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American Beauty
Analyse

American Beauty : Lester BurnhamLester Burnham (Kevin Spacey) : 9

Lester se veut un "type tout ce qu’il y a d’ordinaire". Son existence est dominée par sa passion de paresse. Il a mené une vie "léthargique". "En un sens, [il est] déjà mort." Le simple fait que sa femme travaille tant est insupportable : "Rien que de la regarder m’épuise." Au bureau, alors que ses collègues sont assis bien droit devant leurs écrans d’ordinateur, il est à moitié allongé dans son fauteuil, relax. Même quand dans le film, il se réveille (un peu) et décide de changer de vie, il se met à la "recherche d’un boulot qui ne demande aucune responsabilité".

Jusqu’à son changement de vie, personne ne le voyait en colère, "Je ne me plains jamais.", symptôme de sa fixation d’oubli de soi et de sa compulsion d’évitement des conflits. Même après, les colères restent très brèves :

  Carolyn : Lester, t’es en train de renverser ta bière.
  Lester : Et après ? C’est un canapé.
  Carolyn : C’est un canapé design à 4 000 $. En plus, il est tapissé de soie italienne. Ce n’est pas juste un canapé.
  Lester : [Il hurle.] Ce n’est qu’un ca-na-pé ! [Il baisse immédiatement le ton.] C’est pas vivant. Ce ne sont que des objets. C’est devenu plus important que les gens pour toi. Moi j’appelle ça de la folie.
  Carolyn : [Elle quitte la pièce en pleurant.]
  Lester : J’essaie tout simplement de t’aider.

Sa spécialité est de passer totalement inaperçu. Il reproche à sa femme et à sa fille : "J’en ai plus qu’assez d’être l’homme invisible dans cette baraque." À une soirée d’affaires où l’a traîné Carolyn, il dit à Buddy qui ne le reconnaît pas, bien qu’ils aient été présentés quelques mois auparavant : "Ça fait rien, je ne me souviendrais pas de moi non plus."

Lester cultive la sensualité depuis la masturbation ("Regardez-moi en train de me palucher sous la douche. Ça, c’est le meilleur moment de la journée."), jusqu’à la drogue ou la gymnastique. Cette dernière a certes pour but de le rendre plus séduisant auprès d’Angela ("Je veux être beau quand je suis tout nu."), mais est certainement aussi une expression de son mécanisme de défense de narcotisation.

Lester manque cruellement d’espérance. Constatant les difficultés de son adolescente de fille, il commente : "J’aimerais lui dire que ça va s’arranger mais je ne veux pas lui mentir." Il a renoncé à sa vie et n’attend rien du monde extérieur, ni de lui, d’où la divine surprise de son "réveil" : "C’est formidable de s’apercevoir qu’on est encore capable de s’étonner soi-même." Même quand il a envie de séduire Angela, il est dans l’attente. Il se contente de faire de la musculation puisqu’elle semble aimer cela et n’entreprend rien. C’est elle, après sa dispute avec Jane, qui prend un début d’initiative.

Parallèlement, Lester manifeste la belle humanité et capacité d’acceptation du 9, par exemple avec Ricky ou avec le colonel dans la scène où celui-ci vient l’embrasser dans le garage.

Identification avancée : Lester est un 9 α de sous-type conservation ("Appétit").

American Beauty : Carolyn BurnhamCarolyn Burnham (Annette Bening) : 3

Le succès et l’image sont les deux axes de la vie de Carolyn.

Agent immobilier, elle se sent en compétition permanente avec Buddy Kane, "le roi de l’immobilier". qui est l’archétype du 3 : "Si les Loman m’avaient confié leur maison au lieu d’appeler le ‘roi de l’immobilier’, elle ne serait pas restée sur le marché à moisir pendant six mois."

Pour réussir, elle est toujours active : "Rien que de la regarder m’épuise.", dit d’elle Lester qui ajoute qu’elle n’est qu’une "vieille rapiat égoïste qui ne pense qu’au fric" et qu’elle "traite [sa fille Jane] comme [son] employée".

Son problème est qu’elle est moins efficace que Buddy, malgré ses efforts et ses programmes de motivation sur cassettes. Cet échec professionnel, combiné à celui de son couple, provoque une désintégration assez forte, faite de colères, de crises d’hystéries et de moments de découragement incompatibles avec sa volonté d’être une gagnante ("Tu n’es qu’une idiote pleurnicharde ! La ferme !").

