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Père et fils
Analyse

Père et fils: LéoLéo (Philippe Noiret) : 2

La manipulation émotionnelle est une des grandes spécialités des 2 peu intégrés et c’est l’un des thèmes centraux du film. Elle est pour Léo le moyen de forcer ses enfants à partir tous ensemble en vacances avec lui au Québec. Victime d’un léger malaise, il choisit d’avertir indirectement David et Max, malgré l’avis de son frère, médecin : "Pourquoi les inquiéter puisque t’as rien ?" Quand David arrive, le premier, et frappe à la porte de la chambre, Léo rapidement éteint la télé, cache les biscuits qu’il dévorait, ferme les volets électriques afin de créer une pénombre sinistre, et, enfin prêt, dit d’une voix mourante : "Entrez…" Évidemment, la manipulation ne peut fonctionner que par le mensonge : "Comment t’as su ? Qui est-ce qui t’a prévenu ? Ah ! Joseph a dû appeler. Je lui avais demandé de ne pas vous inquiéter. Surtout toi. Avec tout le travail que tu as. C’était pas la peine de te déranger."

Malheureusement, l’infirmière avait signalé à David l’état de santé en réalité florissant du père, ce qui provoque la colère immédiate : "Qu’est-ce qu’elle y connaît, celle-là ?" On notera au passage la fixation de l’ennéatype 2, flatterie à l’égard du fils, dédain pour l’infirmière. Mais Léo réussit rapidement à convaincre David de la prétendue gravité de son état et peut alors lui proposer le voyage au Québec. Pour une manipulation efficace, rien de tel que de créer chez l’autre un peu de culpabilité : "Évidemment, je ne vous ai pas vus très souvent. Il n’est peut-être pas trop tard, David." Mais quand un 2 veut quelque chose, c’est bien sûr pour le bien de l’autre : "Ça te ferait du bien. Tu ne prends jamais de vacances." Comme cela n’est pas suffisant, il suffit de rajouter une couche de culpabilité : "Plus tard, ce sera peut-être trop tard."

Le même plat est ensuite servi à Max, à peu près dans les mêmes mots.

Quand David essaye d’échapper au départ, Léo réutilise le truc : "Le seul rendez-vous que tu peux pas rater, c’est ce voyage avec moi parce que c’est le dernier."

Même si c’est là son coup de maître, Léo est un habitué de la méthode. Il a réussi à faire venir ses deux enfants fâchés à son repas d’anniversaire en leur mentant : "Il m’avait dit qu’il viendrait pas. Il est venu. C’est pas de ma faute. C’est mon anniversaire, fais un effort. Tout va bien se passer."

Il continue pendant le voyage. Ainsi, il a un nouveau pseudo-malaise quand David et Max se battent et pendant qu’on le conduit à l’hôpital, les yeux mi-clos mais bien attentifs, il geint "David, embrasse Max !" jusqu’à ce que les deux frères ne sachent plus comment faire, si ce n’est s’exécuter. Puis dans la prison, pour la première fois, ses enfants semblent réconciliés, mais comme c’est pour évoquer ses faiblesses en tant que père, il ne le supporte pas et use à la sortie de son truc favori : "Je préfère mourir seul que mal entouré." De nouveau, il appuie ferme sur le bouton quand à la station-service, ses enfants "oublient" de l’emmener.

Bien sûr Léo est toujours prêt à aider. Quand un scooter est renversé dans la rue sous ses fenêtres, il se précipite : "J’arrive. Mon frère est médecin. Je sais comment faire." Il ira jusqu’à draguer à la place d’un de ses enfants dans le pub de Montréal : "Mademoiselle, je vous présente mon fils cadet Simon. Il vous trouve ravissante. Vous avez déjà eu une petite aventure avec un jeune Français ?" Il est intéressant et significatif qu’il ne comprend pas et ne tient pas compte de la gêne de Simon. De même, il téléphone à Nicole, la femme de David, pour essayer de les rabibocher.

