L'ennéagramme, ce n'est pas son truc… Comment aborder cela autrement ?

[Tharros]

En concluant mon travail de typage, j'ai évoqué un problème avec ma femme…

 

Voilà quelques temps (un peu moins de deux ans) que j'essaye de sensibiliser et d'intéresser ma femme à l'ennéagramme. Ce fut difficile… Ces derniers mois, nous avons, à différentes occasions, échangé avec plaisir sur les hypothèses de typage d'ami(e)s proches… Le signe était positif mais tout s'est effondré récemment ! (Ne vous inquiétez pas, je garde l'espoir et serais patient.)

 

Fin décembre, premier aveu (encourageant) :

 

Elle : « Cela m'intéresse si cela peut m'aider, mais je ne me vois pas investir du temps dans la compréhension du mécanisme. »

Moi : « Pas de problème, ma chérie, je maîtrise la mécanique ; tu n'as pas besoin pour l'instant de t'y plonger, il suffit juste que tu répondes à mes questions. »

 

Il faut dire que jusqu'à ce moment, fort de ma leçon auprès des Chabreuil, j'essayais de sonder ses motivations profondes, mais me heurtais à des « je ne sais pas », « dans ce cas, oui mais dans l'autre, non », « ça dépend du contexte »…

 

Le travail était d'autant plus difficile que je me cherchais moi-même.

 

Cependant, dès que j'y ai vu un peu plus clair, j'ai approfondi son cas, en particulier en naviguant entre les livres de nos amisnateurs et le forum.

 

Mes premières analyses la positionnaient dans les instinctifs. Pas 9 car elle est plutôt du style tendu, lâchant régulièrement ses colères agrémentées de quelques mots délicats (à la manière des 8), des grands principes, de l'excès dans ses propos et ses activités, à toujours faire quelque chose (en tant que 6 alpha, cela m'épuise parfois de la voir s'agiter, mais heureusement qu'elle est là avec nos deux petits anges-démons) ; j'hésitais donc entre le 8 et le 1, mais elle doute trop d'elle-même, ne teste pas à la manière des 8 (je remercie au passage Aurore pour ses nombreux partages d'expériences). Resterait donc le 1 : mais elle n'en a pas la crispation, ne regrette pas ses colères (au contraire) et ne se considère pas perfectionniste dans tous les domaines.

 

Heureusement, le travail de typage de Jorune et les questions d'Aurore sur le 6 mu) m'ont éclairé (sur ma femme, et, en fait, sur moi aussi).

 

Je suis 6 alpha et ma femme 6 mu.

 

Cette hypothèse semble expliquer certains de nos différends (présentés de manière caricaturale ci-après) : son agitation face à mon inertie, sa planification face à mon refus de tout cadre et de toute contrainte (côté MBTI : je suis Perception et elle, Jugement)…

 

Je nous imaginais plus différents que cela ; en plus, dans les livres, ils disent que deux types 6 ensemble, ce n'est pas la joie… (je vous rassure, ne partageant a priori pas les mêmes sources de stress et d'inquiétude, nous n'avons jamais dérivé ensemble dans le doute).

 

Avant-hier, un avis tranché tombe.

 

Fort de mon récent typage, je lui fait part de mon analyse de problèmes rencontrés à mon travail et d'un échange un peu vigoureux survenu la veille.

 

Moi : « Ma chérie, ce que je viens de te raconter semble te plonger dans une profonde réflexion. »

Elle : « Ce que tu me racontes est trop compliqué. Cela prend trop de temps. Cela ne m'intéresse pas. Je n'ai jamais trouvé de plaisir à l'analyse personnelle. Cela me fait perdre du temps ; je ne me vois pas progresser. Je ne suis pas "outillé" pour en tirer quelque chose [explication : elle doute énormément sur sa capacité à progresser ; elle trouve d'ailleurs de nombreux exemples (je démonte les premiers mais à la fin, je vois qu'il ne faut pas insister]. Je préfère faire du sport. Peut-être un jour, si j'ai du temps libre [traduction : jamais ; elle trouve toujours quelque chose à faire, des obligations et des devoirs à accomplir ; de mon côté, j'ai peut-être une fâcheuse tendance à ne rien considérer comme obligatoire.]. »

Moi : « Je ne comprends pas comment, alors, tu étais prête à aller voir un psy. »

Elle : « C'est différent ; c'est remboursé par la sécu.  Et puis, je préfère vraiment faire autre chose. »

 

EFFONDREMENT intérieur.

