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Les ennéatypes et leur fondement biologique
Tina Thomas et Eric Schulze (Traduction par Nicole Hebert)

L'Ennéagramme se révèle être une grille très précise de description et de prévision de la personnalité humaine. Nous croyons que non seulement l'Ennéagramme est un puissant outil descriptif mais qu'il s'ancre sur une réalité d'ordre biologique encore à explorer. Dans cet article, nous allons présenter une ébauche de notre théorie sur les fondements biologiques de la personnalité en fonction de l'Ennéagramme. Nous croyons que cette théorie représente un pas important dans la volonté d'identifier les "éléments" chimiques et génétiques à la base de la personnalité.

Notre proposition est que l'Ennéagramme (incluant les neuf types de base ainsi que les ailes, les centres, les groupes de Horney et les groupes harmoniques) peut s'expliquer à partir des niveaux d'activité faible, moyen ou élevé, génétiquement déterminés, de l'amine dominante de trois neurotransmetteurs du système nerveux central. Les neurotransmetteurs sont des substances chimiques qui modulent l'activité cérébrale de façon prévisible. Il sera question ici de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline.

La dopamine peut être considérée comme un modulateur de base de l'endurance et de l'énergie physiques, la sérotonine, comme un modulateur de base du bien-être psychologique et la noradrénaline comme un modulateur de base de la concentration et de l'énergie mentale.

Nous allons suggérer ici une théorie de la personnalité selon laquelle l'activité élevée, moyenne ou faible, de chacun de ces trois systèmes neurotransmetteurs est distribuée selon une logique liée à l'Ennéagramme. Nous supposons que les triades de base (tête, viscères et cour) correspondent aux niveaux d'activité de la noradrénaline. Les types du centre mental (56 et 7) semblent manifester des niveaux élevés d'activité de noradrénaline et sont donc généralement actifs mentalement. Les types du centre instinctif (89 et 1) en auraient une activité plutôt faible et les types du centre émotionnel (23 et 4) en auraient une activité moyenne. Nous croyons que l'activité de la dopamine concerne les triades de Horney (types agressif, détaché et dépendant). Le groupe agressif (37 et 8) présente des niveaux élevés d'activité de dopamine et témoigne d'une forte énergie et motivation. Le groupe détaché (45 et 9) en accuse de faibles niveaux et le groupe dépendant (12 et 6) des niveaux moyens. Enfin, grâce aux travaux de Riso et Hudson introduisant les groupes harmoniques, troisième catégorie utile à l'Ennéagramme, les niveaux d'activité de la sérotonine peuvent être justement mis en rapport avec ce système harmonique (groupes positif, réactionnel et compétent). Le groupe positif (79 et 2) affiche des niveaux élevés d'activité de sérotonine et généralement un regard optimiste sur la vie. Le groupe réactionnel (46 et 8) en présente les niveaux les plus faibles et le groupe compétent (13 et 5) des niveaux intermédiaires. Lorsque l'on regroupe pour chacun des neuf types de base de l'Ennéagramme les niveaux d'activité élevé, moyen ou faible des neurotransmetteurs, on obtient les résultats suivants :

Type Sérotonine Noradrénaline Dopamine
1 Activité moyenne.
Humeur stable, sentiment de bien-être neutre.
Activité faible.
Anxiété faible, réflexion délibérée.
Confiance moyenne.
Énergie, motivation et endurance adéquates.
2 Activité élevée.
Sentiment de bien-être élevé Contentement, paix, bonheur.
Activité moyenne.
Un peu d'anxiété, bon niveau de stimulation mentale sans excès.
Confiance moyenne.
Énergie, motivation et endurance adéquates.
3 Activité moyenne.
Humeur stable, sentiment de bien-être neutre.
Activité moyenne.
Un peu d'anxiété, bon niveau de stimulation mentale sans excès.
Confiance élevée.
Énergie, motivation et endurance élevées.
4 Activité faible.
Faible sentiment de bien-être, humeur variable, réactif, agressif.
Activité moyenne.
Un peu d'anxiété, bon niveau de stimulation mentale sans excès.
Confiance faible.
Énergie, motivation et endurance faibles.
5 Activité moyenne.
Humeur stable, sentiment de bien-être neutre.
Activité élevée.
Anxiété élevée, mental sans repos, tempérament nerveux, sur-stimulation.
Confiance faible.
Énergie, motivation et endurance faibles.
6 Activité faible.
Faible sentiment de bien-être, humeur variable, réactif, agressif.
Activité élevée.
Anxiété élevée, mental sans repos, tempérament nerveux, sur-stimulation.
Confiance moyenne.
Énergie, motivation et endurance adéquates.
7 Activité élevée.
Sentiment de bien-être élevé Contentement, paix, bonheur.
Activité élevée.
Anxiété élevée, mental sans repos, tempérament nerveux, sur-stimulation.
Confiance élevée.
Énergie, motivation et endurance élevées.
8 Activité faible.
Faible sentiment de bien-être, humeur variable, réactif, agressif.
Activité faible.
Anxiété faible, réflexion délibérée.
Confiance élevée.
Énergie, motivation et endurance élevées.
9 Activité élevée.
Sentiment de bien-être élevé Contentement, paix, bonheur.
Activité faible.
Anxiété faible, réflexion délibérée.
Confiance faible.
Énergie, motivation et endurance faibles.