Quand Léo ne peut pas aider par lui-même, ce n’est pas grave, il mobilise de force les autres : "Si mes enfants peuvent vous aider en quoi que ce soit, ils seront ravis." Justement non, ils ne sont pas ravis et Léo ne comprend pas, une fois de plus : "Ben quoi, on peut rendre service, non ?"

Contrepartie égotique de l’aide, Léo n’a officiellement pas besoin de grand-chose : "C’est une idée à lui cette histoire de guérisseuse. Moi, j’y tenais pas tellement." Sauf d’aider et d’aimer évidemment : "Ça me fait plaisir de faire plaisir à mes enfants."

Léo est très relationnel et devient vite intime avec les gens. Il est proche de Jacques, le représentant en farces et attrapes. Il embrasse l’infirmière à la sortie de l’hôpital. Etc. Il aime le contact physique : il touche volontiers les gens, il embrasse son frère sur l’épaule quand celui-ci accepte de ne pas révéler sa supercherie, il est aux anges pendant le massage exigé par Mado.

Déjà évoquée, la fixation du type, la flatterie est souvent présente. Par exemple, dans l’avion qui les mène à Montréal, Léo est assis à côté de Simon et Max en classe touriste et leur dit : "J’en ai rien à faire d’être en première. On est quand même mieux ici." Mais dès qu’il a rejoint David en première, il s’extasie sur le confort et demande innocemment : "Il doit y avoir que des hommes d’affaires importants comme toi." Avec Mado, il devient lyrique sur la douceur de ses mains (même si celle-ci n’est pas dupe : "Chantez-moi pas la pomme. J’ai les mains aussi douces qu’une râpe à fromage.")

Pour un 2, une relation existe dans l’instant. Cela peut le rendre curieusement indifférent aux autres. Ainsi, Léo refuse un moment d’intimité que lui demande Max parce qu’il est à ce moment-là centré sur Mado. Ce qui conduit à quelques gaffes :

  Léo : Toi, ça va avec Françoise ?
  Max : Martine !

Sans doute trop occupé par d’autres relations plus valorisantes, Léo n’a pas été très attentif quand ses enfants étaient jeunes. Lors de la grande explication chez Mado, David lui lance : "Pour une fois, dis-le que tu te fous de nous !" Et comme il proteste, Max affirme : " Quels que soient les sacrifices que t’as pu faire, c’est d’abord pour toi que tu les as faits."

Identification avancée : Léo est un 2 α à aile 3 de sous-type conservation ("Privilège").

Père et fils: DavidDavid (Charles Berling) : 3

David a deux passions dans la vie. Le boulot. Puis le boulot. Il a toujours une réunion, un dossier à finir, un coup de fil à passer. On pourrait presque croire que son téléphone portable lui est greffé, jusqu’à ce que Léo le jette dans un lac canadien. Il est d’ailleurs amusant de voir comment il est facile pour Léo de le manipuler pour lui faire croire que c’est lui qui a égaré le téléphone :

  David : Papa, c’est toi qu’a mon téléphone ?
  Léo : Non. Je te l’ai rendu.
  David : T’es sûr ?
  Léo : Tu l’as mis dans ta poche droite et tu m’as dit que tu attendais un coup de téléphone important. T’attends pas un coup de téléphone important ?
  David : Si.
  Léo : Ben tu vois.

David est tellement occupé qu’il n’a pas le temps d’acheter un cadeau d’anniversaire pour son père et le fait faire par un des employés de son entreprise. Il n’a pas non plus eu le temps d’aller au mariage de son frère Max à cause d’un rendez-vous important. On devine qu’il n’a guère eu le temps de s’occuper de sa femme Nicole et que c’est une des causes de leur rupture.

Cette hyperactivité ne laisse évidemment pas le temps à David de profiter de la vie et il n’arrive pas à comprendre que son père et ses frères s’extasient devant la nature québécoise ("J’en rien à foutre, moi, de profiter.") alors qu’on peut à la place passer des coups de téléphone d’affaires : "Excusez-moi. La terre continue à tourner."

