Introjection, mélancolie et hallucination

[Christian]

Bonsoir,

 

Comment dire ce qui est difficile à admettre.

 

À travers l'ennéagramme, je me découvre…

 

Je tente tant bien que mal de comprendre ce qu'est l'introjection. Les différentes lectures (exemples et définitions) ne m'ont pas vraiment éclairées. J'aimerais une aide car je ne vois pas comment je réalise ce mécanisme d'introjection ! Ou j'ai l'impression de mal comprendre.

 

Sinon, la mélancolie !

Ma difficulté à voir un avenir radieux, cette mélancolie me pèse.

Mais ce qui est encore plus difficile, à mon sens, c'est cette sorte d'hallucination qui consiste à se répéter sans cesse la même situation qui devrait venir, et que cette situation vécue intérieurement avec beaucoup d'émotion soit considérée comme réelle. A telle point que je suis incapable d'être dans le présent, dans la réalité au moment où je "pense".

Je suis dans un état hypnotique très puissant. Je considère alors que ce que j'ai vécu est vrai, et j'en veux déjà à la personne qui a vécu cela avec moi.

En effet, il s'agit toujours d'une situation à travers laquelle une personne me rejette, me fait souffrir, bref, m'abandonne. Et je suis comme impuissant. Je suis avec elle, nous discutons, je fais les questions et les réponses… et je peux me répéter cette situation sans cesse, sans pouvoir faire varier la discussion. Il me faut faire un effort considérable pour sortir de ce moment, maintenant que je parviens à me prendre en flagrant délit !!!

Ainsi lorsque que je revois la personne, je suis tellement sur mes gardes que je lui en veux de m'avoir fait tout cela !!

Et cette situation m'est arrivée avec de nombreux amis. (Les autres ne comptent pas, évidemment, ils sont fades !)

 

De la même manière, mon premier réflexe inconscient lorsque je croise une femme est de savoir "si elle est amoureuse de moi" ! Je viens de découvrir ce mécanisme très récemment, et c'est vraiment déstabilisant.

Ce narcissisme exacerbé me fait un peur.

Paradoxalement, je sais que je ne peux pas plaire aux autres, mais je développe un "désir" très fort, qui disparait aussitôt. Il me reste un souvenir à la fois doux et amer.

 

Toujours dans le même ordre d'idées, vis-à-vis des autres je pense avoir une vie intérieure très riche qu'ils ne peuvent deviner… mais je me rends compte (à juste titre ou non) que je n'ai pas de réelle personnalité, que je suis pauvre, ayant honte de moi.

 

Toutes ces réflexions et ces remarques me sont apparues récemment. Je suis à la fois tout cela et je commence à m'en détacher.

Parce que j'en prends conscience, je peux isoler les moments où cela se produit et me permettre de faire varier mes comportements.

 

Je suis vraiment perplexe de me découvrir ainsi. Pas honte. Juste perturbé par la puissance de ce "monde intérieur".

J'ai du mal, ce soir, à développer davantage. mais j'ai de nombreux exemples en réserve.

 

En somme une vie intérieure coupée de la réalité.

Des hallucinations.

Est-ce de l'introjection ?

 

Je vais à nouveau relire l'article concernant le dilemme du 4 !

 

Les 4, vivez-vous ces événements, avez-vous conscience de les vivre ?

 

christian

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Christian,

 

L'introjection consiste pour le 4 à ne pouvoir rien faire ou comprendre avant que cela ait déclenché des émotions en lui.

 

Un exemple caricatural, mais qui illustre bien le mécanisme. Un 4 qui apprend les attentats de Madrid va commencer par les introjecter, c'est-à-dire qu'il ve se connecter à la souffrance que déclenche en lui le fait de vivre dans un monde où ce genre d'événements a lieu, il va dire combien il souffrirait si lui ou une des personnes qu'il aime était touchée par cet événement ou un événement semblable. Ce n'est qu'ensuite qu'il pourra ressentir de la compassion pour les victimes, de l'indignation, une volonté d'agir, etc.

 

Selon le degré d'intégration du 4, la première phase est plus ou moins longue, plus ou moins forte et plus ou moins consciente.

 

Ce n'est pas du narcissisme au sens psychologique du terme. Le narcissisme implique un contentement de soi qu'on peut trouver chez le 3 et le 7, mais pas chez le 4. C'est simplement que le 4 est (avec le 1 et le 7) une personnalité orientée vers l'intérieur.

