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La Grande séduction
Analyse

La Grande séduction : Germain LesageGermain Lesage (Raymond Bouchard) : 7

La vie de Germain n’est qu’utilisation de la fixation du 7, la planification. C’est une fripouille, mais une fripouille sympathique. Comme la plupart des 7, il cherche à séduire, et pas seulement le médecin.

Il réussit à "pirater le câble, pirater le Bell, pirater l’Hydro". Mieux, seul du village, il se débrouille pour toucher deux fois la BS (le RSA local), la sienne et celle de Monsieur Provencher qui est mort depuis longtemps, mais "pas selon le gouvernement provincial".

Le recrutement du docteur est bien évidemment son chef-d’œuvre. Dès le début, il manifeste l’orientation d’optimisme du type : "Arrêtez de chercher, et pis on va en trouver un. […] Il y a sûrement un docteur quelque part qui veut travailler à temps plein à Sainte-Marie." Après l’envoi des lettres, il réaffirme : "Croyez-moi, il y a un docteur quelque part qui veut habiter ici, je le sens."

On notera que cela fait quinze ans que le village cherche un médecin et que Germain n’avait pas jugé nécessaire de se mobiliser pendant tout ce temps ; selon Hélène, son épouse, il "perd sa vie" à "conter ses vieilles histoires de pêche avec ses chums" et le reste du temps "à rien faire". Si Germain agit cette fois, c’est qu’il est personnellement concerné, sa femme ayant trouvé "une job en ville". De toute façon, Germain aime bien avoir des idées et que ce soit les autres qui les mettent en œuvre. Par exemple, il force tout le village à apprendre à jouer au cricket en leur affirmant que c’est "un jeu ben ben le fun". Mais le jour du match de répétition avant l’arrivée de Christopher, il arrive sur le terrain et demande : "Avez-vous lu les règlements ? Y a-t-il quelqu’un qui peut m’expliquer le jeu ?"

Les détails techniques ne l’intéressent guère, surtout s’ils risquent de poser problème. Quand Henri propose de poser sur le sol des billets que le médecin trouvera "par hasard", il prend l’idée et ne veut pas en savoir plus :

  Henri : Quel budget ?
  Germain : T’es aussi en charge du budget.

Puisqu’il a ce désir de trouver un médecin pour le village, Germain ne doute de rien : "On a un mois pour se mettre beaux. Il faut que Christopher Lewis tombe en amour avec Sainte-Marie-la-Mauderne." La mimique consternée et incrédule d’Yvon n’y change rien, tout est une question de créativité.

À l’entrée du village, il y a une maison "laide" ; "même de nuit, elle est laide." Qu’importe, Germain plante devant la maison un panneau sur lequel est marqué "Site Patrimonial" (monument historique). Quand Christopher arrive au village, il ne reste plus qu’à faire l’article : "Il faut absolument que je vous montre quelque chose qui risque de vous impressionner. Un site patrimonial." Il l’amène volontairement devant la maison et continue : "On n’a pas le droit d’y toucher. Impressionné, hein ?"

Cette habitude caractéristique du 7 d’utiliser le langage pour transformer la réalité est constante chez Germain.

À la fin de sa première journée de travail, Christopher lui dit : "J’ai pas arrêté deux secondes, Germain. À ce rythme-là, je passerai pas le mois." Le moins qu’on puisse dire est que Christopher a une expression mesurée des choses et les explications complémentaires ont certainement été données sur le même ton. Rapporté par Germain à l’assemblée du village, cela devient lyrique : "Êtes-vous malade ou quoi ? Le docteur a dit qu’il a vu quarante patients en une journée. Il a dit qu’il a vu des affaires qu’il a jamais vues de sa vie. Il a dit qu’il avait eu l’impression d’être transporté au Moyen-Âge. Alors c’est comme ça vous autres que vous séduisez quelqu’un ?"

L’industriel réclame une commission personnelle pour implanter l’usine. Henri s’indigne : "Un pot-de-vin de 50 000 dollars !" Germain, qui veut le convaincre de fournir cette somme, recadre "Non non, Henri. Henri, c’est juste un prêt."

Comme pour tous les 7, sa liberté et son autonomie de choix sont pour Germain des valeurs cultes. Quand Hélène, son épouse, lui dit qu’il y "aurait une job en ville", il croit dans un premier temps que le travail serait pour lui et met les choses au point : "Hélène, je veux pas aller travailler en ville. Est-ce, est-ce que tu pourrais me laisser choisir comment gagner ma vie ? Hein ? C’est ma vie, c’est ma décision, ça." Quand il apprend que le poste est en fait pour Hélène, il fuit la conversation : "Faut que j’aille à une réunion." En fait, il est allé prendre une bonne cuite. Cette manifestation de la passion d’intempérance est systématique à chaque contrariété, à chaque souffrance.