David est prêt à tout pour réussir. Même à virer "comme un malpropre" Berthier son copain d’enfance qui l’avait "aidé à monter sa boîte". Le symbole de la réussite, c’est bien évidemment l’argent qu’il a et qu’il affiche avec vanité. Il voyage en avion en première alors que son père et ses frères sont en classe touriste. Il ne supporte pas qu’on ait loué une voiture bas de gamme ("Voilà, ce qui arrive quand on loue une voiture de merde chez un loueur de merde pour faire des économies de merde") ; lui-même loue la voiture la plus chère, mais négocie durement le prix. Il est fier de son choix : "Tu nous montres ce qu’elle a dans le ventre cette voiture.", demande-t-il à Léo.

L’argent résout et remplace tout. Max dit de David : "Il voudra tout payer comme d’habitude, pour se débarrasser du problème et se donner bonne conscience." L’argent tient aussi lieu d’identité : "T’es même pas foutu de payer une robe à ta femme. T’es rien.", dit-il à Max qui est au chômage.

Le seul échec de David est son mariage. Il essaye de le cacher le plus longtemps possible au reste de sa famille.

Identification avancée : David est un 3 α à aile 4 de sous-type conservation ("Sécurité").

Père et fils: SimonSimon (Pascal Elbé) : 7

Léo dit de Simon : "Il est trop fragile." Depuis la mort de sa mère, toute la famille sait que Simon ne supporte pas la souffrance et qu’il vaut donc mieux la lui éviter. Ainsi, jusqu’à ce que David craque, le voyage au Canada est présenté comme des vacances. Et justement, Simon "adore les vacances", du moment bien sûr qu’on s’y "éclate".

Le reste de la vie, Simon essaye de le transformer aussi en vacances. Il est employé par David, mais au lieu de travailler, il se cache au fond d’un entrepôt et là, confortablement installé, il fume des joints, bouquine et chantonne. De temps en temps, il discute avec Éric, son pote magasinier, et entre deux pétards, ils partagent des plans mirobolants pour promouvoir une alimentation à base de cafards et de coléoptères livrés à domicile ("Cafard Hut" sur le modèle de "Pizza Hut" !). "Oui, ça pourrait marcher.", s’extasie Simon rêveur qui essaiera plus tard de vendre l’idée à Max.

Même au courant du but réel du voyage, il tient, contrairement à David, à en "profiter" :

  Simon : Vous trouvez pas ça joli, vous ?
  David : Qu’est-ce que tu sais du joli, toi ?
  Simon : Et ben quand je te vois, ça me donne une idée de ce qui est joli et de ce qui est… comme toi.

Même s’il peut avoir comme ici un humour assez agressif (ou comme avec l’homme de la boîte de nuit qui le provoque), Simon est très tolérant. Chacun fait ce qu’il veut de sa vie : "T’es sado-maso-machin, toi ? C’est cool.", dit-il à Max. Mais la tolérance a ses limites, qui sont le pessimisme : "Vous m’emmerdez à la fin à toujours tout voir en noir. Vous faites chier, chier, puis chier."

Simon veut s’amuser et pense que les autres veulent faire de même. Il essaye ainsi d’attirer l’attention de Max qui fait semblant de dormir : "Max, tu dors ? Max ? Maxi ? Maxou ? Maximou ? Mamamamamax ? Maxime ? Maaaaaaaaaaaaaax ? Maximus ? Maximus, tu dortus ? Maximus ? Maxicouilles ?" Quand il raconte la mort en plein concert de Bill Flint, un de ses musiciens préférés, il est plié de rire : "J’étais au premier rang, j’ai tout vu. Le mec, il jouait de la guitare, il s’est écroulé comme une merde."

