Face aux perfectionnistes incompétents

[Sixtrouille]

Salut à tous,

 

Dans le cadre d'un projet, je travaille avec un chef de projet perfectionniste. Quoi de pire qu'un perfectionniste ? Un perfectionniste incompétent !

 

Il s'occupe des détails, de la virgule qui manque sur les slides, du timing à la minute près, a beaucoup de mal à entendre les suggestions, à saisir et à garder en tête le sens du travail. A pain in the ass disent vulgairement les Américains.

 

Avez-vous déjà eu ce genre de « fréquentation ? » Comment y avez-vous réagi ? Pour ma part, je réfléchis à mettre fin à la collaboration. En effet, en tant que 6, j'ai déjà du mal à reconnaitre mes compétences à leur juste valeur. Il est donc vital pour moi de ne pas me retrouver dans un environnement qui me tire vers le bas, qui me ratatine.

 

Au plaisir de vous lire,

Bien cordialement.

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Sixtrouille,

 

Je n'en ai rencontré qu'en tant que subordonnés. La situation est alors plus facile… surtout quand on a une aile 8 ! 

 

Je n'ai malheureusement pas d'autre témoignage.

 

Très amicalement,

Fabien

[Isabelle P]

Bonjour Sixtrouille,

 

Dans le cadre d'un projet, je travaille avec un chef de projet perfectionniste. Quoi de pire qu'un perfectionniste ? Un perfectionniste incompétent !

Quelle est ta relation hiérarchique avec ce chef de projet ? As-tu la possibilité d'intervenir sur la définition et la gestion des priorités ?

 

J'ai envie de te répondre qu'un arbre cache sans doute la forêt et que s'il se focalise à ce point sur les détails, c'est qu'il ne sait peut-être pas où il va, et que la vision stratégique d'ensemble lui échappe… Peut-être que les autres membres de l'équipe pourraient intervenir et l'aider à ce niveau ?

Avez-vous défini les rôles de chacun et les objectifs à atteindre de manière claire et précise ?

 

Personnellement, je considère le perfectionnisme plutôt comme une qualité, à la condition que cela ne nuise pas à l'efficacité globale du projet, en l'occurrence respecter le timing, les engagements vis à vis des tiers, les objectifs fixés, etc.

 

Face à ce type d'individu, j'éprouve plutôt de la compassion car dans le perfectionnisme il y a souvent l'expression maladroite d'un besoin plus fondamental non exprimé. Tout en respectant son pointillisme, j'essaie d'identifier ce besoin et de l'amener à prendre du recul et à se satisfaire des éléments positifs déjà acquis. Pas toujours facile…

Il me semblerait pertinent d'éviter de souligner que ces détails n'ont pas d'importance, car ils en ont à ses yeux. Une fois la chose admise, on peut alors essayer de lui faire entendre qu'il y a également d'autres éléments essentiels à ne pas négliger dans la conduite du projet.

Je ressens en général plus d'irritabilité vis-à-vis de quelqu'un de laxiste qui néglige trop les détails. 

 

Il m'arrive de passer des heures à retravailler des mises en page de documents et chipoter pour des types ou tailles de polices mais lorsqu'il s'agit d'un travail d'équipe, je n'impose pas ce type d'exigences. Je fixe un cadre dès le départ et essaie de m'y tenir, même si le résultat final n'est pas aussi "parfait" que je l'aurais souhaité.

Quel est selon toi l'ennéatype de cette personne ? (Un 1 dans sa fixation ou un 8 en perte de contrôle ?)

 

Bonne journée,

Isabelle

[Jérôme]

Bonjour Sixtrouille,

 

Ta courte description me fait bien entendu penser à un 1 mais dans le fond, il doit aussi pouvoir exister neuf bonnes raisons d'être perfectionniste ?

 

As-tu une idée du type de cette personne ? Cela peut peut être te donner quelques clés de communication ou d'attitude si ta décision n'est pas déjà prise.

 

Bien amicalement,

Jérôme

[Isa63]

Bonjour Sixtrouille, et tous les autres,

 

Ton message m'interpelle !

 

Perfectionniste, oui, je connais vraiment bien, puisque je suis 1 et qu'empoisonner le monde avec mes détails et mon sens de la rigueur, ça me parle ! Je sais faire ! Ou du moins, j'ai su très bien faire et, peu à peu, j'ai appris à "diluer" (le retour de mon entourage va dans ce sens) mes exigences… sans en souffrir ! D'autant que les détails, comme tu dis, ne sont pas vus de la même façon par chacun…

 

J'ai appris à accepter que les choses ne soient pas forcément faites comme j'aime, sans sentir une énorme colère m'envahir… avec toute la tension intérieure qui va avec. On croit être tolérant, on croit "ravaler" sa colère ! Mais elle se voit tellement… 

 

À partir du moment où l'on a pris conscience que cette façon de fonctionner pouvait aller jusqu'à exclure les autres et croire qu'on les voyait comme "incompétents", je t'assure que cela libère et laisse un peu plus de place… à tout le monde et en premier, à soi-même…

 

La personne que tu côtoies n'a sûrement pas conscience de son "handicap". Crois tu qu'elle est 1 ?

 

Je comprends vraiment ce que tu ressens, puisque j'ai pas mal d'amis 6 qui ont su aussi me renvoyer ma rigidité et la façon dont ils pouvaient me ressentir à leurs côtés. Peut-être qu'en tant que 6, une telle critique augmente votre capacité à douter ?

 

À partir du moment où tu te dis que cette personne est "victime" de son perfectionnisme et qu'elle ne le sait même pas, peut-être pourras tu t'en détacher un peu ?

