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Cultivons le conflit pour dialoguer ensemble !


Fabien Chabreuil

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Fabien Chabreuil

Bonjour à tous,
 
Avec la description de l'ennéatype 9, l'ennéagramme nous dit qu'il ne peut y avoir d'amour de soi et des autres (son idée supérieure) dans l'évitement à tout prix du conflit (sa compulsion). Cela peut sembler paradoxal quand on découvre le modèle. Sans y faire référence, le psychothérapeute Charles Rojzman l'explique à sa manière :
 

Pour vivre ensemble, nous devrions entrer en conflit, écrivez-vous. Qu'est-ce à dire ?
Depuis trente ans que j'affine et transmets, à travers mon institut, en France ou ailleurs, ma méthode de thérapie sociale, je constate que nous vivons dans des sociétés de plus en plus violentes. Je n'entends pas par « violence » la seule agression physique mais également l'humiliation, l'indifférence, la victimisation, la culpabilisation. Cette violence est attisée par la crise que nous vivons, mais sa cause principale, à mon sens, vient de ce que nous n'avons pas appris à entrer en conflit. Le « vivre-ensemblisme » irénique que les démocraties promeuvent se traduit en vérité par un évitement permanent du conflit. Et donc par un repli de chacun sur son propre milieu. Or cette ignorance des uns par les autres crée de nouvelles violences. C'est un cercle vicieux.

Le conflit serait-il une façon de rencontrer l'autre ?
La violence naît quand je me forme une représentation de l'autre comme n'étant pas mon semblable — avec ses peines, ses souffrances, ses peurs. Que je conçois autrui comme un objet, un être inférieur ou un tyran cause de tous mes malheurs. Le conflit, lui, commence lorsque je reconnais l'humanité de l'autre.
 
[…]

Je suis convaincu que l'initiation au conflit constitue l'éducation démocratique du XXIe siècle. Cela demande d'explorer sa propre violence, d'apprendre à traverser ses peurs et aussi de savoir reconnaître la violence de l'autre quand elle est réelle. Mais c'est la seule voie qui nous permette de travailler, de vivre et de transformer le monde ensemble.

 

Très amicalement,
Fabien
 
Source : Charles Rojzman (propos recueillis par Philippe Nassif). « Cultivons le conflit pour dialoguer ensemble ! ». Philosophie Magazine. N° 108, Avril 2017, p. 33.

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Bonjour à tous,

Lors de ma première lecture des propos de Rojzman, je me suis senti très surpris, et même choqué, en particulier par sa phrase : "Le conflit, lui, commence lorsque je reconnais l'humanité de l'autre." Je me suis demandé avec désarroi pourquoi il n’avait pas employé dans ses propos, le mot "dialogue", plutôt que le mot "conflit".

Je crains les conflits, à cause des émotions fortes qui pourraient survenir en moi, torrents d’émotions "violentes" et tourbillons de tourments qui s’ensuivent pendant des heures, voire des jours. J’ai tissé un lien inconscient entre "conflit" et "violence". Or, ce ne sont pas mes émotions qui sont violentes, mais moi-même qui me sens impuissant — donc violent — face à ces émotions, que je n’accepte pas.

Pourtant j’ai parfois donné mon point de vue et déclenché des conflits, sans ressentir de violence ; et ma pratique occasionnelle de la Communication Non Violente n’a pas empêché des conflits animés et restés sans solution (mais sans amertume). J’aurais donc dû invalider ce lien entre conflit et violence. Je ne l’ai pas invalidé, car il était resté inconscient. Par la distinction qu’il opère entre ces deux concepts, Rojzman m’aide à défaire ce lien. Donc merci à Fabien pour ce partage.

Revenons maintenant à cette phrase qui me turlupine : "Le conflit, lui, commence lorsque je reconnais l'humanité de l'autre."

