Institut Français de

l’ennéagramme

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Le déni peut-il mener à la dépression ?


Aurolaf

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Bonjour à tous,

 

Ce témoignage est écrit depuis longtemps, et je n'ai jamais osé le poster : trop personnel, affichant trop la faiblesse. Aujourd'hui, je me lance car je pense qu'il peut être utile à certains 8 ou aux compagnons des 8.

 

En 2001, j'ai eu mon premier enfant. J'avais passé ma grossesse dans un état de forme éblouissante, niant toute sensation de fatigue et ayant travaillé comme une folle. Le jour de l'accouchement (jour de mes 33 ans !), j'ai mis au monde un super petit garçon sans problème. Au bout d'un moment, j'ai senti l'ambiance changer dans la salle de travail et les sages femmes s'affoler. L'obstétricien de garde est venu à plusieurs reprises m'examiner et a fini par s'asseoir gentiment à côté de moi pour m'annoncer que j'allais être évacuée vers un autre hôpital pour subir une opération. J'ai sèchement demandé si le bébé venait avec moi. Réponse "non". J'ai alors dit : "OK, je ne pars pas !" L'obstétricien a alors été beaucoup moins gentil, et m'a dit que je faisais une hémorragie de la délivrance qui me conduisait vers une mort certaine. Il pouvait me sauver en me faisant une ablation de l'utérus (et je n'aurais jamais de deuxième enfant), ou j'acceptais une opération plus rare dans un autre hôpital, mais qui me permettrait d'avoir un deuxième enfant ! J'ai accepté (pas vraiment le choix). Notez que même au seuil de la mort, le 8 a du mal à lâcher prise et à accepter la faiblesse !

 

Les minutes suivantes ont été assez terribles. J'ai été évacuée par le SAMU (et j'ai failli y rester pendant le transfert). Le médecin avait dit à l'infirmière de me masser très fort le ventre malgré la douleur (c'était le seul moyen de préserver mon utérus et donc ma capacité à avoir plus tard un autre enfant). Pendant le transfert, l'infirmière me massait et était presque en larmes. De temps en temps, elle s'arrêtait car elle voyait que j'avais mal. Et moi, agonisante, je trouvais l'énergie de l'engueuler et je lui disais un truc du genre "continuez, on s'en fout de la douleur, c'est ma seule chance d'avoir un autre enfant un jour !" Elle m'a dit à un moment : "Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi courageux" (pour moi, ce n'était pas vraiment du courage, c'était juste normal, il suffisait de nier la douleur !).

 

Au moment où je suis arrivée à l'autre hôpital, j'ai senti que je "partais". J'ai mobilisé toute mon énergie à rester consciente. Je me disais que si je m'évanouissais, je ne me réveillerai plus jamais et je n'avais pas le droit de laisser un veuf et un orphelin. Alors j'ai lutté et je suis arrivée consciente en salle d'opération. Là, black out car j'ai eu une anesthésie générale pour l'opération.

 

Au réveil, j'étais dans la salle de réveil des urgences (entourés par de grands accidentés de la route, des jeunes sous respiration artificielle? bref un endroit horrible où j'étais en gros celle qui allait le mieux). Immédiatement, j'ai demandé un tire-lait en expliquant que je souhaitais allaiter mon bébé et que je devais stimuler la montée de lait si je voulais avoir une chance d'allaiter mon enfant à ma sortie de l'hôpital. Tout le monde a essayé de m'expliquer que je ne devais pas faire une chose pareille. Je les ai tellement "emmerdé" (malgré mon état de faiblesse) qu'ils ont craqué et m'ont trouvé un tire-lait.

 

Pendant les 48h suivantes, j'ai nié constamment la gravité de ma situation : j'ai refusé qu'on me fasse une transfusion ("je ne sais pas d'où vient ce sang, je n'en veux pas. De toute façon, je suis forte et je m'en sortirai sans ça !"). Bien sûr, ils m'ont transfusé de force !