 

Pour le reste, ton témoignage est très représentatif du type et j'espère que quelques lecteurs 4 y ajouteront leurs propres expériences.

 

Très amicalement,

Fabien

[Christian]

Bonjour Fabien,

 

Je comprends tout à fait ce qu'est l'introjection, grâce à cet exemple.

Et effectivement, voyant les images de l'attentat à la télévision, j'ai dit à mon épouse : "Dire que cela aurait pu m'arriver." (alors que pas du tout !) Et je me suis vu dans le train quelques minutes avant l'explosion… ou encore vivant le deuil d'un proche…

De la même manière pour les attentats du 11 septembre, je me suis vu dans une des tours, assis à "mon bureau" et voyant arriver l'avion sur moi. Je me suis vu également aux commandes de l'avion en train de foncer dans l'immeuble ; ou encore dans l'avion en tant que passager, et à chaque fois, vivre l'intensité du moment. Mon épouse, elle, a imaginé une personne en train de vivre ce drame (surtout cette femme qui avait laissé un message sur le répondeur de son mari).

 

À regarder de plus près, j'ai d'autres exemples qui me reviennent à l'esprit. Juste un :

La semaine dernière j'ai emmené mon fils (trois ans et demi) à l'hôpital, pour une série de tests, dont une prise de sang. La veille, l'infirmière m'a expliqué comment mettre la crème anesthésiante sur les bras de mon fils pour la prise de sang. Pendant qu'elle parlait, je me voyais à la place de mon fils, en train de "subir" cette piqûre, et j'avais mal aux bras !

Le lendemain, je n'étais plus troublé et je pouvais rassurer mon fils.

 

Si j'ai bien compris, ce n'est pas un acte égoïste ou narcissique, mais un simple processus de défense afin de se protéger du monde extérieur, avant de pouvoir comprendre ou d'agir.

 

Il semble en effet que le fait d'être "une personnalité orienté vers l'intérieur" soit la cause de nombreux troubles.

Il existerait alors deux types d'émotions : celles qui éveillent du plaisir et celles, néfastes, qui provoquent un mécanisme "d'auto destruction" (je ne trouve pas de mot précis pour exprimer ce que j'ai du mal à percevoir !!) lorsqu'elles sont associées avec un autre thème :

• Émotion + colère = inaction
• Émotion + envie = colère
• Émotion + attente = action
• Émotion + souffrance = introjection
• Etc.

Tout cela est bien évidemment à vérifier.

Je ne cherche pas par ce biais une "vérité", mais seulement à comprendre un processus !

 

Je me rends compte ainsi que je ne peux comprendre qu'en ayant d'abord ressenti en moi. Ainsi pour l'ennéagramme, entre autres, c'est un processus de va et vient entre la lecture théorique et mon expérience. L'un aidant l'autre.

J'avance ainsi pas à pas. (A l'inverse de ma mère qui serait type 5 et qui veut absolument croire que seuls les livres lui donneront la réponse sans "regarder" en elle ; sauf qu'elle ne comprend pas mieux et s'embrouille… Est-elle vraiment 5 ? Peut-être 4 ! Mais c'est un autre sujet !)

 

Ces fameuses hallucinations, ou "transes hypnotiques", peuvent être aussi bien salutaires que néfastes. Le problème serait de savoir gérer leur intensité, savoir s'en dissocier… pour revenir dans la réalité.

 

Un dernier exemple d'expérience personnelle (pour faire le lien avec l'inaction !).

J'avais déjà écrit ce message ce matin (instinct), pendant vingt minutes, concentré (mental) et déterminé (émotion). Je vivais déjà le moment où d'autres liraient ce message, puis je vivais mon émotion et mon plaisir à lire les réponses.

Mais soudain, en raison d'un mauvaise manipulation, j'ai perdu mon message juste avant de l'envoyer. Grosse colère… Très grosse colère… J'aurais cassé l'ordinateur… Mais non, je me suis assis sur le canapé et je ne pouvais plus rien faire !

J'ai dit à mon épouse, assise à côté de moi (elle donnait le sein à notre fille !!) : "Tu vois là, je réprime mon centre instinctif, je ne peux rien faire, je suis écoeuré, c'est injuste, tout ce travail pour rien, tu te rends compte, je suis énervé (dans le sens premier : enlever les nerfs !!) et patin couffin ! :cry:"

Et là je me suis dit (toujours vautré sur le canapé) : j'écrirai ce message plus tard, ce n'est pas grave, et je vais "agir" ; et ce fut très douloureux d'accepter de devoir recommencer à écrire, et de sortir de l'état de "légume" !

