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Comment déterminer le type d’une autre personne ?
Fabien & Patricia Chabreuil

Problématique

Trouver le type des membres de notre entourage personnel et professionnel est une tentation irrésistible dès qu’on connaît l’ennéagramme. C’est difficile pour trois raisons :

  1. Nous voyons principalement les comportements des autres et nous ne connaissons de leur vie intérieure que ce qu’ils veulent bien nous en dire ;
  2. Nous ne connaissons les gens que dans un nombre limité de contextes et en ignorons d’autres : comment se comporte notre collègue de travail avec sa famille ou ses proches ? comment se conduisent nos enfants avec leurs condisciples ou leurs amis ? quelle attitude à notre conjoint(e) dans sa vie professionnelle ?
  3. Penser simultanément les neuf ennéatypes est aux limites des capacités cérébrales de l’être humain : en 1956, le psychologue cognitif George Miller a publié sa fameuse loi selon laquelle la mémoire à court terme ne pouvait contenir que 7 plus ou moins 2 objets et que donc nous ne pouvions pas appréhender simultanément plus d’items ; les recherches récentes semblent montrer que ce chiffre était surestimé et que la réalité est plus proche de 4 ou 5 plus ou moins 2. Il est donc difficile de ne pas simplifier inconsciemment et abusivement le problème (cf. infra, « Pièges »).

Éthique

Extrait du Grand Livre de l’Ennéagramme :

Déterminer le type d’une autre personne […] avec efficacité nécessite de remplir quatre conditions :

  1. Avoir intégré le modèle complet de l’ennéagramme : l’ennéagramme n’est pas compliqué, mais il prend en compte la complexité de l’être humain. La simple connaissance des ennéatypes est bien souvent insuffisante pour trouver le profil de quelqu’un ; il est utile de prendre en compte des mécanismes comme les sous-types, l’influence du centre réprimé, le style de communication, les contretypes, la variation de l’expression de la personnalité dans des contextes où un comportement est attendu, comme c’est le cas en entreprise et dans bien d’autres environnements encore.
  2. Avoir une grande base de données de personnes de tous les ennéatypes et dont le profil est connu avec certitude. Si je ne connais qu’une personne de profil 1, tout ce qui lui ressemble sera 1, et tout ce qui ne lui ressemble pas ne le sera pas. Si je prends pour un 1 quelqu’un qui est 6, je me tromperai les fois d’après et sur les 1 et sur les 6. Et comme il n’y a que neuf types dans l’ennéagramme, une vision complètement déformée du modèle arrive vite…
  3. Avoir déterminé la totalité de son profil, et en avoir mesuré les conséquences dans sa vie. Cela permet notamment de comprendre ses propres filtres, et les raisons pour lesquelles on pourrait ne pas discerner certains ennéatypes, ou au contraire les voir partout. Par exemple, il est habituel qu’au début de leur apprentissage de l’ennéagramme, les 6 croient, à cause du mécanisme de défense de projection, avoir dans leur entourage beaucoup de personnes du même type qu’eux.
  4. Avoir une connaissance de soi suffisante pour réaliser quels sont ses croyances et ses préjugés, et donc mesurer l’impact de sa propre histoire de vie sur le mécanisme de détermination. Ainsi, des personnes ayant eu une expérience très douloureuse avec un représentant d’un ennéatype et ne l’ayant pas conscientisée ont tendance à ne pas reconnaître les individus dudit profil qui en expriment les aspects positifs.

David Daniels, un des grands experts mondiaux de l’ennéagramme, disait à propos du typage de l’extérieur, dans le numéro de janvier 2004 d’Enneagram Monthly : « Si nous sommes vraiment bons et vraiment intuitifs, je crois que nous pouvons atteindre une fiabilité de 50 %. » Certes, cette estimation est un peu pessimiste (c’est un ennéatype 6 !), mais on ne peut que partager son rappel à la prudence : le type d’une autre personne est une hypothèse tant qu’elle ne l’a pas elle-même confirmé.

Typer de manière prématurée et sans le soutien nécessaire ne rend service ni à la personne qui le fait (à cause des conséquences des erreurs qu’elle commettra forcément) ni à ceux qui ont été typés ainsi de manière inexacte et non respectueuse. Cela ne rend pas service non plus à l’ennéagramme (que nombre de gens pourraient finir par associer à sa mauvaise utilisation).

Redisons-le :
attribuer un ennéatype à une autre personne n’est jamais qu’une hypothèse.