 

Je voulais tout le temps me lever pour prouver que j'allais bien. Quand mon mari, mon frère et ma mère sont venus me voir, j'ai fait le pitre en leur disant que tout allait bien et que "ce n'était absolument rien" (eux, ils étaient décomposés car, il paraît, que j'étais plus blanche que les draps ! Et ils ne comprenaient pas que je nie la gravité de mon état).

 

Un grand professeur est passé avec les internes et en voyant le tire-lait, il m'a demandé ce que c'était et j'ai expliqué. Il s'est alors tourné vers ses élèves et leur a expliqué qu'en raison du choc hémorragique subi, je ne pourrais jamais allaiter car je n'aurai pas de montée de lait. Je l'ai remballé sèchement en lui disant "moi, j'y arriverai, ce n'est qu'une question de volonté". (Entre parenthèses, je trouve cette attitude inacceptable de la part d'un grand professeur, et cinq ans après, ma fixation de vengeance demeure à son égard !)

 

De retour à la maternité, j'ai réclamé mon enfant, je l'ai mis au sein, il a tété et j'ai eu du lait. Les médecins ont essayé de me convaincre que je ne DEVAIS pas allaiter car j'étais trop faible et que je devais récupérer. Je répondais inlassablement : "Il ne m'est rien arrivé ! Et je suis forte !"

 

Rien ni personne n'a pu me faire changer d'avis. Je me suis fâchée avec des amis, et je les ai mis à la porte de chez moi plutôt que d'accepter d'entendre leurs mises en garde (mais ils sont revenus, j'étais juste "provisoirement fâchée" !).

 

Le premier mois, le bébé ne grossissait pas. Tout le monde disait "ton lait n'est pas suffisant, tu es trop faible", et je persévérais. Puis il s'est mis à énormément grossir ! Triomphante, je prouvais au monde que j'avais vaincu !

 

Pendant neuf mois, j'ai farouchement allaité (avec cet excès typique du 8 sans doute aggravé par mon instinct de conservation), refusant de donner du lait artificiel au bébé.

 

J'ai repris mon travail quand il avait six mois. Cette reprise était contre l'avis médical qui disait qu'après mon "accident", je devais me reposer davantage ! Et moi je répondais inlassablement : "Il ne m'est rien arrivé, je vais très bien et je suis plus forte que la plupart des gens."

 

J'ai donc repris le chemin du bureau en me levant à 5h00 du matin pour tirer assez de lait afin que mon bébé ait à manger. Le midi, je m'enfermais dans les toilettes pour tirer une ration supplémentaire de lait. Le soir je le faisais téter, et je retirais du lait vers 22h00.

 

Inutile de dire que pendant toute cette période, j'étais totalement désintégrée. Parfois j'avais peur de ne pas maîtriser ma colère et ma violence et de jeter le bébé par la fenêtre. Parfois, je voulais sauter par la fenêtre ou me jeter sous le métro. Mes amis et mon mari me conseillaient de consulter pour une aide psychologique, ils me suppliaient de m'arrêter de travailler et d'allaiter, et de me reposer. Réponse identique : "NON, je vais bien, je suis forte? c'est juste un fatigue passagère."

 

Un jour, le bébé terminait son huitième mois, j'ai commencé à faire des crises de panique au bureau. J'étais obligée de partir en courant du bureau, de sortir dans la rue et de téléphoner à quelqu'un afin de ne pas avoir l'impression de me noyer. La seule personne joignable à cet instant était ma mère (une 2 !).

 

Au bout du troisième jour, où j'ai dû me sauver en courant de mon travail, elle a fini par me convaincre d'aller voir un psychiatre et que j'étais en dépression ! Le psy a effectivement diagnostiqué la dépression (mais j'ai refusé les médicaments "je suis forte, je peux m'en sortir sans ça"), et m'a convaincu d'arrêter de travailler pour me reposer. Il a même réussi à me convaincre d'arrêter d'allaiter.

Cet arrêt forcé a été dur à accepter, mais je pouvais difficilement retourner au bureau et avouer mon état de faiblesse (en fait je ne pouvais même plus me concentrer et fournir un travail acceptable !).

J'ai dû arrêter de travailler pendant presque un an.