Simon est un mental, s’intéresse à beaucoup de choses et aimerait que les décisions soient logiques :

  Simon : Mais pourquoi les baleines ?
  Léo : [Enthousiaste.] Mais pourquoi pas les baleines ?
  Simon : Ah oui, non, non. Ben non. Mais t’es sûr que c’est la saison ? Parce que tu sais que j’ai vu l’autre jour un documentaire à la télé justement qui disait que les baleines…
  Léo : [Il l’interrompt, amusé.] Faut toujours que tu la ramènes, toi. Hein ?
  Simon : Ah non. C’est pas moi. Ils l’ont dit à la télé, Papa.
  Léo : [Irrité.] Et toi, tu crois toutes les conneries qu’on dit à la télé ? Les baleines à bosse sont des baleines qui ne sont pas comme les autres, je te signale, Monsieur Je-Sais-Tout.
  Simon : Non, moi je disais ça comme ça. C’est un peu bête d’aller au Canada voir les baleines si ces baleines, elles sont parties ailleurs.
  Léo : [Il crie.] Elles ne seront pas parties ailleurs.
  Simon : Bon. Bon. Moi, je voulais pas que tu sois déçu, c’est tout. Mais en tout cas, ils avaient l’air de s’y connaître parce que, tu sais, ils les ont suivies pendant un an et ils avaient l’air de dire que ces baleines grises à bosse…
  Léo : [Il hurle.] Les baleines grises, jaunes, vertes, rouges, à bosse ou sans bosse, je m’en tape les couilles. C’est clair, ça, Simon ?
  Simon : Oui, oui. Mais alors pourquoi on va au Canada ?

Sur le plan de l’information, il passe son temps à rectifier les propos de Léo :

  Léo : À nous le Grand Nord ! À nous les baleines !
  Simon : Pas le Grand Nord. Le Québec, Papa.

Ou bien au Canada "C’est pas un noisetier, c’est un érable.", puis "C’est pas un aigle, c’est une buse."

Optimiste, Simon ne comprend pas très bien les sentiments réels des gens. Dans le pub, il ne résiste pas à répondre aux provocations de l’homme qui l’accuse de regarder sa compagne au risque de provoquer une bagarre qu’il ne peut pas physiquement gagner. Lors du repas d’anniversaire de Léo, il est ravi que ses deux frères soient présents ("C’est tellement bon de vous voir réunis ici") et il porte un toast tellement "léger" que Max et David s’en vont.

Identification avancée : Simon est un 7 μ à aile 6.

Père et fils: MaxMax (Bruno Putzulu) : 6

Doux et tendre, Max est le personnage dont l’ennéatype est le moins évident. L’hypothèse 6 est quand même la plus probable, même si d’autres peuvent être envisagées.

Max est perpétuellement angoissé, que ce soit à l’idée de se retrouver en vacances avec David ou de partir au Québec (il arrive avec trois heures d’avance à l’aéroport). Quand Léo dort, il le croit instantanément mort et il panique. Lorsque Léo et Simon sont sortis le soir à Montréal, il fait la tête le lendemain dans la voiture : "C’est vrai, vous auriez pu prévenir, quoi. J’ai pas fermé l’œil. J’ai passé la nuit à vous attendre."

Il privilégie le mental : "Je comprends rien, moi.", dit-il par exemple, quand il apprend que la soi-disant cousine de Limoges était une pute.

Max est totalement loyal à sa famille. Il se bat dans le pub avec Simon au cri de : "Touche pas mon frère, toi." Il a viré l’ouvrier qui voulait briser les deux jambes de David avec Berthier, après les avoir menacés de les dénoncer aux flics. Mais il ne supporte pas d’avoir été obligé d’aller jusque-là pour le protéger : "Y a des saloperies que j’aurais jamais cru faire. Même pour un frère." Réaction typiquement 6, il entre alors en opposition contre son frère.

Identification avancée : Max est un 6 α.

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Jacques (joué par Pierre Lebeau), le représentant en farces et attrapes qui aimait sa femme "comme un fou" et a passé sa vie avec elle à "rigoler", qui maintenant qu’elle est morte "a promis de continuer à la faire rire", et qui met des boîtes à rires dans sa fosse et pense "qu’elle va adorer cette surprise-là" est un 7.

Mado (jouée par Marie Tifo), la guérisseuse, est un 8.

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