 

Cinq secondes plus tard : en mon for intérieur, je me suis dit que je prendrai le temps de lui faire part de quelques simples analyses me concernant, et surtout montrer que ce travail m'aide à évoluer [même si je vois déjà ses contre-arguments].

 

Vous aurez peut-être une dernière question : pourquoi persévérer à l'amener à l'ennéagramme ?

 

Peut-être que la théorie de l'ennéagramme n'est pas complète, voire fausse [doute méthodique du 6] ; peu importe, son approche, sa terminologie et sa structure m'ont aidé dans mon auto-analyse et dans la compréhension de mon fonctionnement ; je souhaiterais en faire profiter ma femme, car elle a un déficit de confiance marqué et manque de sérénité avec nos deux petits enfants (quel que soit mon degré d'investissement pour la décharger car elle trouve toujours de nouvelles sources d'inquiétudes les concernant).

 

Une autre raison serait de voir si mon hypothèse tient toujours après son travail sur elle-même (et ainsi lever mes doutes) ; il ne s'agit pas que d'un intérêt intellectuel, mais aussi d'un travail d'acceptation et de compréhension de nos différences.

 

Comment aborder ce type de personnalité face à une démarche de connaissance de soi et des autres ? Laisser passer quelques années…

 

Merci de votre retour.

[Fabien Chabreuil]

Bonjour Tharros,

 

"Fin décembre, premier aveu (encourageant). Elle : « Cela m'intéresse si cela peut m'aider, mais je ne me vois pas investir du temps dans la compréhension du mécanisme. »"

Pour moi dont c'est le métier, je n'aurais pas trouvé cette phrase encourageante. En effet, quand quelqu'un n'est pas prêt à investir du temps, c'est le plus souvent un signe qui ne trompe pas : changer, oui, si une baguette magique est disponible, mais quand à travailler pour le faire… L'acceptation éventuel d'un psy "remboursé par la sécu" (et dont je soupçonne qu'on espère qu'il fasse la plus grande part du boulot) va dans le même sens.

 

"Moi : « Pas de problème, ma chérie, je maîtrise la mécanique. »"

Pour quelqu'un qui n'avait fait qu'un stage de Bases, c'est un beau moment de confiance en soi… 

 

"Il faut dire que jusqu'à ce moment, fort de ma leçon auprès des Chabreuil, j'essayais de sonder ses motivations profondes, mais me heurtais à des « je ne sais pas », « dans ce cas, oui mais dans l'autre, non », « ça dépend du contexte »…"

Si elles ne sont pas l'expression d'une mauvaise volonté ou à une très grande méconnaissance de soi, de telles phrases poussent à envisager le triangle avec les changements apparents de personnalité dus à la répression du centre préféré.

 

"Peut-être que la théorie de l'ennéagramme n'est pas complète, voire fausse [doute méthodique du 6] ; peu importe, son approche, sa terminologie et sa structure m'ont aidé dans mon auto-analyse et dans la compréhension de mon fonctionnement."

100% d'accord.

 

"Comment aborder ce type de personnalité face à une démarche de connaissance de soi et des autres ? Laisser passer quelques années…"

Une personne ne peut être motivée que par la recherche de quelque chose ou l'évitement de quelque chose.

Chez ton épouse, l'Ennéagramme ne déclenche visiblement pas une motivation de recherche par lui-même ; une motivation de ce type peut quand même apparaître par amour et/ou loyauté à ton égard, ou simplement en constatant ta propre évolution positive (toujours le meilleur des prosélytismes). Tu peux peut-être aussi trouver un autre contexte de sa vie où l'Ennéagramme lui serait agréablement utile, son travail ou un centre d'intérêt quelconque.

L'évitement ne peut, lui, venir que de l'inconfort de sa propre situation, et notamment des problématiques de son type que tu décris ("déficit de confiance marqué et manque de sérénité").

 

Très amicalement,

Fabien

[Jorune]

Bonjour Tharros,

 

Je souhaite juste t'indiquer que le désintérêt de ton épouse pour les questions psychologiques ne fait pas d'elle une 6 mu exceptionnelle ! J'ai moi-même ignoré ce genre de disciplines pendant fort longtemps…

 

Etre 6 mu, c'est avoir un centre émotionnel réprimé. La question est : pourquoi le centre émotionnel est-il réprimé ?

 

Je vais te donner deux des raisons qui ont fait que j'ai boudé mon centre émotionnel pendant longtemps. Je ne dis pas que ta femme "partage" ces opinions, c'est juste à titre d'exemple…

1. Les sentiments tuent la raison.
   Damasio appelle cela l'erreur de Descartes. En attendant, Descartes est plus enseigné que Damasio.
   
