Scroll To Top

Lady Chance
Analyse

Complément : les personnalités de ce film sont encore mieux comprises en utilisant en parallèle l’Ennéagramme et la Spirale Dynamique. On peut consulter une analyse du film faite à l’aide de ce dernier modèle.

Lady Chance : Bernie LootzBernie Lootz (William H. Macy) : 9

Pendant la première moitié du film, Bernie manifeste de manière poignante le désespoir typique d’un 9 désintégré. Profondément seul, n’arrivant "même plus à se rappeler ce qu’on éprouve sous les caresses d’une femme", il n’attend rien de la vie. Quand dans la rue, Natalie lui lance "j’te paye un verre", il se retourne pour voir à qui elle s’adresse. Dans le café, elle veut faire son thème astrologique, mais il n’en voit pas l’intérêt : "J’en connais déjà l’aboutissement. […] Il ne peut être que mauvais." Plus tard, Natalie dira : "C’est la première fois que je rencontre une personne qui se déprécie autant." Quand quelque chose de bon lui arrive, comme rencontrer Natalie, il est persuadé qu’il va "le payer un jour".

Passion de paresse oblige, Bernie ne sait pas très bien ce qu’il veut faire de sa vie, mais il sait ce qu’il ne veut plus faire : porte-scoumoune au Shangri-La. Quoi que Shelly tente pour le convaincre, il y oppose toute la force d’inertie du 9 : "Je te l’ai dit : ‘Lundi, je ne serai plus là.’"

Bernie évite toute forme de conflit. Un soir qu’il rentre au motel, il croise un homme qui rentre chez lui avec une prostituée : "Dites, on a mélangé notre linge la dernière fois. Il faudrait que…" Comme l’homme lui fait un doigt d’honneur, il s’éloigne immédiatement. Il est sans doute la seule personne qui s’oppose à Shelly sans que cela provoque cris et injures de sa part. À peine affirme-t-il une position qu’il est déjà prêt à reculer :

  Bernie : Natalie, je veux que tu viennes avec moi.
  Natalie : Oh Bernie…
  Bernie : Excuse-moi. Je ne veux pas te bousculer.

Mais c’est à propos de sa jambe estropiée que la fixation d’oubli de soi est la plus stupéfiante :

  Bernie : J’avais mis Shelly dans une position vraiment délicate. Je lui en veux pas pour ce qu’il m’a fait.
  Natalie : Quoi ?
  Bernie : [Il montre sa jambe]
  Natalie : Ton genou ? [Bernie hoche la tête en signe d’approbation.] Shelly t’a fait ça, c’est vrai ? [Bernie approuve à nouveau.] Il t’a tiré dessus ?
  Bernie : Non. Une batte de baseball. Je m’en suis assez bien tiré.
  Natalie : [Indignée] Tu t’en es assez bien tiré. Mais qu’est-ce que ça veut dire ça ?
  Bernie : J’étais devenu incontrôlable.
  Natalie : Ce mec t’a mutilé ! Ah putain…
  Bernie : Écoute bien. Ce qu’il m’a fait, je lui en suis reconnaissant. Crois-moi, je suis tout à fait sérieux. Sincèrement. Chaque fois que j’ai une envie violente de jouer, ne serait-ce même qu’un jeton dans une machine à sous, je n’ai simplement qu’à toucher ce qu’il me reste de cartilage. C’est un excellent pense-bête.
  Natalie : Attends, je rêve là.

Même dans le milieu qu’il fréquente, Bernie reste pétri d’humanité : "Ce service avait trouvé le moyen efficace de piquer la retraite des vieux. J’y ai tenu deux semaines." Il n’arrive pas à imaginer que Shelly puisse lui faire du mal : il se confie à lui et va jusqu’à lui demander des conseils sur l’attitude à avoir avec Natalie ("Tu sais, elle m’aime Shelly ! Elle me l’a dit hier soir, Natalie. Je lui envoie des fleurs ou du chocolat ?") ! Même à la fin, quand il a compris le rôle joué par Shelly, il le quitte sur ces mots : "Maintenant je te souhaite de faire de beaux rêves, mon ami. Moi je me barre."