Ne pouvant battre Buddy à son propre jeu, elle choisit de le séduire ce qui est un moyen de s’approprier sa réussite.

Son activité professionnelle lui semble n’exister que dans le paraître : "C’est une soirée extrêmement importante pour ma carrière. Comme tu le sais, mon métier est fondé sur l’image et la majorité de mes contrats dépend de cette image." Elle adore et fait sienne la formule de Buddy : "Dans la vie pour attirer la réussite, on doit commencer par donner l’impression de réussir en toutes circonstances."

Mais l’image est aussi au centre de sa vie privée qui n’est qu’un spectacle destiné au monde extérieur : "Vous remarquez comme le manche des cisailles s’accorde élégamment avec ses sabots de jardinage. Ce n’est pas un hasard", révèle Lester. Sur le point de céder aux avances amoureuses de son mari, c’est encore l’image qui la retient :

  Carolyn : Lester, t’es en train de renverser ta bière.
  Lester : Et après ? C’est un canapé.
  Carolyn : C’est un canapé design à 4 000 $. En plus, il est tapissé de soie italienne. Ce n’est pas juste un canapé.
  Lester : [Il hurle.] Ce n’est qu’un ca-na-pé ! [Il baisse immédiatement le ton.] C’est pas vivant. Ce ne sont que des objets. C’est devenu plus important que les gens pour toi. Moi j’appelle ça de la folie.

Dans son modèle du monde de réussite et d’apparence, le pire est d’être sans travail et il faut tout faire pour ne pas se retrouver dans cette situation :

  Carolyn : Il n’y a pas à tergiverser. Tu vas leur écrire ce papier.
  Lester : Tu ne trouves pas que c’est des méthodes pourries, pour ne pas dire fascistes.
  Carolyn : Peut-être, mais c’est ça ou le chômage.
  Lester : Bon, bon, d’accord, on n’a qu’à tous vendre notre âme au Diable du moment que ça nous évite d’aller pointer.
  Carolyn : Oh ! Tu pourrais être un peu plus emphatique, s’il te plaît !

Elle ne peut que mépriser Lester pour qui tout cela n’a guère d’importance.

Carolyn manifeste aussi une croyance caractéristique des 3 : "Tu ne dois jamais compter sur personne d’autre que toi dans la vie" est la leçon de vie qu’elle donne à Jane.

Identification avancée : Carolyn est un 3 α à aile 2 de sous-type conservation ("Sécurité").

American Beauty : Angela HayesAngela Hayes (Mena Suvari) : 2

Comme tous les personnages du film, Angela n’est pas un modèle d’intégration…

Elle n’existe que dans le regard des autres et, puissance de l’instinct sexuel exacerbé par l’adolescence, le regard des autres, c’est leur désir :"Je me fais brancher tout le temps. Ça a commencé, j’avais à peine douze ans."

Elle imagine dans ce désir un moyen de satisfaire son ambition :

  Angela : Ça s’est passé comme ça. Il a carrément baissé son froc et il l’a sorti genre "regarde qui est là, c’est le petit oiseau".
  Copines : C’est dégueulasse.
  Angela : C’est pas dégueulasse. C’est plutôt flatteur.
  Copines : Alors, t’as couché avec ce type ?
  Angela : Ben évidemment. Je viens de te dire que c’est un photographe super-connu. Il travaille pour Elle. Il a pris tous les top-modèles. Je suis pas assez idiote pour jouer les petites pimbêches et l’envoyer promener.

Bien évidemment, son ambition est d’être mannequin et est donc, elle aussi centrée sur l’image, puisqu’"il y a rien de pire dans la vie que de passer inaperçue". Bon observateur et fin psychologue, Ricky s’en sert pour l’agresser psychologiquement à la fin du film : "Si ! Tu es laide. Et superficielle. Et tu n’as aucune personnalité. Tu es ordinaire et tu le sais."

Angela est optimiste :

  Jane : J’espère que ça va marcher pour toi.
  Angela : Bien sûr. Je suis persuadée que tout est écrit et que tout peut arriver si on sait s’y prendre.

Tous ces indices pourraient aussi faire penser au 3, surtout quand la fin du film révèle que toutes ces conquêtes ne sont que des mensonges. Mais les différences sont flagrantes. Un 3 a pour orientation la capacité à réaliser et à réussir, alors qu’Angela ne fait rien pour atteindre son but ; celui-ci est donc plus un rêve qu’un objectif. Le mensonge du 3 est d’abord un mensonge existentiel, une identification à ce qu’il réalise, là où Jane ment d’abord aux autres.

