ne peut pas se baser sur l'apparence extérieure pour établir un type, mais quand même il se dégage de lui une certaine force. Physiquement il est très grand et de belle prestance, il émane de lui une certaine puissance, une solide affirmation de soi (apparemment en tout cas), un regard perçant comme un aigle, de la dureté dans le visage.

 

J'ai essayé de voir si les sous-types et le mode de communication du 6 ou du 8 colleraient.

 

Pour le 6 :

 

- "Cordialité" à peine : dans le sens où il lui arrive d'être sympa par moment, mais pas chaleureux. Il est plutôt froid en général.

 

- Assez vrai pour "Devoir" : il a un sens du devoir surtout par rapport aux obligations familiales, il va aux fêtes et mariages même s'il est fâché avec plus de la moitié de la famille.

 

- "Force Beauté" aussi car il manifeste sa force rien que physiquement comme décrit plus haut et on a l'impression que rien ne le touche. Il est intimidant et ce n'est pas qu'en tant que fille 6 qui je le dis, je l'ai si souvent entendu par mes copines et copains. Il est sensible à la beauté que ce soit les grands peintres, la nature et l'architecture.

 

Pour les sous-types du 8 :

 

- "Survie" : ça oui, il est pointilleux et dans les moindres détails. Et si un point n'est pas bon, il faut tout recommencer. On n'échappe pas à son exigence ! 

 

- "Protection mutuelle" : je dirais qu'il ne cherche pas à nouer des relations amicales, en tout cas ce n'est une recherche. Il est même plutôt un homme seul sans vrais amis ; par contre, il connaît énormément de gens qu'il appelle "ses copains". Et protéger certains, peut-être oui quelques rares personnes à qui il a apporté son soutien et qui en avaient besoin, mais là on pourrait croire du 6 ? Il n'attend pas la protection en retour, je ne vois pas (aujourd'hui je m'entends) l'appartenance à la même bande et complicité.

 

- "Possessivité" : Il ne baisse jamais la garde, il est dans le contrôle en permanence et d'après ma mère assez possessif. Il dit aussi "ma femme, mon fils ou mes filles" et non pas "nos filles ou notre maison". Et peut-être que ce que j'explique plus bas (histoires avec ses soeurs) peut aller dans ce sens.

 

Né pendant la seconde guerre mondiale, selon les mémoires de ma grand-mère que je me suis mise à relire, il a vécu ses deux premières années dans les bombardements et la destruction des maisons alentours. Je le soupçonne d'avoir l'instinct de conservation blessé, et ça ferait plus sens avec le 8 qu'avec le 1.

 

Pour le mode de communication du 6 "limites", ça peut un peu faire sens mais moins que celui du 8. En fin de compte, il n'y a pas de doutes et d'hésitation chez mon père, en tout cas pas ce n'est pas exprimé, il décide plutôt vite. Ce sont plus des ordres, c'est direct et vif, d'un ton sec et tranchant. Je me souviens maintenant d'avoir toujours entendu sur lui qu'il est "impérialement impérieux", avec un ton très autoritaire et impératif qui agace tout son monde car il ne les prend pas du tout en compte. Quand il a décidé, ce n'est pas autrement et on ne peut y revenir. Obéir un point c'est tout. Ce n'est pas pour rien que dans mon premier texte, "je l'ai souvent comparé à un militaire, au moins un haut gradé : "A vos ordres, père !", "Oui, mon colonel !". Ou mon général en fin de compte ! Ca fait plus sens pour le 8 ?!

 

J'ai aussi mené ma petite enquête familiale et, ô stupeur , ça m'a remis les pendules à l'heure.