Mais comme chez la plupart des 9, toute cette douceur peut laisser place à d’effrayants débordements de colère, comme lorsque Bernie agresse Shelly : "Touche-la encore une fois et je te tue. Je te tue. T’as entendu ? T’as compris ? Je te promets, je te tuerai."

Grâce à l’amour de Natalie, Bernie s’intègre. Il se connecte à l’amour qui est l’idée supérieure du type et à l’espérance qui caractérise le centre instinctif : "T’aimes pas ce que tu vois dans le miroir ? N’y crois pas. C’est faux."

Identification avancée : Bernie est un 9 α de sous-type sexuel ("Union"), même si son travail au Shangri-La peut faire penser au sous-type social ("Participation périphérique").

Lady Chance : Shelly KaplowShelly Kaplow (Alec Baldwin) : 8

Shelly dirige son casino d’une main de fer, et rien n’échappe à son contrôle. Que quelqu’un s’oppose à lui, et la violence éclate immédiatement, verbale parfois, physique le plus souvent. Cette violence va bien au-delà de la simple défense de ses intérêts, mais est plutôt motivée par la fixation de vengeance. Il ne supporte pas la proposition de Larry de remettre Mikey, qui a triché, à la police et de le faire interdire de casino : "Et je pourrais aussi leur offrir un gobelet de pop-corn comme en-cas pour leur retour chez eux." Même quand Bernie aura racheté la vie de Mikey, il lui brisera la jambe : "Les 150 000 dollars, c’est pour les garder en vie. Juste une correction pour pas qu’ils oublient."

Quand il peut mettre quelqu’un en position de faiblesse, il n’hésite pas un instant. Dans la même scène, il s’aperçoit que la compagne de Mikey n’est pas enceinte. Il arrache le coussin avec lequel elle simule sa grossesse, et enfonce le clou : "Regardez tout le monde ! C’est vraiment mignon. Oh ! J’arrive pas y croire. Bernie, tu viens d’avoir un petit-fils. Bernie vient d’avoir un petit-fils ! Il est-y pas mignon ? Il te ressemble, Bernie. Qu’est-ce que t’en dis ? Un beau bébé pétant de santé. Tu veux peut-être tenir ton petit-fils, Bernie ? Hein ? Faites donc péter le champagne puisque Bernie est devenu grand-père."

S’il avoue une faiblesse, la réaction est encore plus rapide. Quand il dit à Bernie qu’il a tué Buddy Staffaord, le chanteur et que "juste après, [il l’a] pris dans [ses] bras et [a] chialé comme un gamin", sa colère éclate immédiatement face au silence de Bernie : "Quoi ? Qu’est-ce qu’y a ? Pourquoi tu me regardes de cette façon ? Ça veut dire quoi ? Hein ?"

Shelly repère en permanence le moindre détail qui cloche. Ainsi, il discute avec Bernie, et cela ne l’empêche de repérer une nouvelle prostituée qui tapine dans le casino. Or tout ce qui est sur son territoire doit être sous son contrôle : "J’aime bien savoir qui fait ses courses dans mon quartier."

Comme tout 8, Shelly protège, à sa manière, les gens qui dépendent de lui. Quand Buddy Stafford, son ami crooner, a une défaillance en scène, il essaye de le convaincre qu’il peut continuer sa carrière : "Toutes les femmes rentrent chez elles avec la cave complètement en feu, tout ça uniquement parce qu’elles aiment tes chansons." Il finira par le tuer pour le protéger de l’humiliation.

Il croit aussi être utile à Bernie. Lorsque celui-ci lui annonce qu’il veut quitter Las Vegas, il argumente : "Où pourrais-tu bien aller, Bernie ? Dans quel putain de bled comptes-tu trouver une meilleure place qu’ici ? Je t’ai toujours protégé dans cette ville. Tout le monde sait que tu travailles pour moi. C’est du fric dans ta poche et un putain de respect partout où tu vas. Et où penses-tu retrouver ça ? Dans quel putain de bled, Bernie ?" Il protégera aussi son départ à la fin, sachant parfaitement que c’est un des éléments qui le conduira à la mort.

