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Témoignage d'un 9 à la radio


Lighyli

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Bonjour à tous,

 

J'écoute très régulièrement France Culture (surtout en podcast, j'aime beaucoup en voiture). Il y a des émissions extraordinaires. Une d'elle est "Les pieds sur terre" qui dure 30 minutes tous les jours entre 13h30 et 14h00. Ce sont des témoignages très "bruts".

 

L'émission du 29 mai 2018 avait pour titre "Un élève pour la vie". En l'écoutant, j'ai eu l'impression d'entendre un ego de 9 assez brut… Cela m'a paru tellement flagrant que je ne résiste pas au plaisir de vous le faire partager. Voilà la retranscription de certains passages du témoignage qui dure en tout 13 minutes.

 

C'est l'histoire d'un prof de Français en lycée qui s'appelle André.

 

[La journaliste arrive, elle ouvre son micro, on entend qu'elle entre dans la maison.]

André a dit :

J'ai commencé à ranger mes affaires mais… C'est loin d'être… Je suis un petit peu un maniaque. Je garde tout. J'ai gardé tous mes carnets de prof.

J'entends qu'il garde beaucoup de bazar (peur de se séparer de vieux objets, peur d'un conflit intérieur ?), et qu'il a du mal à le ranger… même quand une journaliste vient le voir. À la lumière de la suite de l'entretien, pour moi, ça peut correspondre à l'approche structurelle des ailes du 9 (je voudrais concrétiser mes idéaux mais je ne sais pas m'imposer de limites, donc je m'immobilise)…

 

Cette analyse comportementale peut être biaisée car je me reconnais beaucoup dans cette façon de faire, mais la suite de l'entretien me parait aller plus dans le sens du 9.

 

Puis, il raconte quel professeur il était :

André a dit :

J'étais plutôt le prof gentil. J'avais un collègue qui disait : "André, si on lui demandait, il trouverait des circonstances atténuantes à Hitler."

"Le prof gentil", ça veut tout dire. :happy: J'y vois le côté médiateur du 9

 

Il décrit qu'à 50 ans, il a commencé à avoir des classes plus difficiles dans une banlieue de Lyon. En 2007, il a une classe de seconde plutôt agréable mais avec un élève qui posait "un peu" problème car il était "un peu" instable. (Je note le "un peu" instable, alors qu'à l'entendre, il devait être vraiment infernal…)

 

Arrive le conseil de classe du deuxième trimestre, un vendredi soir. Ils préparent l'orientation des élèves, et le désir de l'élève qui est de passer en 1e ne paraît pas du tout raisonnable aux professeurs. Ils envisagent une formation concrète alternée, type BEP. Mais les professeurs savent que l'élève refuse cette option. André était le professeur principal, donc c'était à lui de l'annoncer à l'élève.

 

Il poursuit :

André a dit :

J'étais extrêmement angoissé, car un élève qui de notre point de vue est dans un déni de réalité, c'est une situation très pénible pour le prof principal.

Situation très pénible… pour un 9, devoir annoncer quelque chose de difficile à un élève difficile, c'est un pléonasme. (Cela étant dit, ici encore, d'autres ennéatypes pourraient aussi dire ça.)

 

Passe le week-end, et le lundi matin, il avait les élèves 2 heures. Il voit l'élève au fond de la classe qui "fait une sale tête". Je reprends la transcription — André raconte tout cela de façon très calme et détachée (!!) :

André a dit :

La classe se passe normalement jusqu'au moment où je distribue les photocopies que j'avais préparées d'un texte de Molière, et je m'avance dans le rang. Et je le vois qui se lève du fond de la classe.

 

Je continue de distribuer et d'un seul coup, boum. Je sens un grand coup de poing — j'ai pensé que c'était un grand coup de poing — dans le ventre. Donc je me plie en deux et en me pliant en deux, je vois le couteau par terre.

La première chose que j'ai dans la tête quand je vois que je reçois le coup, et que je vois que c'est un coup de couteau, c'est soulagement infini ! Mon problème — c'est complètement idiot — mon problème d'orientation, mon angoisse, j'ai plus besoin de l'avoir puisque par ce coup de couteau, il s’exclut automatiquement de l'établissement. Terminé pour moi. Plus de problème. Content.