Lorsque je reconnais la souffrance, les peurs, les faiblesses et les forces de l’autre — l’Ennéagramme m’aide à les reconnaître —, deux scénarii sont possibles. Dans le premier, porté par ma curiosité, mon empathie ou ma compassion, j’entre en contact avec lui. Dans le second, ma peur m’inhibe et je me sens partagé, je vis un conflit interne : est-ce que je lui donne mon sentiment et mon point de vue ou pas ? Et souvent, sous l’effet de ma peur d’émotions imprévues et de mon manque d’espérance, auxquels se mêlent un sentiment d’impuissance (donc de la violence) et d’indifférence (donc un manque d’amour), indifférence à la fois protectrice et douloureuse, je me détache et ne lui donne ni mon sentiment, ni mon point de vue. J’évite ainsi un conflit externe… Mais pas la violence. J’ai vécu cela au moins à quatre reprises hier, avec trois personnes différentes. Mes sentiments et points de vue m’apparaissaient très clairement et je ne les ai pas donnés. Hier soir, je me sentais déçu et en colère contre moi-même.

Je ne sais si les 9 vivent les mêmes phénomènes. Théoriquement il y a deux scénarii possibles : mon point de vue est très clair et je ne le donne pas ; et je ne donne pas mon point de vue, car je ne le connais pas. J’ai remarqué ces deux scénarii chez mon père, 9 alpha. Avez-vous aussi déjà vécu ces deux scénarii , amis 9 ? J’ai aussi remarqué chez mon père, que parfois, après m’avoir donné son point de vue, et alors que je m’étonnais de ce point de vue extrême et exprimais mon étonnement par mon regard, il en trouvait aussitôt un autre, apportant du nouveau à son premier point de vue, comme si ses paroles et notre échange de regards avaient libéré quelque chose en lui. Avez-vous déjà vécu ça aussi, amis 9 ?

Amicalement,
Yves

P.S. : "Je suis convaincu que l'initiation au conflit constitue l'éducation démocratique du XXIe siècle." Un jour, j’ai entendu dans une émission de France-Culture (je ne sais plus laquelle), qu’à son origine, le mot grec "demos" désignait le partage d’un champ entre deux paysans. Qui dit "partage" dit "désaccord potentiel", donc conflit possible. Je n’ai jamais oublié cette ancienne définition… C’est probablement un 5 qui a inventé les clôtures. :wink:

Yves (E5 alpha, ailes 4 et 6, C- S= X-/+)
"Attendre d'en savoir assez pour agir en toute lumière, c'est se condamner à l'inaction." (Jean Rostand)

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Bonjour,

 

Merci pour ce partage Fabien. Il me touche car en tant que 6 voulant éviter la déviance, je n'aime guère les conflits non plus.

 

Quand je suis 100 % dans mon ego, dans la peur de la déviance, je  suis centrée sur moi, j'ai peur de l'autre, je ne fais pas confiance dans sa capacité à me comprendre à m'accepter telle que je suis, je ne le vois pas comme quelqu'un capable de bienveillance. Oui je peux dire que cela signifie que  je le "conçois comme un objet, un être inférieur ou un tyran cause de tous mes malheurs." Ou à l'inverse, ma naïveté m'empêche "de savoir reconnaître la violence de l'autre quand elle est réelle".

 

Je ne tiens  pas pour autant compte de mes besoins puisque je me raccroche à une pensée ou un principe porté par mon groupe ou que je pense être porté par mon groupe. Je ne fais pas confiance dans ma capacité à me comprendre,  à m'accepter telle que je suis; il me manque de la bienveillance envers moi-même. Je me "conçois comme un objet, un être inférieur ou un tyran cause de tous mes malheurs."

 

Dans le même ordre d'idée, je lisais ce week-end un article de Cerveau et  Pyscho sur les conditions pour  créer de l'intelligence collective : la peur du conflit empêche les décisions fondées car "les gens s'imaginent à tort que des conflits de point de vue brisent la cohésion. Ils confondent le débat d'idées et le conflit des personnes."

 

Bien cordialement,

Rosso

 

Source : Dominique Oberlé interviewé par Sébastien Bohler, "Bien raisonner ensemble s'apprend", Cerveau et psycho, n° 78, juin 2016, p. 44-47.

Rosso - E6 alpha, C++ S-/+ X-/+, Aile 5

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