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L'optimisme du 7, pas toujours un cadeau


Etoile filante

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Amis ennéanautes, bonjour !

 

Au cours du stage Centres de novembre dernier, Fabien avait rappelé à un moment donné, en parlant du 7, que la joie et l’optimisme sont deux choses fort différentes. Ce qui semble avoir laissé perplexes certains stagiaires (genre : « si tu le dis, Fabien, c’est que c’est sûrement vrai. Mais quand même, c’est trop bizarre »). Je me permets donc de publier mon témoignage de 7 grand teint pour confirmer qu’en effet, la joie et l’optimisme n’ont pas les mêmes ressorts (d’un côté on a une émotion, de l’autre une création du centre mental) et qu’ils ne fonctionnent pas forcément à l’unisson. On peut très bien être joyeux sans raison spéciale d’être optimiste et, encore plus fort, être optimiste sans ressentir la moindre once de joie.

 

Exemple. Environ une douzaine de jours avant la date prévue pour le stage Centres mentionné ci-dessus, voilà que je tombe malade : laryngo-pharyngite. Bon, je me soigne, je me rétablis plus ou moins, sauf qu’à 3 ou 4 jours du stage, ma laryngite vire très classiquement à l’extinction de voix. Comme vous vous en doutez, je n’étais pas joyeuse du tout. Jamais marrant de ne pas être au top de sa forme, surtout quand on s’apprête à partir en stage (et pas n’importe quel stage, un stage d’ennéagramme, waouh) ! J’ai même été à deux doigts d’annuler ma participation et de la reporter à une date ultérieure.

 

C’est là qu’entre en scène l’optimisme (malgré l’absence de joie !). Je me suis très vite dit : « d’ici samedi, j’ai largement le temps de récupérer mes cordes vocales, bien sûr que oui, ça ne fait pas un pli. Oui, c’est sûr et certain, samedi prochain, tout ira bien, tout ira bien » (« tout ira bien » est l’un des mantras du 7).

 

Résultat : le samedi je n’avais toujours pas retrouvé ma voix, et le dimanche non plus. J’ai passé les deux jours de stage à croasser comme une corneille, quand j’arrivais à croasser. Très sympa ! J’aurais peut-être mieux fait de suivre ma première idée et de reporter. En fin de compte mon optimisme s’est bien planté, mais j’ai eu quand même « la joie » de faire le stage…

 

Mais hélas j’ai un autre exemple encore bien pire. Je ne suis pas fière d’en parler, car j’ai été pathétique au-delà de toute expression. Mais je raconte quand même (catharsis à la clef).

 

Il y a environ 18 ans, je reçois un coup de fil de mon amie d’enfance. Nous étions inséparables en 6e et en 5e, puis nos familles respectives ont déménagé. Nous nous sommes moins vues pour cause d’éloignement géographique mais sommes toujours restées en contact. Lors de ce coup de fil, Blandine m’apprend qu’elle a un cancer. Elle me parle de son traitement, de ses conditions de vie, de sa fatigue. De ses proches qui la soutiennent. Mais elle ne dit rien d’autre.

 

Quelques jours plus tard, je reçois une lettre de sa maman, qui m’informe que Blandine est morte. J’ai alors l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre. On ne voudra jamais me croire (je n’arrive d’ailleurs pas à me croire moi-même), mais c’est pourtant vrai : je ne m’y attendais absolument pas. Quand j’y repense aujourd’hui, je trouve ça effarant, incroyable : car pas une minute, pas une seconde, pas une nanoseconde, je n’avais envisagé que Blandine pouvait mourir. Ça ne m’avait pas effleuré l’esprit le moins du monde, j’étais persuadée qu’elle allait « forcément » guérir ! La médecine a fait tant de progrès, n’est-ce pas ? Aujourd’hui on guérit même le cancer n’est-ce pas ? (Ce ne sont peut-être pas vraiment des rationalisations, mais ça y ressemble…)

 

En fait je n’avais rien compris. Blandine m’avait appelée pour me faire ses adieux (implicitement), pour me parler une dernière fois, et sans doute « pour préparer le terrain » (quand j’apprendrais son décès). Mais comme elle ne m’a jamais dit ouvertement que c’était la fin, qu’elle se savait mourante, qu’elle allait partir, je me suis bien gardée de le deviner moi-même. Résultat, au lieu de lui exprimer, lors de cette ultime conversation, une empathie à la hauteur de la situation, je lui ai exprimé… mon indéfectible optimisme !!! Qui n’était évidemment pas d’actualité, quand on sait ce qui est arrivé peu après, et qui n’a donc servi rigoureusement à rien (sinon à me protéger, moi).