 

Je connais une 1 qui est épouvantablement rigide ! Avant de connaitre l'Ennéagramme, nos deux rigidités "s'entrechoquaient", et bien entendu, ni elle ni moi ne pouvaient lâcher… Depuis que je la regarde autrement, sa rigidité ne me dérange plus. Je me dis qu'elle en est "victime" et qu'elle doit vraiment souffrir… Je sais qu'elle cherche à faire de son mieux avec ses propres valeurs.

 

Je t'assure que c'est un réel handicap qui empoisonne sa propre existence, que derrière son perfectionnisme, il y a une énorme colère dont cette personne n'explique même pas la présence… Mais elle est là, et elle gouverne. En silence, elle ronge…

 

Entre 6 et 1, tu sais qu'il y a des ressemblances. Le 6 peut avoir aussi un côté rigide, et entre 6 et 1, parfois, cela peut être bien tendu ! (Une de mes amies 6 qui a fait un travail en thérapie m'a avoué avoir travaillé par rapport à moi, tellement ma rigidité la dérangeait…)

 

En fait, je crois que pour apprendre à fonctionner avec un perfectionniste, il est nécessaire de faire preuve de patience, de calme, tout en sachant parler directement. Et peut être sans douter ? Là, je sais que cela peut être difficile pour toi !

 

Savoir mettre les mots… C'est important ! Savoir dire "moi, je ne vois pas les choses comme ça, et en faisant à la manière qui me convient, je pense que cela peut fonctionner aussi bien…" Là, si la personne dont tu parles est 1, elle sera peut être sensible au fait qu'il est possible de faire autrement, en prenant les autres en considération, sans forcément faire moins bien…

 

J'ai constaté cela dans l'équipe dans laquelle je travaille. Avec le recul maintenant, lorsque je suis arrivée dans cette équipe, j'étais relativement tendue (alors là, tout le monde peut mettre les mots qu'il veut : agressive, rigide, froide, distante… j'en passe et des meilleurs !) par souci de faire mon travail le mieux possible, de m'améliorer parce que c'était un nouveau service qui demandait beaucoup d'adapation, avec une part de stress qui n'est pas négligeable. Il faut plus d'une année d'adapation pour se sentir opérationnel, et se sentir incompétent au quotidien est insupportable (quelque soit l'ennéatype !).

 

Bien entendu, je souhaitais aussi être acceptée dans cette équipe ! Malheureusement, j'étais tellement dans l'autocritique, que je prenais n'importe quelle remarque pour une agression ! À commencer par les miennes…

 

Avec la découverte de l'Ennéagramme (et l'expérience acquise), j'ai pu prendre un grand recul et accepter toutes les remarques, accepter aussi que j'avais des choses à apprendre et que ce n'était pas une tare ! Accepter que chacun fonctionne avec ses automatismes dont il n'est pas conscient et que ce n'est pas forcément dirigé contre moi… Du coup, j'ai eu le sentiment que tout autour de moi se détendait (sûrement aussi à l'intérieur de moi…), et je sais maintenant que j'ai ma place dans l'équipe. Nous rions beaucoup de nos "défauts" et nous savons mettre les mots sur ce que nous faisons de bien et de moins bien.

 

Bien entendu, ça fait mal, très mal, de lâcher, et cette personne ne pourra peut être pas le faire… mais à force, peu à peu, cela peut peut-être t'aider toi, (et c'est là, la priorité) parce que tu auras quand même l'occasion de t'exprimer, et pour ton collaborateur, ton calme et ta persévérance l'interpelleront peut-être…

 

Je comprends que tu ressentes en retour une certaine incompétence… En fait, ton chef de projet ne le sait même pas ! S'il le savait, il en serait peut être désolé ! Il veut tellement bien faire, tellement mieux faire, qu'il souhaite aussi, sans le savoir vraiment, que tu t'améliores… même si tu n'as rien demandé ! Pour lui, il n'y a que cette voie-là…

 

Avec douceur toujours, savoir dire que tu sais faire et que tu as compris où il voulait en venir, le rassurera peut-être. En tous cas, oui, il me semble important que tu ne te sentes pas "tirée vers le bas" ! Il ne doit pas se douter que tu ressens cela, que son exigence t'écrase à ce point…

 

Voilà, ce que le mot perfectionniste m'a inspiré. Je ne sais pas du tout si cela peut correspondre à la situation réelle ? J'espère que mon témoignage t'éclairera un peu… En tout cas, je trouve que ça vaut le coup d'essayer, non ?

 

Bon courage !

Amicalement,

Isabelle

[Sixtrouille]

Salut à tous,

 

Merci pour vos réponses et vos propositions. Cela m'amène à clarifier mon propos. J'ai déjà eu l'occasion de travailler avec des perfectionnistes (1 ou pas) et je peux l'être moi-même. Jusqu'à maintenant, je suis arrivée à négocier, à accepter les bonnes améliorations, et à dire stop quand le pinaillage me paraissait trop important.

 

Avec un incompétent, c'est autre chose. Certes, nous avons tous été incompétents et continuerons de l'être sur certains sujets. Nous ne sommes pas nés compétents mais le devenons ! Comme tu le précises Isabelle, "il lui manque la vision stratégique", mais plus encore. Selon moi, ici l'incompétence est un symptôme d'un dysfonctionnement de l'organisation.

 

Comme le dit souvent Fabien, le 6 a du mal à reconnaître ses compétences. La rencontre avec cette personne a été très positive pour moi. Grâce à son incompétence sur plusieurs domaines du projet, ma compétence m'a sauté aux yeux. Cela m'a permis de faire un bilan, de me rendre compte que je me positionnais en dessous de mes compétences, et d'entamer des actions pour que cela cesse.

 

Vive les incompétents ! Une médaille pour les incompétents perfectionnistes !

 

Bien à vous.