2. Si tu as l'occasion de lire un jour Dune de Frank Herbert, voici la devise d'un ordre religieux dans cet univers de SF : "Je ne connaîtrais pas la peur, la peur tue l'esprit."
   Splendide illustration de la témérité, n'est-ce pas ?
   J'ai longtemps cru que cette allégation était vraie…
   

Par ailleurs, il y a l'effet ORANGE. Mon mari m'a demandé quel était son type, et je lui ai dit : "Je l'ignore et je n'ai pas cherché à le déterminer." Il a été déçu… Et pourtant, même si je pense qu'il a un centre instinctif très développé et qu'il peut être 8 (ie : le type 8 est un candidat à ne pas exclure), je ne pense pas avoir la capacité de déterminer objectivement son type et je pense que c'est à lui de faire le travail. Et là, il n'a pas le temps… Ce soir, c'est plongée niveau II ! "Quand on n'a qu'une vie, on n'a pas de temps à consacrer à ce genre de choses !"

Je ne vais pas obliger mon mari à chercher un type qu'il ne veut pas connaître…

 

Te souhaitant une très bonne soirée,

Cordialement,

Jorune

[Fabien Chabreuil]

Bonjour à tous,

 

"Damasio appelle cela l'erreur de Descartes. En attendant, Descartes est plus enseigné que Damasio."

On peut aller loin comme cela. La création du monde de la Genèse est plus enseignée que les théories de Darwin. Plus de gens ont vu des albums de Tintin que des tableaux de Chagall. Etc.

 

Très amicalement,

Fabien

[Thierry]

Bonjour à tous,

 

Je souhaite juste t'indiquer que le désintérêt de ton épouse pour les questions psychologiques ne fait pas d'elle une 6 mu exceptionnelle ! J'ai moi-même ignoré ce genre de disciplines pendant fort longtemps…

J'ai également longtemps ignoré ce genre de disciplines. Au fond, j'étais effaré de voir à quel point les gens pouvaient se laisser aller à leurs émotions, et je me cantonnais à des disciplines techniques, trouvant les gens trop compliqués. Curieux et éclectique de nature, j'ai fini par aborder certaines de ces disciplines. Mon désintérêt n'était donc pas aversion. Il convient en effet de distinguer les deux !

 

À mon avis, tout type peut être désintéressé et même rebuté par ces disciplines. Il est probable que les types qui privilégient le centre émotionnel considérent que les émotions se vivent plus qu'elles ne se "décortiquent", et donc développent plus facilement une aversion.

 

Cordialement,

Thierry

[Sevan]

Bonjour à tous,

 

@ Tharros

J'ai la chance d'avoir une femme qui s'est intéressée à l'Ennéagramme, et je peux discuter et partager avec elle sur le sujet. D'autres proches en revanche ne veulent pas connaître le modèle. C'est leur choix et, comme le dit Jorune, on ne peut pas les forcer.

Cependant, comme le dit Fabien, ton évolution sera peut-être le facteur d'un nouveau point de vue ou d'un intérêt pour le modèle de la part de ta femme. Et d'autre part, certaines personnes de mon entourage, constatant que je continuais les stages, s'y sont intéressé "après coup". Donc laisser passer un peu de temps et voir comment ça se passe, c'est pas une mauvaise idée. 

 

@Jorune

Je souhaite juste t'indiquer que le désintérêt de ton épouse pour les questions psychologiques ne fait pas d'elle une 6 mu exceptionnelle ! J'ai moi-même ignoré ce genre de disciplines pendant fort longtemps…

Si j'ai bien compris ce qu'écrit Tharros, sa femme ne se désintéresse pas totalement de l'Ennéagramme puisqu'une de ses premières réactions fut "cela m'intéresse si cela peut m'aider". Ni des "questions psychologiques" puisqu'elle a envisagé, au moins temporairement d'aller voir un psy.

Par ailleurs je ne comprends pas précisément ce que tu entends par "ce genre de disciplines". Est-ce l'Ennéagramme, est-ce les psychothérapies en général, est-ce les méthodes de développement personnel, est-ce des méthodes faisant appel au centre émotionnel ?

 

@Thierry

Mêmes interrogations : en citant Jorune et en parlant toi-même d'un désintérêt provisoire pour "ces disciplines", de quelles disciplines parles-tu ?

 

Merci d'avance pour vos précisions.