Méthodologie

Les exemples donnés ci-dessous correspondent à des personnages de films analysés sur le Ciné-agramme. Le meilleur apprentissage consiste à voir les films correspondants de façon à observer le jeu verbal et non verbal des acteurs. Toutefois, si vous ne trouvez pas un film chez votre loueur de vidéos ou en VOD, vous pouvez quand même lire l’analyse qui en a été faite : les textes sont rédigés de façon à être compréhensibles même sans le support du film.

Identification

Éléments perceptibles d’un ennéatype

Selon les circonstances, ce sont des éléments différents de la structure d’un ennéatype qui sont perceptibles en premier et permettent de faire une première hypothèse d’ennéatype. Il y a trois points d’entrée principaux :

  1. Mécanisme de base propre à un ennéatype :
    • Passion : Salieri est dévoré par l’envie du 4 dans Amadeus.
    • Fixation : Madame de La Pommeraye met toute son énergie au service de la fixation de vengeance du 8 dans Mademoiselle de Joncquières.
    • Compulsion : Richard exprime en permanence la compulsion d’évitement de l’échec du 3 dans Little Miss Sunshine.
    • Style de communication : Garris exprime en permanence les limites du 6 dans Les Enfants du marais.
    • Orientation : Grady Tripp montre à toute occasion l’orientation d’acceptation et de soutien du 9 dans Wonder Boys.
    • Mécanisme de défense : Philomena Lee laisse constamment paraître le mécanisme de défense de répression du 2 dans Philomena. Tous les types pouvant manifester occasionnellement tous les mécanismes de défense, il importe d’utiliser ce mécanisme avec prudence et uniquement si son emploi est flagrant et répétitif.

Dans le cas où des caractéristiques de plusieurs ennéatypes sont perceptibles, cela peut être dû à des mécanismes d’aile(s), d’intégration ou de désintégration. Il s’agit alors de se souvenir que le type principal reste majoritaire et que ces phénomènes lui donnent une coloration particulière mais ne le remplacent pas.

  1. Hiérarchie des centres – Le centre réprimé est parfois l’élément le plus visible d’une personnalité et sert d’amorce à l’identification : Julie réprime clairement ce centre instinctif et montre un centre émotionnel en support dans Bleu ce qui est le point de départ pour la typer en 7 mu.
  1. Sous-type – Il arrive que l’expression de la blessure d’un instinct soit suffisamment forte pour ne conserver que les types dont le sous-type correspondant à cet instinct est compatible avec la personnalité : Bertrand Morane dans L’Homme qui aimait les femmes est sans doute possible de sous-type sexuel ; partir de l’expression de cet instinct conduit rapidement au profil 9.

Quelques trucs

  • Vue globale – Si tous les détails doivent être pris en compte, il est facile de s’y perdre. Prendre de la distance pour caractériser de manière générale la personne ou la situation est alors une aide : dans Bleu, toute l’histoire de Julie suite à son deuil est celle d’une fuite et il est alors naturel d’envisager l’ennéatype 7.
  • Que disent les autres de la personne ? – Si certains traits d’une personne font l’unanimité dans son entourage, il existe une bonne probabilité que l’information doive être intégrée dans le processus de typage.
  • Identifier les certitudes, puis éliminer les ennéatypes incompatibles – Choisir parmi neuf types est difficile et il est aidant de simplifier le problème aussitôt que possible : l’évident sous-type sexuel de Bertrand Morane dans L’Homme qui aimait les femmes permet en quelques minutes d’éliminer sept ennéatypes sur neuf ; le flagrant sous-type « sexuel » de Violette dans Faut que ça danse ! s’exprime d’une manière incompatible avec plus cinq ennéatypes.

Vérification

Une hypothèse est le plus souvent faite à partir d’un nombre réduit d’éléments d’un ennéatype. La renforcer nécessite de vérifier que les autres aussi sont présents.