Réaction égotique, automatique, la première chose qu'il pense est "soulagement infini" !!!

 

Je vois ici un immense oubli de soi et l'ego uniquement concentré sur l'évitement du conflit ! Du coup, l'ego est ravi de voir le conflit disparaître (avec évidemment transe de suppression de sensation…) !

 

Puis :

André a dit :

Je ramasse le couteau, je retourne au bureau, je pose le couteau sur le bureau. Évidemment les élèves avaient vu ça, donc c'était un grand silence dans la classe, et j'ai dit : "Bon, écoutez, il faut prévenir l'administration donc il y en a un qui va descendre et puis j'aimerais bien qu'il y en ait un autre qui suive l'élève pour voir où il va' parce que l'établissement n'est pas loin du Rhône et j'avais peur qu'il fasse une bêtise. Les pompiers un moment après arrivent, ils m'ont mis dans l'ambulance et puis on est parti pour l’hôpital. Là, j'ai probablement manqué d'imagination. Je n'ai pas imaginé être en danger de mort. Je ne crois pas y avoir pensé du tout. C'est peut-être ce qui m'a joué des tours après parce qu'après j'ai bien pris conscience parce que s'il avait tapé un tout petit peu à côté, il aurait pu me percer le cœur et me tuer.

Encore de l'oubli de soi…

 

Un peu après, il poursuit sont témoignage :

André a dit :

L'élève a été mis dans un établissement pour jeunes et il a fait quand même, 8 mois de préventive. Il a fait savoir à la juge d'instruction qui l'interrogeait qu'il ne m'en voulait pas. Mais bon, c’était un petit peu typique de lui, ça voulait dire "je ne vous voulais pas de mal", voilà ce que ça voulait dire.

Fusion du prof avec son élève qui comprend et accepte tranquillement même l'incroyable projection de l'élève devant la juge !

 

Je passe la suite du témoignage où le prof raconte combien il n'en veut pas au gamin, qu'il aimerait bien le revoir… (Sur le fond, avec un vrai pardon et beaucoup de travail sur soi, pourquoi pas…)

 

Pour finir :

André a dit :

Je sors de l’hôpital au bout de 5 jours. C'était les vacances de printemps donc ça me fait une semaine de repos. J'ai repris le travail normalement après avec la classe. Je redeviens un prof tout à fait normal. Il y a des collègues qui m'ont dit : "Mais tu n'as pas peur de rentrer dans la classe ?" Ben non ? Pourquoi j'aurai peur ? (Il rigole !!) Par contre, les insomnies, oui, ça dure toujours… Ça n'a pas démarré tout de suite, ça a démarré 6 mois après, j'ai fait deux ou trois nuits blanches complètes sans dormir du tout, du tout. J'ai fait une espèce de déprime… qui était sans doute en rapport avec l'affaire. Parce que progressivement, je me suis rendu compte — mais je pense que c'est ce que chacun de nous en vieillissant prend conscience de ça, on s’aperçoit qu'on est mortel. Mais là, le coup de couteau, après coup, m'a fait prendre plus fortement conscience de ça, et donc la mort et toutes les angoisses qui peuvent accompagner l'idée de la mort, tout ça, c'est devenu beaucoup plus présent.

Encore de l'oubli de soi qui fini par remonter 6 mois (!!!) plus tard…

 

Le besoin affirmé d'être un prof "normal" même 15 jours après s'être fait poignardé par un élève !! Et aussi un instinctif qui fonctionne quand même : il retourne au boulot direct !

 

Pour terminer, le ton de l'entretien est très calme et tranquille et va dans le sens de la fierté du 9 : "Je suis bien, calme, facile à vivre"…

 

Lighyli

Lighyli – 9 mu aile 1 – C+ S- X+/=

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Fabien Chabreuil

Bonjour à tous,

 

Merci Lighyli pour ce récit. C'est effectivement un cas d'école. J'ai le vieux fantasme d'écrire un Guinness Book des manifestations des mécanismes égotiques. Je crois qu'André a gagné sa place.

 

Très amicalement,

Fabien

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