Après quelques minutes de retrait passif, j'ai rangé le salon, la chambre du fils, la cuisine, fait deux-trois courses, préparé le repas, oubliant mes déboires.

 

Je me suis déconnecté de la déception de mes émotions imaginaires pour entrer physiquement et mentalement dans le présent. Ce fut un vrai combat.

C'est vrai, j'avoue (même si j'ai du mal), je me vexe très facilement, et je boude ! (Typique du 4 ??). J'en arrive même à me bouder moi-même.

 

En définitive, j'ai trouvé d'autres émotions et du plaisir.

 

Amicalement,

Christian

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Christian,

 

"Si j'ai bien compris, ce n'est pas un acte égoïste ou narcissique, mais un simple processus de défense afin de se protéger du monde extérieur, avant de pouvoir comprendre ou d'agir."

C'est un acte égotique, mais lequel ne l'est pas ? L'introjection ne protège pas le 4. Bien au contraire, elle lui fait vivre des souffrances inutiles qui s'accumulent en lui et qu'il devra extérioriser par le mécanisme complémentaire de sublimation. Le mécanisme de défense protège plus la compulsion que la personne…

 

"Il existerait alors deux types d'émotions : celles qui éveillent du plaisir et celles, néfastes, qui […]"

Il n'y a pas d'émotion néfaste. Une émotion devient néfaste par ce qu'on en fait : l'amplifier, la prolonger, la revivre hors de propos, la nier, la refouler, etc.

 

"Ces fameuses hallucinations, ou 'transes hypnotiques', peuvent être aussi bien salutaires que néfastes."

A l'inverse, ces transes sont toujours néfastes puisqu'elles nous coupent de l'ici et maintenant, de la réalité. Elles sont considérées par l'ego comme le seul moyen de faire certaines choses (par exemple, l'ego peut croire qu'on ne peut profiter d'un livre qu'en se coupant totalement du monde extérieur, ce qu'on appelle une hallucination négative), mais c'est inexact.

 

Très amicalement,

Fabien

[Christian]

Bonjour Fabien,

 

Je suis encore dans la phase Observation (mentionnée dans votre ouvrage dans le chapitre Maîtrise de la compulsion). Et à chaque fois que je tente de Comprendre (phase 2) je constate que mes compréhensions sont erronées. Ce mouvement de va et vient m'oblige à être plus patient.

Dans une certaine mesure, cette relation au temps, et surtout la patience, m'oblige à être dans la réalité (objectif, durée, action). Je sais également que l'utilisation de la patience (contact en 1) n'est pas une fin en soi, mais peu m'aider à atteindre la vertu de mon type : Harmonie et contentement.

 

Dans cette phase d'observation, je croyais que je pouvais utiliser l'introjection et les transes hypnotiques pour obtenir de "bonnes émotions", et ainsi changer.

Mais…

… pris dans les émotions très fortes, j'en oubliais les éléments constitutifs de l'ennéagramme : ma compulsion, puis ma passion, la hiérarchie de mes centres, et mon apport de 4 ainsi que ce que je devrais atteindre : la vertu de mon type.

 

Ta réponse me montre qu'il me manque l'essentiel, c'est à dire la connaissance précise.

 

Je vais alors rester pour le moment (pendant quelques mois !!) dans mes observations, constatations, prises de conscience… et dialogues bénéfiques sur ce forum.

 

Je reste maintenant toujours perplexe face à l'introjection ou aux transes hypnotiques.

Il est clair de toute façon qu'elles empêchent un réel épanouissement (ouverture vers l'extérieur !!).

 

J'ai vécu quelques expériences (récentes) d'arrêt de ces transes. Cela fut bénéfique puisque j'ai pu réaliser un ancrage dans la réalité. D'où plaisir d'avoir réussi, mais également de ne plus être "écarté" du monde, en marge, dans une bulle spatio-temporelle.

 

Je suis maintenant sur le qui-vive, en quelque sorte. J'attends les prochaines émotions pour tenter de prendre conscience de mes mécanismes.

La question primordiale (et qui fait peur !!) : vais-je avoir conscience de les vivre et d'arrêter le mécanisme néfaste qui s'ensuivra ?? (Mais, n'est-ce pas aussi pousser le bouchon un peu loin !)