La liberté et le refus des contraintes sont aussi à l’origine du revirement final. Il renonce à faire signer Christopher quand il se rend compte que "ça fait qu’on a deux choix ; ou bien on rejette le poisson à l’eau, pis ben on arrête la séduction ; ou bien 24 heures sur 24, pendant cinq ans on reste le village que le docteur pense qu’on est." On notera l’orientation vers le futur et la structure mentale de ce discours. Typique aussi du 7 est l’utilisation de métaphores pour faire passer son message ; ce n’est pas la première fois : "Le poisson a mordu, l’hameçon a pris, le plus dur commence. C’est là qu’il faut tranquillement rentrer le poisson. Comme mon grand-père disait tout le temps, faire mordre le poisson, c’est facile, ça. Mais… après, il faut convaincre le poisson que la meilleure place au monde pour lui, c’est dans la chaloupe. Il faut que le poisson soit convaincu. Il faut pratiquement que ce soit le poisson lui-même qui saute dans la chaloupe."

Germain peut être agressif, mais son agressivité est mentale. Par exemple lorsqu’avec Yvon, il remplit à la banque les formulaires pour le prêt et qu’Henri leur demande leur nom, Yvon se fâche et veut tuer Henri, alors que Germain, sarcastique, obtempère : "Germain, G, E, R, M, A, I avec un point, N."

Réprimant le centre émotionnel, Germain est un manipulateur cynique. Il utilise sans scrupule le fait que Christopher n’a "jamais eu de père". Il l’attendrit avec l’affaire du "remplaçant". Même à la fin, il tient un grand discours à Christopher sur les vertus du travail, la "bonne dose de honte" à vivre de la BS, et la nécessité de "réanimer cent vingt vies", alors que ce n’est pas du tout cela qui l’a poussé à imaginer son plan. Christopher lui demande alors s’il est disposé à apprendre à jouer au cricket, et même là, la réponse est réfléchie.

Germain est un 7 α de sous-type conservation ("Clan").

La Grande séduction : Christopher LewisChristopher Lewis (David Boutin) : 9

Christopher parle peu finalement au cours de ce film, mais c’est toujours d’un ton égal et avec un sourire acceptant. Ce non-verbal est sans doute la meilleure manifestation de son type. Il ne dit les choses de manière vraiment directe que deux fois.

La première est à propos de la maison d’Henri : "Tout est laid. Tout le cachet de la maison a été assassiné par son propriétaire. C’est une scène de crime ici. Les rideaux sont laids. Le canapé est laid. Le tapis est laid." Cela a le mérite d’être franc, mais comme il dit cela par téléphone à son amie restée à Montréal, cela ne risque pas de déclencher un conflit.

La deuxième fois est lors de la scène finale quand il apprend que tout le village s’est joué de lui. Il est étonnant de voir que s’il manifeste une profonde tristesse, il n’y a pas de véritable éclat de colère. Le petit discours de Germain est alors suffisant pour qu’il décide de rester comme médecin à Sainte-Marie ; c’est là une belle illustration de la capacité des 9 à comprendre et à accepter le point de vue des autres.

Christopher a de réelles qualités humaines. L’état sanitaire du village le touche, pas seulement en tant que professionnel, mais en tant qu’homme : "Je peux pas croire qu’ils vivent comme ça. On est en l’an 2000. Ils ont le droit d’avoir un médecin."

Fondamentalement gentil, Christopher est d’une naïveté confondante. Il avait de multiples occasions de découvrir la supercherie, mais à chaque fois, il est incapable d’imaginer le mal. À son arrivée sur l’île, tous les joueurs de cricket, pour masquer leur incompétence, se mettent à sauter et crier de joie ; il se contente de demander si "les deux équipes ont gagné." Il pêche un poisson congelé, et accepte l’explication que celui-là vient du fond où l’eau est très froide. Henri lui raconte de manière incompréhensible un soi-disant point marqué au cricket, et il se contente d’en conclure : "Henri, je pense que t’as trop bu."

Christopher est aussi fondamentalement patient :

  Christopher : On se voit ce soir ?
  Eve : Non.
  Christopher : [Pour lui-même, à voix basse.] Prends ton temps. J’ai cinq ans.

Trop dans l’oubli de soi, Christopher compense en manifestant fortement le mécanisme de défense du 9, la narcotisation : cocaïne, cricket, puis pêche.

Identification avancée : Christopher est un 9 μ de sous-type conservation ("Appétit").

