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Jerry Maguire
Analyse

Jerry Maguire (Tom Cruise) : 3

Jerry Maguire est le prototype du 3 joué à la perfection par Tom Cruise qui interprète son propre type.

Agent sportif chez Sports Management International, il gère la carrière de 72 athlètes et passe une moyenne de 264 coups de téléphone par jour. Le travail prime tout : "Je ne dormirai que mission accomplie", "Je suis disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre."

L’accident qui arrive à un de ses clients et la réaction du fils de celui-ci lui font voir le mensonge qu’est sa vie : "J’étais devenu quoi moi ? Un autre de ces requins en costard-cravate ?" Cette prise de conscience est douloureuse et lui fait même comprendre que le personnage social qu’il joue n’est pas son être véritable : "Je me détestais. Non, non, non, j’en étais là, je détestais ma place dans la société." Il rédige et diffuse en une soirée une profession de foi, un texte dans lequel il définit ce que devrait être son métier : "Soyons honnêtes. […] Moins de clients, moins d’argent, davantage d’attention." Le sentiment de libération est immédiat : "J’étais redevenu le fils de mon père. J’avais perdu mon talent de frimeur. J’étais le moi que j’avais toujours voulu être."

Mais le réveil est de courte durée. Dès le lendemain matin, il devine les conséquences professionnelles de son esclandre et revient vite à son ancienne attitude. Classique aussi de ce style de 3, il faudra un lourd échec professionnel (le licenciement) et personnel (la séparation avec Avery) pour qu’il progresse réellement en laissant l’amour de Dorothy et celui de Rod le transformer.

Une des choses les plus frappantes chez Jerry, c’est son don relationnel, l’attention qu’il semble porter aux autres. À l’aéroport, non seulement il reconnaît Dorothy une petite employée de son entreprise, mais il se rappelle où est son bureau et comment il est décoré. À la fin de la conversation qui l’a ennuyé et gêné, il lui dit pourtant avec conviction : "Dorothy, c’était sympa." Dans l’avion, il converse avec sa voisine et celle-ci, émerveillée, lui demande : "Pourquoi est-il si facile de bavarder avec vous ?" Il noue avec les gens un lien fort basé sur des émotions apparentes : "Je vais vous faciliter votre décision. Vous, qu’est-ce que votre cœur vous dit ?"

Mais derrière cette apparence, il n’y a rien. Peu de gens le savent, sauf ceux qui ont essayé d’entrer dans son intimité. Lors de la fête d’enterrement de sa vie de garçon, la vidéo des interviews de ses amies tourne au réquisitoire : "Être seul, c’est pas son truc. […] Il ne sait pas être seul. […] C’est presque phobique chez lui. […] Pour ce qui est de l’amitié c’est un mec vraiment super. Il y a truc chez lui qui est moche, c’est l’intimité. […] Il ne sait pas dire « Je t’aime. »" Et une voix off dit : "Mensonges, mensonges, mensonges." Comme le plus souvent chez les 3, il ne s’agit pas d’un mensonge conscient mais d’une véritable incapacité à vivre, nommer et communiquer des émotions :

  Rod : [Parlant de Dorothy] Tu es amoureux d’elle ?
  Jerry : Comment savoir ?

Jerry adore la compétition. Quand Bob Sugar lui annonce qu’il est licencié, il réagit aussitôt :

  Jerry : Tu perdras.
  Bob : Tu voulais plus petit.
  Jerry : J’en suis guéri. Là, je veux tous mes clients. Et les tiens aussi.

Mais ce goût de la compétition se voit même quand il joue avec Ray, le fils de Dorothy.

Évidemment, Jerry ne supporte pas l’échec :

  Avery : Tu n’as rien d’un loser.
  Jerry : Pour quelle raison tu me parles de loser ?

Quand l’échec est là, c’est l’alcool, la déprime ("Je suis fini, je suis foutu, je suis couvert d’échecs.")… pour une soirée. Puis Jerry redémarre avec toute l’énergie et tout l’optimisme du 3 : "Ne vous inquiétez pas. C’est gagné d’avance parce que je vais repartir avec mon unique client et on va décrocher le jackpot. Salut, je repars ! Ne vous inquiétez pas.", "Dorothy, on repart plein pot. On revient vraiment à fond les manettes. J’ai resigné avec Cush. C’est la gagne."

Même à la fin du film, quand grâce notamment à l’exemple de Rod, il se connecte à son amour pour Dorothy et qu’il va la rejoindre chez elle, il faut qu’il amène un succès en trophée et en cadeau : "Ce soir, notre cher projet, notre boîte a fait un vrai carton, un vrai, un super, hyper carton." Alors, il peut enfin dire : "Je t’aime. Toi, tu es mon âme sœur."

Identification avancée : Jerry est un 3 α de sous-type social ("Prestige").

Avery Bishop (Kelly Preston) : 8

Avery est une bonne description d’un 8 assez désintégré.