 

J'attends aussi quelques commentaires, expériences, d'autres 4.

 

Amicalement,

Christian

[Mariel]

Bonjour Christian,

 

Comme toi si je veux comprendre, il me faut avoir ressenti une émotion au préalable.

Par exemple, concernant le contrôleur qui était responsable de l'accident d'avion en Suisse, je me suis vue à sa place devant l'écran de contrôle avec la panique en voyant tout d'un coup les plots radar se rapprocher sans pouvoir presque rien faire, mais également à la place du père de famille avec la souffrance d'avoir perdu toute sa famille…

 

En ce qui concerne l'ennéagramme, je ne peux comprendre un mécanisme que si je l'ai ressenti intérieurement, ou si j'ai imaginé la manière dont les autres le ressentent grace aux témoignages.

 

Concernant ce que tu as écrit, "Émotion + colère = inaction", je ne suis pas tellement d'accord…

Chez moi cela dépend mais souvent c'est l'inverse.

J'ai eu la même expérience que toi concernant les messages perdus que l'on a mis longtemps à taper.

C'est ce qui s'est passé pour le premier message de ma conversation "Type 1 ou type 4 ?". Il est clair que j'étais découragée, mais je me suis remise à le réécrire presque de suite en le sauvegardant au fur et à mesure.

Ce qui s'est passé donc, c'était : émotion, puis colère , puis découragement intérieur (je recommence ou je ne recommence pas ? ), puis re-action (je ne vais quand même pas rester sur une déception !).

 

Si le ménage n'est pas fait, c'est pareil (c'est un exemple).

Émotion (car on ne me respecte pas), puis colère (y'en a marre !), puis action (puisque personne ne le fait, alors je vais le faire, en bref, résignation…).

Je te rassure, ce n'est pas tout le temps comme ça. J'exagère un peu peut-être (transformation de la réalité, hallucination…) mais c'est ce que je ressens.

 

Sinon je ne sais pas si c'est typique du 4, mais je me vexe facilement également, et je boude !

 

Amicalement,

Marie

[Christian]

Bonjour,

 

Dans le titre de ce triple thème, j'aurais pu écrire également :

Fantasme : du latin phantasma, mot grec "vision". Production de l'imagination par laquelle le moi cherche à échapper à l'emprise de la réalité. (Petit Robert)

 

Je me rends compte (c'est mon mot ça, tiens !), je découvre, je m'aperçois, que le fantasme fait partie de ma vie.

 

En effet, je fantasme mes amitiés, d'où mes déceptions.

Je fantasme la vie que j'aurais dû avoir, d'où le mépris pour celle que je vis.

Je fantasme la vie de mes enfants, je voudrais qu'ils aient la vie, les souvenirs que j'ai eus (ou que je n'ai pas eus !).

Je fantasme la vie des autres, elle est toujours mieux que la mienne, d'où l'envie.

Je fantasme mes maladies, alors qu'elles sont bénignes.

Je fantasme ma profession, et je suis trop souvent déçu.

 

Je porte en moi ma petite fabrique de doutes, d'émotions, de joies et de malheurs.

Et je lutte contre cela, tant bien que mal !  Je m'accroche à la réalité, matière à fantasme !! 

 

Qu'en est-il pour vous ??

 

Amicalement,

Christian

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Christian,

 

Le fantasme, c'est un peu le problème des trois types orientés vers l'intérieur. Le 1 préfère ses idéaux à la réalité, le 4 préfère son imagination émotionnelle à la réalité, et le 7 préfère ses jeux mentaux à la réalité.

 

Très amicalement,

Fabien

[Christian]

Bonjour Fabien,

 

Je suis sidéré par ta réponse.

 

Elle provoque en moi l'évidence de mes rapports avec une amie base 1 mu.

 

J'avais de la rancœur contre elle. Je m'aperçois ce que nous avons en commun, ce fantasme dévastateur.

J'éprouve maintenant pour elle de la compassion.

 

Sa manière d'être, ses prises de distance avec moi (comme les miennes avec elle) sont plus de la tristesse (comme moi) qu'une volonté de casser notre relation.

 

J'espère que cette prise de conscience va me permettre d'être plus vigilant !!

 

Je suis sous le choc.   

(Ah ! Cette terrible impression que le 4 est le seul à pouvoir souffrir, à pouvoir s'imaginer être rejeté et le confondre avec la réalité !)

 

Amicalement,

Christian