La Grande séduction : Henri GirouxHenri Giroux (Benoît Brière) : 6

Henri est, avec Eve et Steve, une des rares personnes du village à avoir un travail. L’appartenance à la banque est au centre de sa vie. Il est fier d’en être "un des rouages" et est terrorisé à l’idée qu’il pourrait être remplacé par un guichet automatique. Il fait son travail sérieusement et en respecte scrupuleusement tous les codes. Il s’habille d’un costume et d’un nœud papillon. Au début du mois, quand les villageois ont reçu le chèque de la BS et viennent l’encaisser, il demande systématiquement à chacun :"Tu fais pas un petit dépôt ?" Puis devant le silence de l’intéressé qui "n’aura pas assez d’argent pour quinze jours", il ajoute : "Le mois prochain."

Ce travail, il l’exerce en permanence dans la peur, à cause de la caméra qui enregistre ce qui se passe dans l’agence, et qui n’est d’ailleurs peut-être qu’une caméra de sécurité. Aussi quand Germain et Yvon ont besoin de 50 000 dollars, malgré les sarcasmes de l’un et la colère de l’autre, il devient d’un formalisme exagéré : il leur reproche leur tenue ("Vous auriez pu vous habiller un petit peu."), et pour remplir le formulaire de demande de prêt, il les interroge sur leur nom et la somme voulue !

Cette passion de peur est présente en bien d’autres circonstances. Par exemple quand Germain veut encaisser le chèque de BS de Monsieur Provencher, décédé depuis longtemps, il s’angoisse : "Je vais perdre ma job." Parfois cette peur devient tellement forte qu’elle provoque la répression du centre mental. Quand Christopher force le bateau à aborder l’île pour assister au match de cricket, il panique et se met à tourner en rond en répétant compulsivement : "Qu’est-ce qu’on fait ? Qu’est-ce qu’on fait ?" Même phénomène quand le maire lui dit que non seulement il a proposé aux industriels une exemption de taxes, mais qu’aussi

  Réal : Il a fallu que je cède la virginité de ta fille en plus.
  Henri : Lucie ? Pourquoi la mienne ?

On notera bien le mélange de mental préféré (le besoin de comprendre pourquoi) et réprimé (il ne se rend pas compte que c’est une blague). Dans la foulée, il apprend que Lucie couche depuis deux ans avec Steve sans le lui avoir dit. Choqué par cette trahison vis-à-vis de la structure familiale, il n’ose toutefois pas affronter Lucie directement et se met à dire à la fin de chaque repas : "Est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre qui aurait quelque chose à nous annoncer ?"

Sa loyauté à la banque lui donne, pense-t-il, un statut dans le village qu’il manifeste par l’intermédiaire de sa maison. Il est ulcéré que tout le monde la trouve laide : "La maison chez nous, c’est pas laid, c’est moderne. C’est moderne chez nous, pas laid. Elle est faite pareil comme les maisons en ville. C’est moderne. Les maisons en ville sont faites comme ça. Les gens de la ville aiment les maisons comme ça. Moderne."

Henri passe la première moitié du film tiraillé entre sa loyauté pour la banque et celle pour le village, et en cherchant à les concilier. Le déclic se fait quand après "18 ans de loyaux services", Madame Martin, la nouvelle présidente de la banque, lui dit qu’il pourrait être remplacé par un guichet automatique sans que cela change grand-chose. Ce manque de soutien de sa hiérarchie provoque un changement brusque, dont les 6 sont assez coutumiers. Il rentre en opposition vis-à-vis de la banque, retire 20 000 dollars et bascule définitivement du côté du village.

Identification avancée : Henri est un 6 α de sous-type social ("Devoir").

La Grande séduction : Yvon BrunetYvon Brunet (Pierre Collin) : 8

Quand Yvon a quelque chose à dire, il le dit carrément et tant pis pour les dégâts. Il annonce sans précaution à Henri que sa fille n’est plus vierge et couche avec Steve depuis deux ans. Il lui déclare sans ambages que son intérieur est laid, et manifeste une joie inappropriée quand le médecin dit la même chose au téléphone à son amie.

S’il ne veut pas quelque chose, c’est non, et il ne s’embarrasse ni de détails, ni de justifications.

  Germain : Si jamais je vais habiter en ville, tu viendras me voir de temps en temps.
  Yvon : Non.
  Germain : Ça se peut que…
  Yvon : [Il l’interrompt.] J’irai pas te voir.
  Germain : C’est pas une farce, Yvon. Hélène s’est fait offerte une job en ville.
  Yvon : [Il l’interrompt de nouveau.] J’irai pas te voir.