 

Une amie m'a orientée sur une formidable coacheuse (dénommée Patricia qui a réussi à ma convaincre de prendre des antidépresseurs (elle a quand même mis un moment). Elle m'a dit que c'était ma seule chance de retourner un jour travailler. C'est ainsi que j'ai croisé le chemin de l'ennéagramme !

 

Un jour, alors que j'étais en arrêt maladie depuis six mois, j'ai été convoquée par le médecin de la sécurité sociale. Je m'attendais à ce qu'il me traite de glandeuse et qu'il me renvoie au boulot illico. Alors que je lui disais que je voulais retourner travailler, il m'a alors dit que "vue la gravité de mon accident", je devais faire une très longue convalescence et ne reprendre le travail que progressivement. Il m'a dit que le mieux était un temps partiel (c'est-à-dire un arrêt de travail partiel).

Là, j'ai eu un super-choc ! Pour moi ce mec était payé pour envoyer les gens travailler et réduire le trou de la sécurité sociale. Qu'il calme mes ardeurs à retourner travailler était une anomalie ! J'ai alors réalisé et accepté pour la première fois la gravité de mon "accident".

 

Je n'ai jamais pu retourner à mon travail, car j'avais trop honte d'avouer la dépression (pour moi, les dépressifs ont toujours été des "faibles"). Alors, j'ai démissionné en disant que je voulais m'occuper du bébé. Avec l'aide de Patricia et des antidépresseurs, je me suis mise en condition de chercher un emploi. J'ai commencé un nouveau travail quand le bébé avait 18 mois (et j'ai arrêté contre l'avis de tous les antidépresseurs à quelques jours de commencer ce nouveau boulot !).

 

Aujourd'hui cinq ans après, je réalise à quel point j'ai été dans l'évitement de la faiblesse et dans le déni.

 

Comme toujours, à avoir désespérément voulu éviter de reconnaître ma faiblesse, je me suis retrouvée dans un état de faiblesse encore plus grand (dépression).

 

J'ai aujourd'hui développé une meilleure compréhension des gens dépressifs.

 

Alors lecteurs 8, n'oubliez jamais de ne pas déplacer la montagne de trop !!!! Les résultats peuvent être terribles. La croyance que vous avez "moi, je suis fort et je ne connaîtrai JAMAIS la dépression" est fausse ! On peut faire une dépression suite à un épuisement physique.

 

Merci à Patricia pour tous ses enseignements de l'époque ! :surprised::lame::rofl:

 

PS : je voulais initialement titrer cette conservation "quand le déni mène à la dépression" mais je pense que beaucoup de 8 ne l'auraient même pas lue en se disant "c'est n'importe quoi !"

Aurore (87 alpha, C++, S-/+, X+)

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Fabien Chabreuil

Bonjour Aurore,

 

Merci pour ce formidable témoignage. Il m'a profondément ému. Il est aussi une magnifique leçon sur trois points.

 

D'abord, il montre bien comment l'ego tombe le piège qu'il cherche à éviter. L'évitement forcené de la faiblesse qui conduit à la faiblesse.

 

Ensuite, il met en évidence comment l'ego donne de mauvaises définitions à des idées justes. La force et le courage, c'est bien, mais c'est aujourd'hui, par ce message, que tu fais preuve de force véritable.

 

Enfin, il illuste une caractéristique importante du 8 alpha que nous étudions dans le stage Essence quand nous voyons les liens entre les ennéatypes et les vertus dites théologales (amour, confiance, espérance). Le 8 alpha réprime le centre émotionnel. Il est donc coupé de la vertu d'amour. Comme sa personnalité est orientée vers l'extérieur, le problème est intérieur. Le 8 alpha n'est pas coupé de l'amour des autres (contrairement à ce que croient ceux qui ont une vision stéréotypée de ce profil), il est coupé de l'amour de soi. Ton histoire l'illustre de manière poignante.

 

Très amicalement,

Fabien

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Bonjour Aurore,

 

Juste un petit message pour te remercier pour ce témoignage très fort et très émouvant. :surprised::lame:

Éric - 6 alpha, aile 7, Force-beauté

-- "Celui qui regarde à l'extérieur rêve ; celui qui regarde à l'intérieur s'éveille." --

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Bonjour Aurore,

 

:heart: pour ton témoignage.