Dans la réalité, elle ne sait pas très bien exprimer ses vrais besoins comme le montre cet échange avec Lester quand, après s’être disputée avec Jane, elle descend s’offrir à lui :

  Lester : Qu’est-ce que tu veux ?
  Angela : Je ne sais pas.
  Lester : Tu… Tu sais pas ?
  Angela : Qu’est-ce que vous voulez ?
  Lester : Tu plaisantes ? C’est toi que je veux.

Identification avancée : Angela est un 2 à aile 3 manifestant très nettement les trois instincts : conservation ("Privilège"), social ("Ambition") et sexuel ("Séduction agressive").

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Le Colonel Fitts (joué par Chris Cooper) est très clairement un 6 bien désintégré. Il affirme : "Il y a des règles, il y a des lois." Il est sur le qui-vive et pas seulement avec son fils : "Tu attendais de la visite ?", dit-il, inquiet, à sa femme quand on sonne à sa porte. Il est soupçonneux : "Qu’est-ce que vous avez à vendre ?", demande-t-il à ses deux voisins venus lui souhaiter la bienvenue dans le quartier.

Conformiste, il ne peut assumer son homosexualité et tue Lester parce qu’il connaît sa "déviance".

Buddy Kane (joué par Peter Gallagher) est une caricature de 3 désintégré. Il s’autoproclame "roi de l’immobilier". Il ne s’intéresse vraiment qu’à sa réussite : "Dans la vie pour attirer la réussite, on doit commencer par donner l’impression de réussir en toutes circonstances." Cela lui vaut bien sûr les problèmes de couple habituels : "Elle me reproche d’être trop attentif à ma carrière, comme si l’ambition et la réussite constituaient une sorte de tare. Pourtant, elle a largement tiré parti du style de vie que ma réussite lui a apporté. Oh oui ! Oh oui !"

Barbara Fitts (jouée par Allison Janney), la femme du colonel, est un 9 en totale désintégration.

Jane Burnham (jouée par Thora Birch), la fille de Lester, ressemble beaucoup à une 4 :"On sera toujours catalogués comme barges et montrés du doigt par les gens normaux." Mais son père dit d’elle qu’elle représente "le stéréotype parfait de l’adolescente". Si on ajoute que cette adolescente vit dans une famille profondément dysfonctionnelle, d’autres ennéatypes restent possibles. Attendons American Beauty 2 pour avoir une certitude !

Ricky Fitts (joué par Wes Bentley), est beaucoup plus inclassable. Vivant dans une chambre blanche comme une salle d’opération, il passe ses loisirs à filmer le monde qui l’entoure. Pour les cinéphiles, il est difficile de ne pas penser au personnage de Graham Dalton dans Sexe, mensonges et vidéo.

Certes, ce que Ricky observe, c’est la beauté du monde :

  Ricky : Je filme cet oiseau mort.
  Angela : Pourquoi ?
  Ricky : Parce que c’est beau.

Ou :

  Ricky : J’ai filmé cette vieille femme [une clocharde "morte gelée dans la rue"].
  Angela : Pourquoi tu l’as filmée ?
  Ricky : Parce que c’était fabuleux.
  Angela : Qu’est-ce que ça a de si fabuleux ?
  Ricky : Quand tu vois un truc pareil, c’est comme si Dieu entrait en connexion avec toi, l’espace d’un instant, et si tu es suffisamment réceptif tu ouvres les yeux.
  Angela : Et qu’est-ce que tu vois ?
  Ricky : La Beauté.

Cette beauté déclenche en lui des émotions dont on a l’impression qu’il veut se protéger, la caméra étant alors un filtre entre le monde et lui : "Parfois je me dis qu’il y a tellement de beauté dans le monde que c’en est insoutenable et mon cœur est sur le point de s’abandonner." Il ne manifeste d’ailleurs quasiment aucune émotion pendant le film et il faut voir par exemple la manière dont il observe le cadavre de Lester, froide et curieuse.

Cela ne l’empêche pas d’être très romantique comme quand il écrit le prénom de Jane en lettres de feu dans le jardin ou qu’il lui dit : "Tu te rends compte de la chance qu’on a de s’être trouvés."

Si on reste là, l’hypothèse 5 à aile 4 peut sembler certaine. Mais il y a plusieurs incongruences : l’absence de réelle activité mentale, le trafic de drogue, la facilité avec laquelle il se confie à Lester, etc. D’autres hypothèses comme le 9 alpha peuvent alors faire sens.

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