Shelly vit dans l’obsession d’être trahi. Quand des joueurs gagnent à une table de poker malgré la présence de Bernie, il soupçonne immédiatement McGann, un croupier qui pourtant travaille avec lui depuis douze ans et est "aussi droit que [sa] bite au réveil" : "Il a peut-être des problèmes de blé. Je vais le virer." De même quand il apprend que Mikey, qui vient de tricher à une table de craps, est le fils de Bernie, il interroge immédiatement ce dernier : "Tu trempes là-dedans ?"

Dans la dernière scène qui les oppose, Bernie détaille clairement cette peur qui est profondément enfouie au cœur de chaque 8 : "Tu es le pire joueur qu’on puisse trouver ici. Trop angoissé pour risquer son blé sur une table. Trop effrayé pour se risquer à cultiver une amitié. Constamment angoissé de terminer dans le désert. Maintenant je te souhaite de faire de beaux rêves, mon ami. Moi je me barre."

Identification avancée : Shelly est un 8 α de sous-type conservation ("Survie").

Lady Chance : NatalieNatalie Belisario (Maria Bello) : 2

Le personnage de Natalie est beaucoup moins facile à définir, tout simplement parce que dans la grande majorité du film, elle agit en service commandé et qu’il est donc difficile de savoir ce qui relève de sa vraie personnalité et ce qui n’est que mise en scène. De plus, l’idée de base du film étant que l’amour transcende et intègre, ses passion et fixation ne sont guère visibles.

Le plus évident est l’utilisation des centres. Le mental n’est pas en premier (ainsi, elle attend tranquillement devant la piscine du motel sans imaginer un instant que Shelly va débarquer), mais n’est sans doute pas réprimé, comme le montre un bon sens de l’humour (la scène de "l’amour bruyant"). L’instinctif paraît beaucoup moins efficace : Natalie va souvent vers les gens, mais s’arrête au moment d’agir. Le côté émotionnel est nettement le plus visible.

Natalie est extrêmement positive. La première nuit avec Bernie, qui n’a pas été un franc succès, elle trouve le moyen de lui dire : "En tout cas, tu as une queue géniale." Elle refuse de le laisser se dévaloriser : "Arrête de parler de cette poisse. Arrête. C’est fini", "Tu veux bien arrêter de te torturer Bernie." Même quand elle parle de son fils qu’elle a abandonné quand elle avait vingt ans, elle ne se plaint pas : "Parfois, certains soirs, je repense au Petit Joe, et là je suis tout à fait certaine d’avoir bien fait. Certaine."

Quand elle devient amoureuse de Bernie, c’est en fonction de critères émotionnels et d’image : "Et pour la première fois de ma vie, je suis tombée sur un homme qui m’a traitée avec respect, un homme qu’a pas essayé de se faire passer pour quelqu’un d’autre, juste quelqu’un de correct qui essayait de refaire surface. Qu’est-ce que j’étais heureuse que tu me mettes, moi, sur un piédestal. Ça m’a fait prendre du recul sur plein de choses."

Identification avancée : Natalie est un 2 μ montrant des caractéristiques des sous-types social ("Ambition") et sexuel ("Séduction agressive").

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Larry Sokolov (joué par Ron Livingston), le "brillantissime vice-président" qui veut moderniser le casino, est un 3. Il en a le fonctionnement par chiffres et par objectifs, ainsi que le côté parfois relationnel ("J’ai le plus grand respect pour vous ; vous avez fait un boulot exceptionnel au Shangri-La") et parfois impitoyable ("La nostalgie appartient aux musées, et le temps est venu pour vous de savoir si vous dirigez un musée ou si vous dirigez un casino").

Nicky ‘Fingers’ Bonnatto (joué par Arthur J. Nascarella), le patron du casino, est un 8.

Mikey (joué par Shawn Hatosy), le fils de Bernie qui est amateur de tours de magie, traite les croupiers de "crétins" et les clients du casino de "paumés", et monte des plans foireux pour escroquer son père ou le Golden Shangri-La, est vraisemblablement un 7. Il rationalise, comme quand il cherche à emprunter de l’argent à Bernie : "J’aimerais savoir si tu serais prêt à investir un peu pour la bonne santé de ton petit-fils, et pour son avenir."

Retour à la
description du film