 

Un facteur de progrès pour le 8 : apprendre que manifester un moment ou un point de faiblesse ne nous rend pas faible dans notre globalité.

 

:lame:

Bénédicte

Bénédicte (6 alpha, aile 5, C++ S+/- X--)
Dubito, ergo sum (Je doute, donc je suis)

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Fabien, Eric et Bénédicte,

 

MERCI pour votre chaleureux soutien ! :heart: :heart:

 

Fabien, j'avais oublié que "le 8 alpha n'est pas coupé de l'amour des autres (contrairement à ce que croient ceux qui ont une vision stéréotypée de ce profil), il est coupé de l'amour de soi".

Le pire, c'est que tu le dis en stage Centres… mais je n'ai pas dû vouloir l'entendre !

 

Du coup, j'ai trouvé plein d'exemples où je suis coupée de l'amour de moi.

Quand j'ai lu ton message, j'étais malade depuis quelques jours : je ne me soignais pas, je ne me reposais pas? Je continuais à vivre comme si je n'avais rien.

J'ai alors réalisé que j'étais bien au-delà du déni et de la compulsion (= je ne suis pas malade, tout va bien et je suis forte)? Et je me suis soignée et j'ai pris du repos, bref j'ai pris soin de moi comme j'aurai pris soin de mes enfants !

 

Pfffft, Mme Lucidité (conseillée par le Panneau) m'a encore aidée ! :wink:

 

Bises à tous.

Aurore (87 alpha, C++, S-/+, X+)

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Fabien Chabreuil

Bonjour Aurore,

 

"Mais je n'ai pas dû vouloir l'entendre !"

Une des grandes maladies de l'ego, la surdité sélective. :rofl:

 

"J'ai pris soin de moi comme j'aurai pris soin de mes enfants !"

Wow ! :heart:

 

Bises,

Fabien

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Bonjour Aurore,

 

Merci, pour ton témoignage… Je partage la vie d'un adorable 8 qui travaille environ 16 heures par jour. Au départ, c'était juste provisoire, le temps de "restructurer" une entreprise, mais cela fait des mois que ça dure.

 

J'ai essayé par tous les moyens de lui expliquer que ce n'était pas une situation normale. Rien à faire, pas de changement, toujours des horaires de dingue.

 

Puis un "miracle" s'est produit à la lecture de ton témoignage. Voici son commentaire : "J'ai pris une grosse claque dans la gueule. Ce qui me fait bizarre, c'est de savoir que je suis dans l'erreur et de continuer quand même, je me sens supérieur physiquement aux autres, je vais jusqu'à la rupture."

 

Depuis ce jour, il fait un peu moins d'heures, alors un grand merci.

 

Esther

Esther (3 mu, aile 2, C++ S= X+)

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Bonjour Esther,

 

Je suis bien contente que mon message ait pu aider un autre 8 !

 

"Je me sens supérieur physiquement aux autres, je vais jusqu'à la rupture."

C'est hélas une croyance bien ancrée chez les 8, et même après une dépression, il m'arrive de prononcer la même phrase que ton ami !

 

Attention, vigilance : le "moins" dure quelques temps pour un 8, et quand la fatigue s'installe, le "plus" a tendance à reprendre le dessus : le 8 retombe alors dans ses excès (plus de travail, plus d'activités, etc.).

 

N'hésite pas à faire remarquer à ton 8 qu'il retombe dans ses excès et qu'il dépasse ses limites. C'est ce que fait mon mari? Et comme je lui fais confiance, je prends souvent en compte ses avertissements !

 

Bonne soirée.

Aurore (87 alpha, C++, S-/+, X+)

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  • 6 years later...
Stéphanie Auxenfans

Bonsoir à tous,

 

Merci pour ce touchant et authentique partage Aurore. Je mesure la difficulté que ça a dû être à l'époque d'écrire un tel message et encore plus de le publier.

 

Très amicalement,

Stef

Stéphanie – E3 alpha, aile 2, C+/- S+ X++

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