 

Bon sang, comment peut-on répéter gaillardement « Tu vas t’en sortir » à une personne qui sait déjà qu’elle ne va, justement, pas s’en sortir ? C’est même assez atroce quand j’y pense. Pourquoi n’ai-je pas eu ne serait-ce qu’un quart de seconde l’intuition de se qui se passait vraiment ? Parce que ça m’arrangeait bien sûr (compulsion d’évitement de la souffrance et de la peur). Je me sens vraiment submergée de honte à chaque fois que je repense à cet épisode. Je me dis : « C’est pas Dieu possible d’être aussi conne ! ». J’ai du lui sembler bien « légère » à ma pauvre Blandine, désinvolte, insensible, bref comme on se représente traditionnellement le 7 (tu m’étonnes !). Et moi qui étais si fière, sur le coup, de mes encouragements claironnants !

 

Cet exemple montre à nouveau qu’il existe un gouffre entre la joie et l’optimisme. Quand mon amie m’a fait part de son cancer, je n’étais pas joyeuse du tout, au contraire, mais j’étais optimiste…

 

Je suis d’autant plus accablée que Blandine méritait mieux de ma part. C’était une fille bien, calme et pondérée depuis l’enfance, tolérante, dotée d’un humour tranquille et du don rare de la délicatesse. Elle était assistance sociale, peu carriériste, et pratiquait l’ikebana depuis de nombreuses années. Je me suis souvent dit qu’elle pouvait être 9 (ce cancer, trop de colère enfouie ? Je sais qu’elle était sous Prozac depuis longtemps…).

 

Enfin, voilà qu’elle fut l’une des pires performances de ma vie, la faute à ce p… d’optimisme, tout droit sorti de la boîte de Pandore !

 

Cela m’a tout de même servi de leçon, car à présent, quand un proche m’informe de son cancer (ce qui est malheureusement arrivé deux fois depuis Blandine), je suis enfin capable d’envisager toutes les éventualités et d’avoir un comportement adapté. Pour autant qu’on puisse vraiment adapter son comportement dans ce genre de situation, en fait ce n’est pas simple du tout…

 

Indépendamment de cela, la joie peut exister sans l’optimisme. On peut par exemple être fou de joie d’avoir son bac… et s’inquiéter de la suite, ne pas être très optimiste quant à la possibilité d’intégrer la filière de son choix ou la fac de ses rêves, se dire que ça va être un parcours du combattant, etc., etc. Il y a donc de la joie, mais, pour le coup, accompagnée d’un certain pessimisme !

 

Et puis il y a tous les cas où la joie et l’optimisme se tiennent la main, ce qui explique peut-être la difficulté pour certaines personnes à différencier les deux. Par exemple, quand nous nous marions, nous sommes à la fois fous de joie (c’est le plus beau jour de notre vie !!) et incommensurablement optimistes : nous nous aimerons jusqu’à la fin des temps et triompherons ensemble de toutes les épreuves. Résultat : un mariage sur deux, ou presque, se termine par un divorce…

 

Alors que penser de l’optimisme en général, et de celui du 7 en particulier ?

 

C’est une faculté très utile quand on l’utilise à bon escient, mais qui a bien des effets pervers lorsqu’on la détourne de sa fonction d’origine pour en faire une arme de défense occasionnelle, comme c’est justement la spécialité du 7.

 

Oui, c’est une bonne chose de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, ça empêche de se lamenter sur son sort et permet de préserver le contentement nécessaire à la paix de l’esprit.

Oui c’est une bonne chose de se doper à l’optimisme, « d’y croire », quand cela peut booster la motivation et nous inciter à aller de l’avant, à entreprendre, à oser, à faire.

 

En revanche, « l’optimisme imbécile » (voir exemple précédemment cité), ce n’est rien que poudre aux yeux. C’est là tout le problème du 7, qui fait souvent une utilisation détournée de l’optimisme pour pouvoir être aveugle et sourd en toute bonne conscience devant une situation potentiellement douloureuse. Et ainsi il se ment à lui-même. Du reste je suis intimement persuadée que tous, tant que nous sommes, sommes capables de nous mentir à nous-mêmes. Certes le 3 reste le champion incontesté de la discipline, mais restons humbles, tous les ennéatypes ont leurs petites ruses pour lui emboîter le pas. Ruses d’autant plus difficiles à identifier qu’elles sont totalement inconscientes. Sauf quand l'ennéagramme nous éclaire de sa lumière!

 

Inutile de préciser que l’optimisme du 7, quand il déborde de son champ d’action « normal », n’est qu’un des multiples outils utilisés par cet ennéatype pour contourner habilement la souffrance, la peur et tout le toutim (d’ailleurs la question a déjà été soulevée sur ce forum dans la discussion “L’optimisme, une ressource pour conjurer la peur”. À ce propos, je ne savais pas s’il fallait poursuivre l’ancienne discussion ou en ouvrir une nouvelle, Fabien tu me diras. Je ne maitrise pas encore les codes !).