Il fait souvent preuve d’un humour féroce. Quand l’église se retrouve vide pour l’assemblée du village, il commente : "Peut-être qu’ils sont pris dans le trafic." Il n’épargne pas son ami Henri :

  Henri : Je suis à deux doigts de me faire remplacer par un guichet automatique.
  Yvon : T’es déjà un guichet automatique.

Mais sa réaction la plus courante, c’est la colère et la violence. Il se bagarre avec le joueur qui veut être à la batte pendant la répétition du match de cricket. Pour celui organisé pour l’arrivée du médecin, il ne tolère aucune intervention si minime soit-elle :

  Henri : Non, non, Yvon.
  Yvon : Ta gueule !
  Henri : Mais je pense pas que…
  Yvon : Ta gueule !
  Henri : [Il s’éloigne prudemment, puis revient à la charge.] Veux-tu…
  Yvon : [Il grogne comme un fauve.]
  Henri : [Il renonce et regagne sa place sur le terrain.]

Quand Henri remplit cérémonieusement le formulaire de demande de prêt, il explose :

  Henri : Bien. Vous voulez un prêt de combien ?
  Yvon : Je vais le tuer.
    […]
  Henri : Votre nom ?
  Yvon : [Il bondit.] Laisse-moi le tuer.

Lorsqu’il est obligé de regarder à la télévision tout un match de cricket, il commente lors d’une absence de Christopher : "Je suis plus capable. […] J’ai le goût de prendre le bâton plat, pis de battre toute la gang de maudits Anglais."

À l’occasion, il manifeste aussi la passion de luxure. Quand Steve trouve sur l’Internet la liste de tous les médecins du Québec, il demande : "On peut y voir des photos de gardes-malades là-dessus ?" Il faut voir sa mine ravie devant des images dont on devine la nature.

Identification avancée : Yvon est un 8 à aile 7 de sous-type social ("Protection mutuelle").

La Grande séduction : Steve LaurinSteve Laurin (Bruno Blanchet) : 9

Steve est avant tout serviable et modeste :

  Germain : Tu peux me trouver les adresses de tous les médecins du Québec ?
  Steve : Ouais. [Il se met au travail sans un mot.]
  Germain : Il me faut vraiment toutes les avoir.
  Steve : Ouais. [Il continue à travailler.]
  Germain : Pis chaque jour, les noms que tu auras trouvés, ben tu les donneras à Yvon, hein ?
  Steve : Oui.
  Germain : Combien de temps tu penses que ça peut te prendre tout ça ?
  Steve : [Il continue sans répondre et la liste d’adresses sort de l’imprimante. Il a un petit sourire destiné à lui seul.] Avez-vous besoin d’autre chose ?
  Germain : [Étonné.] Heu… Non. Non non.
  Yvon : On peut y voir des photos de gardes-malades là-dessus ?
  Steve : Ouais. [Il pianote sur le clavier et fait afficher les photos sous les yeux exorbités de Germain et d’Yvon.] Gardes-malades.

De la même manière, il trouvera pour ses amis quelques jours plus tard une multitude d’informations sur le jeu de cricket. Il est visiblement ravi de leur faire plaisir. Il ne réagit aucunement au fait qu’il ne reçoit d’eux aucun remerciement.

Il souffre d’un "pied d’athlète grimpant". Germain voudrait l’empêcher de se faire soigner par Christopher : "Alors toi mon Steve, tu t’es dit que la meilleure façon de convaincre un docteur de rester cinq ans à Sainte-Marie, c’était de lui montrer qu’existe ici une souche de champignons superpuissants ?" Il se contente de lui dire que "c’est vraiment désagréable" et obtempère.

De même, il va écouter du jazz avec Christopher, alors qu’il avait exprimé son opinion sur cette musique : "Non non, pas le jazz. J’haïs, j’haïs le jazz. Il en est pas question."

Ce sera d’ailleurs le seul sujet sur lequel il finira par manifester son désaccord, avec bien entendu sa mesure habituelle : "Moi je vous dis tout de suite. J’écouterai pas du jazz pendant cinq ans. [Tout le monde se tourne vers lui et le regarde.] Quoi ? Vous essaierez d’en écouter du jazz fusion. [Il se lève et s’adresse à l’assemblée des villageois.] Je vous mets au défi, n’importe qui, d’en écouter du jazz fusion. Moi si j’entends un autre musicien improviser ses états d’âme dans sa trompette, je me tire une balle !"

Identification avancée : Steve est un 9 α de sous-type social ("Participation périphérique").