  • Compatibilité avec toutes les caractéristiques du type – Superficiellement, dans Bleu, Julie pourrait être prise pour une 5 mais elle ne manifeste pas le mental extérieur de cet ennéatype mais au contraire la direction intérieure du 7.
  • Compatibilité avec les sous-types – Certains ennéatypes peuvent paraître proches et les sous-types permettent parfois de lever l’indécision : pour Elinor Dashwood dans Raison et sentiments, il est possible d’hésiter entre le 1 et le 6 mais seuls les sous-types de ce dernier sont exprimés ; Lolita dans Comme une image semble avoir beaucoup de traits du 4, mais elle est de sous-type « conservation » et ne montre aucun trait d’intrépidité ; elle est mieux décrite par le 6.
  • Compatibilité avec les mécanismes d’intégration et de désintégration – La rigueur de Sainte Colombe dans Tous les matins du monde évoque le type 1 mais malgré une désintégration très forte, aucun mouvement en 4 ni en 7 n’est visible, et il faudra chercher du côté de l’austérité du 8.
  • Prise en compte des petits détails – Des attitudes apparemment mineures peuvent conduire à envisager certains ennéatypes ou à en écarter d’autres : Sainte Colombe écrase une coccinelle dans Tous les matins du monde et cette cruauté gratuite exclue certains types ; dans L’homme qui aimait les femmes, Bertrand Morane trouve un miroir psychologique dans sa rencontre avec le médecin le médecin ; dans Bleu, Julie montre les traits de peur et de planification du 7 dans l’épisode des souris ou son évitement de la souffrance dans la courte scène où elle prend le soleil à la terrasse d’un café.

Tout élément nouveau à propos de la personne doit impérativement conduire à recommencer le processus de vérification.

Pièges

  • Comportements – Il importe de se souvenir que l’ennéagramme est une typologie des motivations et non des comportements. Un comportement isolé peut être accompli par n’importe quel ennéatype.
  • Triangle – Les ennéatypes 3, 6 et 9 voient leur centre préféré basculer en dernier en cas de stress égotique : dans Tout de suite maintenant, Arnaud Barsac (3) perd tout son vernis relationnel dès que ses affaires connaissent une difficulté. Cette bascule a deux conséquences :
    • Le centre en second dans la hiérarchie peut sembler être le centre préféré : ainsi Jack Lewis dans Les ombres du cœur et Bertrand Morane dans L’homme qui aimait les femmes ont tous deux l’air de préférer le centre mental alors que le premier est un émotionnel (3) et le second un instinctif (9).
    • Le centre préféré peut être caché par sa répression : quand un centre semble préféré, cinq hypothèses doivent être envisagées, les trois types dont c’est vraiment le centre préféré et les deux types du triangle dont c’est le centre de support qui apparaît en premier en cas de bascule ; par exemple, si l’instinctif est le centre le plus visible, les ennéatypes possibles sont 8, 9 et 1 (vrais instinctifs), 3 alpha dont le centre émotionnel a basculé et 6 mu dont le centre mental a basculé.
  • Orientation exprimée de manière très différente selon la variante : Julie (7 mu) dans Bleu et Freddy Gale (7 alpha) dans Crossing Guard vivent tous les deux le deuil de leur fille ; Bertrand Morane (9 alpha) dans L’homme qui aimait les femmes et Riton (9 mu) dans Les Enfants du marais souffrent tous les deux de la perte d’une personne aimée avec laquelle ils étaient en union.
  • Orientation masquée par la contre-passion et/ou la contre-fixation.
  • Rôle – Consciemment ou inconsciemment, certaines personnes cachent leur ennéatype.
  • Masque : dans certains contextes sociaux, notamment en entreprise, certains ennéatypes sont mal perçus et choisissent plutôt d’exprimer leur type de désintégration ou un de leur type d’ailes : dans Tout de suite maintenant, Xavier (7) ne peut pas exprimer tout son ennéatype dans sa vie professionnelle.
  • Identification du 3 : le mécanisme de défense de l’ennéatype 3 l’amène à se conformer à un personnage type nécessaire pour réussir son projet et donc à l’ennéatype correspondant. On gagne toujours à voir les personnes dans plusieurs contextes et dans le cas d’un 3, cela permet de constater la présence de plusieurs rôles.
  • Sa propre histoire de vie :
    • Identification : « J’ai été comme cela. »
    • Désidentification : « Je n’ai pas été comme cela. », « Je n’aurai pas pu être comme cela. »
    • Ressemblance : « J’ai connu X qui se comportait ainsi. »
    • Différence : « J’ai connu X qui était de ce type et ne se serait jamais comporté comme cela. »
    • A priori : « Tel type ne peut pas être aussi bien/mal. »
  • Interprétations – Prendre :
    • Tout ce qui est présent ;
    • Uniquement ce qui est présent.
  • Complexité excessive – Des hypothèses qui mettent l’accent sur les caractéristiques du type de base, des ailes, du type d’intégration et du type de désintégration selon les moments sont généralement fausses. Il n’est raisonnable d’y recourir que dans des circonstances exceptionnelles (adolescence, crise grave, etc.) : dans Little Miss Sunshine, on ne voit dans un premier temps que la désintégration en 5 de Dwayne qui est en réalité un 8.