 

Et si j’essaie de résumer la pensée de Fabien dans l’ancienne discussion, il faut en quelque sorte distinguer l’optimisme « sain » lié à l’essence et l’optimisme « vain » lié à l’ego.

 

Une fois qu’on le sait, c’est bien. Mais éviter de retomber dans le piège, c’est autre chose…

Ego ego, quand tu nous tiens !!!

 

Bien amicalement.

Étoile Filante (E7 mu aile 6)

Si le problème a une solution, il ne sert à rien de s’inquiéter. Mais s’il n’en a pas, alors s’inquiéter ne change rien (rationalisation tibétaine).

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Bonjour à tous,

 

"Au cours du stage Centres de novembre dernier, Fabien avait rappelé à un moment donné, en parlant du 7, que la joie et l’optimisme sont deux choses fort différentes."

Dans mon souvenir, dans cette trente-neuvième session consacrée à la hiérarchie des centres comme dans les précédentes, il s'agissait plutôt de l'espérance et de l'optimisme…

 

"Ce qui semble avoir laissé perplexes certains stagiaires."

Aïe. Soit tu as fait une hallucination positive, soit j'ai fait une hallucination négative, l'ego d'un formateur ayant le fort désir d'être clair et compris.

 

Bref, cela n'enlève rien à l'intérêt du sujet. Joie et optimisme constituent l'orientation du 7. En tant que tels,

  • Ils sont donc vécus dans l'essence ;
  • Ils sont cherchés dans l'ego qui, de surcroît, en a une vision fort différente de ce qu'ils sont dans l'essence (tu peux lire “Joie de vivre dans l'ennéagramme”).

Ceci dit, le mécanisme fondateur de l'ego est la compulsion perçu comme un moyen d'atteindre l'orientation telle qu'il l'imagine. Quand donc, Étoile filante, tu ne portes pas attention à ton amie atteinte d'un cancer, tu actives ta compulsion d'évitement de la souffrance et, pour ton ego, cette non-souffrance est une sorte de joie, a minima de joie en creux, comme l'atteste le fait que tu étais "si fière, sur le coup, de [t]es encouragements claironnants". De ce point de vue, il y a malgré tout toujours un peu de joie égotique dans notre optimisme égotique.

 

De la même manière, je ne suis pas totalement convaincu dans l'autre sens. Tu cites comme exemple : "On peut par exemple être fou de joie d’avoir son bac… et s’inquiéter de la suite, ne pas être très optimiste quant à la possibilité d’intégrer la filière de son choix ou la fac de ses rêves, se dire que ça va être un parcours du combattant, etc., etc. Il y a donc de la joie, mais, pour le coup, accompagnée d’un certain pessimisme !" D'abord, tu mélanges les émotions à propos de deux événements différents. Ensuite, il y a de bonnes chances que l'ego du 7 ne plonge pas dans le pessimisme en faisant jouer le mécanisme de défense de rationalisation puisque le pessimisme serait une souffrance. S'il est mu, il peut se trouver en situation d'optimisme et de manque d'espérance. (Mince, je n'ai effectivement peut-être pas été assez clair sur le sujet en stage.) Peut-être ici une influence de ton aile 6.

 

"Alors que penser de l’optimisme en général, et de celui du 7 en particulier ?"

La question n'a donc de sens que reposée en termes d'ego et d'essence. Et donc, si je suis d'accord avec toi pour condamner "l'optimisme imbécile", je ne le suis pas avec ces deux phrases : "Oui, c’est une bonne chose de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, ça empêche de se lamenter sur son sort et permet de préserver le contentement nécessaire à la paix de l’esprit. Oui c’est une bonne chose de se doper à l’optimisme, « d’y croire », quand cela peut booster la motivation et nous inciter à aller de l’avant, à entreprendre, à oser, à faire." Dans les deux cas, c'est du travestissement de la réalité, peut-être agréable sur le plan horizontal, mais néfaste sur le plan vertical.

 

"Du reste je suis intimement persuadée que tous, tant que nous sommes, sommes capables de nous mentir à nous-mêmes."

Oui, cela a été dit plusieurs fois sur ce forum, les passions et fixations du triangle sont universelles : nous nous mentons à nous-mêmes en nous identifiant à notre ego dont nous tirons vanité, nous avons peur de nous connecter à notre essence dont nous doutons, et nous ne faisons pas grand-chose pour nous redécouvrir notre être véritable que nous avons vécu et oublié.

 

Très amicalement,

Fabien

 

P.-S. : il va sans dire qu'en tant que 7 et sans doute comme la plupart des membres de cet ennéatype, j'ai hélas aussi ignoré la souffrance d'amis pourtant proches.

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