La Grande séduction : Eve BeaucheminEve Beauchemin (Lucie Laurier) : 5

Eve est un personnage à part dans le film. Elle a un travail, on ne la voit jamais participer à aucune réunion du village. Sa différence n’en fait pas pour autant une 4, car elle n’en manifeste ni la passion, ni la fixation.

Un des traits les plus perceptibles de son personnage est un humour assez dévastateur, caractéristique du centre mental :

  Christopher : Comment on peut faire pour se perdre dans un village si microscopique ?
  Eve : J’imagine qu’il faut être particulièrement niaiseux.

Christopher en fait plusieurs fois l’expérience :

  Christopher : Qu’est-ce que tu lis ?
  Eve : Je lis pas. Je regarde les images.

Ici, cet humour est aussi une forme d’avarice, la passion du 5. Eve ne dit jamais rien sur elle-même. Plus généralement, Eve parle peu. Au Comptoir Postal où elle distribue le courrier de la BS, elle accueille chacun d’un bonjour et d’un sourire, mais sans un mot supplémentaire. Quand on lui pose une question, elle attend que celle-ci soit complète et précise ; ainsi quand Germain vient à la Poste chercher les éventuelles réponses à ses courriers pour trouver un médecin :

  Germain : Est-ce que… ?
  Eve : [Silence, alors qu’elle est au courant de l’opération et sait parfaitement ce que Germain vient chercher.]
  Germain : … on a reçu quelque chose ?
  Eve : [Au courant de la réponse, elle n’a même pas à vérifier.] Non.

Le mécanisme d’isolement est très présent : au restaurant, elle mange seule ; quand elle n’est pas au travail, elle s’isole sur la jetée. Dans tous les cas, elle est plongée dans la lecture, expression possible de la compulsion d’évitement du vide intérieur.

Pourtant, elle est au courant de toutes les informations nécessaires :

  Christopher : Bonjour.
  Eve : Tu sais, de ta maison au quai, il y a un chemin plus court qui passe par…
  Christopher : Je passe par ici en espérant qu’un jour tu m’invites à manger un mets typique de ce joli, petit, mais quand même pas trop petit, et ô combien sympathique village.
  Eve : Ah. [Elle ramasse ses affaires.]
  Christopher : Ah ? Est-ce que "ah" est une forme d’invitation à souper ?
  Eve : Je cuisine pas pour les gars qu’ont des blondes. [Elle s’éloigne.]

Cet échange minimaliste est significatif : Eve donne une information à Christopher, puis lui montre qu’elle sait des choses sur lui.

Identification avancée : Eve est un 5 α à aile 4 de sous-type conservation ("Château fort"), même si elle manifeste aussi avec Christopher les caractéristiques du sous-type sexuel ("Confidence").

La Grande séduction : Clotilde Brunet & Hélène LesageAutres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Hélène Lesage (jouée par Rita Lafontaine), l’épouse de Germain, est une 1. Elle est volontiers critique ("Agace pas le chat !"). Quand elle a quelque chose en tête, elle s’y tient ("Qu’est-ce que je dis à mon frère ?").

Elle affirme plusieurs fois ses principes moraux. Elle essaye de dissuader Germain de mettre son plan en œuvre : "Pourquoi tu pourrais pas juste lui demander d’être notre docteur ? Honnêtement. Sans tout ça. Sans magouilles." Elle veut l’empêcher d’utiliser le fait que Christophe n’a "jamais eu de père".

Il est vraisemblable que Clotilde Brunet (jouée par Clémence Desrochers), l’épouse d’Yvon, est une 9. On notera surtout ce moment où Germain, plus ou moins ivre, rentre chez elle en pleine nuit et se couche entre elle et Yvon. Certes elle affirme sa position, mais le moins qu’on puisse dire c’est que c’est avec calme :

  Clotilde : [Elle se redresse.] Germain, bonsoir.
  Germain : Bonsoir Clotilde.
  Clotilde : Hélène va bien ?
  Germain : Oh oui, elle va bien.
  Clotilde : Ah. Est-ce que ce serait trop indiscret de te demander ce que tu fais allongé dans notre lit ?
  Germain : Ça sera pas tellement long.
  Clotilde : Ben, c’est déjà long.
  Germain : Ah. Je suis désolé. Je sais, c’est pas tellement les heures de bureau.
  Clotilde : Ben j’te dirai que c’est pas tellement l’heure qui me dérange comparativement au fait qu’on est allongé ensemble.
  Yvon : Il vient pas souvent.
  Clotilde : Ce sera pas long ?
  Germain : Ce sera pas long.
  Clotilde : Ça sera bien apprécié. [Elle s’étend dans son lit et se retourne.]
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