 

Type Sérotonine Noradrénaline Dopamine
8 Faible Faible Élevé
9 Élevé Faible Faible
1 Moyen Faible Moyen
2 Élevé Moyen Moyen
3 Moyen Moyen Élevé
4 Faible Moyen Faible
5 Moyen Élevé Faible
6 Faible Élevé Moyen
7 Élevé Élevé Élevé

Il est possible d'observer, dans les tableaux précédents, une certaine symétrie fonctionnelle à laquelle nous accordons une valeur de prédiction. Nous croyons que l'Ennéagramme est désormais pour la psychologie et la psychiatrie un outil aussi important et permettant l'extrapolation que le tableau périodique des éléments l'est à la chimie et la physique. Le dernier tableau peut illustrer pourquoi certains médicaments psychoactifs tels le Prozac (un IRSS, inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine) se révèlent efficaces pour certains sujets, produisent sur certains des effets indésirables et restent impuissants sur d'autres. Nous poursuivons actuellement des études en vue de savoir comment certains médicaments, voire certains aliments et certaines activités, pourraient être bénéfiques aux différents types, en fonction de leur neurochimie respective.

De plus, nous croyons que les phénomènes de débordement dans les ailes et de désintégration sont la résultante de variations par rapport à l'équilibre habituel dans les interrelations de ces neurotransmetteurs. Ainsi, l'intégration pourrait-elle être le résultat de la manipulation de ces mêmes éléments chimiques de telle sorte que se crée une neurochimie mieux équilibrée. Nous croyons que la médication, l'alimentation, la musique et l'exercice exercent une influence sur l'activité relative de ces systèmes neurotransmetteurs et que, par une manipulation intelligente de ces facteurs, il est possible de favoriser chez les personnes plus d'harmonie et d'intégration.

Cet aperçu grossier de notre théorie sur les bases biologiques de la personnalité soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Pourtant, de récents rapports scientifiques mettent en corrélation certains traits de personnalité avec l'activité de ces trois neurotransmetteurs. Nous sommes sur le point de lancer notre propre projet de recherche utilisant des images fonctionnelles obtenues par résonance magnétique (IRM) à l'affût de corrélations entre les traits de personnalité décrits par l'Ennéagramme et l'activité de ces trois neurotransmetteurs.

Nous sommes bien au fait du débat sur les apports relatifs de l'inné versus l'acquis dans le développement de la personnalité. Nous sommes maintenant convaincus que la nature détermine le type alors que l'éducation détermine le degré d'intégration à l'intérieur du type et, fait intéressant, le sous-type instinctif (social, sexuel et de conservation). Nous avons élaboré une théorie sur les origines environnementales de la variante et sommes en train de développer un instrument de mesure afin de vérifier nos hypothèses.

Notre théorie est en effet que le sous-type instinctif est déterminé dans les premiers 18 à 24 mois de vie et relié à l'organisation et au bon fonctionnement de la cellule familiale. Plus précisément, nous croyons que les personnes de sous-type social ont grandi dans des environnements offrant plusieurs figures parentales, comme les foyers regroupant plusieurs générations, phénomène plus fréquent dans le passé, ou dans des milieux à garde partagée, plus courants aujourd'hui, où l'enfant se réfère à plusieurs mères et pères en raison des divorces et des impératifs économiques.

Les personnes de sous-type sexuel, croyons-nous, sont plutôt le produit de milieux traditionnels avec une maman, un papa et 1,5 enfant, ou avec un parent unique offrant des liens étroits et généralement sains.

Finalement, les personnes de sous-type conservation sont celles qui, selon nous, pour diverses raisons, décès, maladie, séparation, déménagement, ont vécu un problème dans la relation avec la figure parentale nourricière durant la période critique (18 -24 mois) de développement du sous-type.

Nous croyons que le sous-type instinctif est en quelque sorte un produit culturel. Les humains préhistoriques étaient généralement organisés en communautés nomades ou agrariennes. Dans beaucoup de cultures nomades, chaque unité familiale se débrouillait généralement par elle-même et les enfants retiraient un avantage de survie dans des liens solides établis avec leur mère. Dans les communautés agrariennes, l'unité familiale était le plus souvent multigénérationnelle, de sorte que les enfants avaient avantage à composer avec les différents groupes. Dans chacun de ces modèles, s'il survenait une rupture ou un dysfonctionnement dans la relation de l'enfant avec les gens qui prenaient soin de lui, l'enfant trouvait avantage à se débrouiller seul. Nous croyons donc que le sous-type instinctif est déterminé entre le dix-huitième et le vingt-quatrième mois de vie et dépend de l'environnement domestique. Ceci expliquerait pourquoi l'on retrouve une prépondérance de certains sous-types instinctifs dans différentes cultures autour du monde selon leur organisation familiale dominante.

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