 

J'ai découvert au fil de mes questions auprès de ses soeurs, qu'il a toujours pris le rôle de chef de famille, très sérieusement, d'autant plus facilité c'est vrai parce qu'il est l'aîné de neuf enfants, dont quatre filles qui le suivent, qu'il a remplacé son père absent très souvent, il a pris la responsabilité et la place du père (jusqu'à déclarer quand il avait 15 ans, son dernier frère à la naissance en mairie). Ça peut être du 6 contre-phobique qui le fait par devoir, loyauté, qui se sent responsable et qui soutient sa famille. Ou du 8 aussi qui le fait pour exercer son pouvoir avec son sens inné du commandement.

 

Mais ce qui est nouveau pour moi et que je n'avais pas vu (ou voulu voir), et ça pourrait aussi étoffer le paragraphe sur l'instinct de conservation et sexuel du 8, c'est que mes tantes disent aussi qu'il veut systématiquement et depuis toujours, tout contrôler, tout savoir, tout vérifier, connaître les moindres détails encore aujourd'hui, et il y a de ça quelques jours, il critique la moindre action, il ne veut pas donner son accord à une action familiale décidée par elles (perte de contrôle ?), sans pour autant accepter d'y participer bien que ça aille dans son sens. Il saborde volontiers l'entente familiale, monte les uns contre les autres, ignore ce qui a été décidé par la majorité et décide seul d'agir seul et sans les tenir au courant  ! Ce qui a provoqué un tollé familial avec envoi de flics. Le 6 n'aurait pas osé ! Voici un exemple de 8 qui transgresse les règles, affirme son désir de contrôle et de vengeance, et veut par là, leur prouver qu'il garde en quelque sorte son pouvoir ? Là aussi le 8 fait plus sens que le 6.

 

Un 8 alpha avec le mental en second car c'est un bon planificateur.

 

Des émotions réprimées, qu'on ne voit pas ou n'entend pas, c'est sûr. Il est dur envers lui–même et les autres. Une désintégration en 5 car il sait tout sur tout, s'isole et rumine, bref, ça fait plus sens !

 

Fabien, ai-je apporté assez d'éléments pour en conclure, enfin euh… suggérer l'hypothèse que mon père serait un 8 ?

 

Cordialité,

Andie

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Andie,

 

Le portrait est ici plus convaincant et je n'y ai pas vu de contradictions ou d'incompatibilité avec l'ennéatype 8.

 

Le point le plus intéressant est de tirer les conséquences du fait qu'une telle évidence ait pu te passer sous le nez. Il me semble qu'il y a deux cas pas forcément incompatibles. Soit c'est lié à ta relation avec ton père, et il y a sans doute un travail personnel à faire à ce sujet (pardon ?). Soit il y a des imprécisions dans ta connaissance des ennéatypes 1 et 8, et il y a un travail d'approfondissement à entamer.

De toute façon, au boulot !

 

Très amicalement,

Fabien

[Andie]

Bonjour Fabien,

 

Je pense que tes deux explications font sens.

 

1/ La relation avec mon père est certainement ce qui a avant tout posé problème. En tant que 6 contre-phobique, peut-être que je n'ai pas voulu voir et reconnaître son autorité , son pouvoir et sa force contre lesquels je me suis rebellée ado (j'ai commencé à dix ans).   Je n'avais pas envisagé un pardon pour mon père, pensant que je l'avais déjà effectué il y a quelques années et que nos relations se sont bien améliorées, mais suite au stage et à tes remarques et à mon travail personnel actuel, en fin de compte, je vais m'y atteler dans la semaine. 

2/ Concernant aussi mes connaissances du 1 et du 8, je vais m'y replonger, mais il est pour moi évident que c'est plus facile quand on n'est pas concerné par la relation, car je ne me suis pas trompé pour des clients ou des personnages de films.

 

Un autre point important que je viens de découvrir : j'ai relu mes notes du stage Centres (mon deuxième stage) et je me suis aperçue que je l'avais typé dès la présentation du 1 !!! Je ne l'ai pas remis en cause, il était "casé", pas question d'y revenir, ça devait bien m'arranger…  Erreur, erreur !

 

En tout cas, merci de tes retours. 

Cordialement.