 

Amicalement,

Sevan

[Thierry]

Bonjour Sevan,

 

Si j'ai bien compris ce qu'écrit Tharros, sa femme ne se désintéresse pas totalement de l'Ennéagramme puisqu'une de ses premières réactions fut "cela m'intéresse si cela peut m'aider". Ni des "questions psychologiques" puisqu'elle a envisagé, au moins temporairement d'aller voir un psy.

Certes, son épouse est 6, pas 9, mais bon, dans le genre résistance passive, ce serait pas mal, non ? 

 

@Thierry

Mêmes interrogations : en citant Jorune et en parlant toi-même d'un désintérêt provisoire pour "ces disciplines", de quelles disciplines parles-tu ?

Graphologie, gestuologie, A.T. (analyse transactionnelle). J'ai zappé sur la PNL (trop orienté résultats rapides plutôt que travail en profondeur)… N'oublions pas l'ennéagramme et la SD.  On peut remarquer que je privilégie les approches qui recherchent plus les congruences, les cohérences que d'hypothétiques vérités.

 

Amicalement,

Thierry

[Aurolaf]

Bonjour Tharros et les autres lecteurs,

 

"Comment aborder ce type de personnalité face à une démarche de connaissance de soi et des autres ? Laisser passer quelques années…"

Oui ! Patience et longueur de temps etc.

 

Je ne peux que te proposer l'exemple de mon mari 6 mu.

 

Il a adopté au départ (en 2005) une attitude polie vis à vis de l'Ennéagramme en raison des changements positifs qu'il voyait sur moi. Il est toutefois resté méfiant (on ne sait jamais, Fabien pourrait être un grand gourou maléfique ! ).

 

Il a ensuite eu une phase rejet car j'ai mis trop d'excés à lui "vendre" le modèle.

 

Depuis un an environ, il est un devenu un "passionné" (pas encore formé) de l'Ennéagramme car il a vu le bénéfice qu'il pouvait en retirer en terme de management : il me présente presque toutes les semaines des cas de collègues pour lesquels il me demande un typage et des clés de communication.

Récemment, un changement de DG l'a fortement stressé (il avait l'habitude des DG 8 et, là, ce n'était pas un 8, ce qui l'a fortement inquiété… il avait perdu tous ses repères !). Le fait de trouver le type et de comprendre les mécanismes du nouveau DG a apaisé ses peurs, doutes, suspicion. Il s'est à nouveau senti en sécurité ! Il m'a même dit qu'il commençait à envisager l'idée de faire les formations  tant il trouve les "applications" intéressantes (même si, pour l'instant, il ne s'en sert pas pour analyser ses propres mécanismes).

 

La compétence et la patience finissent par porter leurs fruits !

 

Amicalement,

Aurore

[Jorune]

Bonjour Sevan,

 

Par ailleurs je ne comprends pas précisément ce que tu entends par "ce genre de disciplines". Est-ce l'Ennéagramme, est-ce les psychothérapies en général, est-ce les méthodes de développement personnel, est-ce des méthodes faisant appel au centre émotionnel ?

À vrai dire, c'est un peu tout cela. Quand tu écartes un domaine comme j'ai pu l'écarter (par exemple quand tu écartes les sciences en général), tu ne feras pas la distinction entre la physique quantique, la théorie de la relativité générale, l'optique, et les autres domaines proches comme la chimie et la biochimie.

 

Ainsi, tu diras, j'ai cessé de m'intéresser à la physique en 5e comme je pourrais dire : pendant longtemps, les seuls aperçus que j'ai eu de la psychologie ont été le cours de philosophie de terminale (où on a abordé Freud) et les tests de personnalités des magazines féminins que je feuilletais (faute de mieux) en attendant mon tour chez le coiffeur !

 

Cordialement,

Jorune

[Tharros]

Bonjour à tous et merci de vos réactions.

 

J'ai choisi la patience ; néanmoins, elle me pose régulièrement des questions sur le type possible des personnes de son entourage professionnel (c'est bon signe) ; en plus, elle m'a offert le stage Centres ! (Une manière de l'engager.  PS : ce n'était pas l'objectif.)

 

La dernière : très soucieuse d'accompagner au mieux nos enfants, elle m'a demandé de typer ma fille de 4 ans (le petit a 2 ans, c'est encore trop tôt, il ne parle pas mais je le soupçonne d'être instinctif ). Pour cela, je me suis beaucoup appuyé sur les échanges de Fabien et Aurore sur son petit 7 : en effet, j'ai peut-être une petite 7 à bord avec toutes les qualités soulignées par Aurore dans ses messages. 

 

En tous cas, l'intérêt est là chez ma femme ; il ne manque plus que l'investissement-temps personnel ! 

 

Bonne soirée à tous.