Elle valorise la force de caractère, la capacité à ne pas se laisser aller à ses émotions. C’est vrai dans son métier : "Toi et moi on est des VRP. Des vendeurs. C’est pas ‘Aime-moi’, c’est pas franche poignée de mains, c’est ‘Fais la vente, signe le contrat’. Il ne faut pas confondre mon petit Jerry." C’est tout aussi vrai, si ce n’est plus, dans sa vie privée :

  Avery : Qu’est-ce qu’on avait décidé ? Dès nos premières rencontres. La brutale vérité, tu ne te rappelles pas ?
  Jerry : Je crois que toi, tu as ajouté "brutale".
  Avery : Jerry, il y a une sorte de sensibilité qu’on trouve chez pas mal de gens, tu vois. Je ne l’ai pas. Au ciné, moi, je ne pleure pas, je ne deviens pas gaga devant les bébés, je ne commence pas à fêter Noël avec cinq mois d’avance. Et moi, je ne dis pas à l’homme qui vient de bousiller notre vie : "Oh ! Pauvre petit lapin." C’est moi ça. Pour le meilleur ou pour le pire. Mais quand même je t’aime.

Une relation n’existe pas par des émotions partagées mais par une franchise mutuelle :

  Jerry : Écoute. Je ne suis pas sûr qu’on soit obligé de se raconter toutes nos petites histoires.
  Avery : Mais Jerry, c’est ça l’intimité.

Ce souci de parler vrai et directement ne peut pas être remis en cause : "Alors la franchise est interdite de séjour ? Je ne peux pas être franche ?"

Avec de telles valeurs, quand Avery se retrouve en position de faiblesse, elle réagit vite et fort :

  Jerry : C’est fini.
  Avery : Avant toi, on ne m’a jamais plaquée.
  Jerry : Je ne fais pas ça pour entrer dans l’histoire.
  Avery : Là où les cracks mettent 23 heures pour faire la Sierra Nevada en voie directe, moi j’ai mis 18 heures et 23 minutes. Je peux faire marcher notre affaire.
  Jerry : Non.
  Avery : [Émue, au bord des larmes] Oh ! Jerry !
  Jerry : [Il s’approche d’elle et lui caresse la joue.] Je n’ai jamais voulu te faire de mal.
  Avery : [Elle se retourne ; il la suit ; elle se tourne à nouveau vers lui et l’envoie au tapis de deux coups de poing au visage et un coup de genou au bas-ventre] Je ne te laisserai pas me faire de mal. Je suis bien trop forte pour toi, loser.

Avery a le langage vert assez fréquent chez les 8. "Allez, active, andouille !" dit-elle à Jerry au cours d’une randonnée pendant laquelle il a projeté de faire sa demande en mariage. Quand Jerry a perdu son emploi, elle l’encourage ainsi : "Je ne t’autoriserai aucun fiasco. Tu es Jerry Couille-de-mes-deux Maguire. […] Tu n’as rien d’un loser." Effet de la passion du 8, l’excès ou la luxure, cette attitude se manifeste encore plus nettement dans le domaine sexuel : "N’arrête pas de me baiser ! […] Si jamais tu veux que je fasse ça avec une fille…"

Identification avancée : Avery est un 8 α à aile 7.

Rod Tidwell (Cuba Gooding, Jr) : 2

Rod continue à travailler avec Jerry parce que ce dernier a promis à sa femme : "Plus de présence et d’attention." À partir de ce moment et pour tout le film, il n’a plus que le mot amour à la bouche : "Je t’aime bien. Oui je t’aime bien Jerry. Ma femme aussi t’aime bien. Je vais rester avec toi."

Il y a mieux : Jerry, abandonné par tous ses autres clients, a besoin d’aide. Le voilà donc irrésistible aux yeux de Rod qui va passer son temps à réclamer l’amour de Jerry en échange du soutien qu’il lui apporte :

  Rod : Tu m’aimes maintenant, hein Jerry ?
  Jerry : Je ne suis pas là pour te parler d’amour mais pour te faire gagner le blé.

Ou plus tard :

  Rod : Tu m’aimes maintenant, hein Jerry ?
  Jerry : À la folie !

Même quand Rod manipule agressivement Jerry en lui faisant hurler dans son bureau "Gagne-moi le blé !", il ne peut s’empêcher d’ajouter : "Je veux que tu dises ça avec émotion, mon frère."

La pire insulte qu’on puisse faire à Rod, c’est de contester ce côté émotionnel. Quand Jerry lui reproche de fonctionner sur le terrain "avec la tête, pas avec le cœur", il éclate : "Pas de cœur, moi ! Pas de cœur ! J’ai un cœur gros comme ça, enfoiré !"

Pour Rod, le manque d’attention et d’amour est invivable. À l’aéroport, quand Jerry le salue à peine pour aller voir un autre sportif, il souffre visiblement et se plaint : "Je vois bien que je n’intéresse absolument personne." À l’inverse lorsque Jerry s’occupe vraiment de lui, Rod est aux anges : "T’entendre dire ça, ça me rend fou d’amour, ma vieille. Tu le sais ça. Jerry, reviens !" Quand Jerry demande explicitement de l’aide, c’est le bonheur suprême :

  Jerry : Je suis venu pour toi. […] Alors, alors, aide-moi, aide-moi Rod, aide-moi à t’aider. Épaule-moi, c’est pour toi. Épaule-moi, c’est pour toi.
  Rod : […] Toi, tu t’accroches aux branches et tu tiens que par un fil et ça, tu vois, ça me fait bander. Je vais t’aider à m’épauler, épauler tout le monde. Là, t’es mon pote.

Cet amour, il le veut inconditionnel et fusionnel : "On se la joue à deux celle-là et, tu veux que je te dise, il faudra qu’on fasse qu’un. Tous les deux, tu sais." De façon générale, Rod est très possessif : "Je ne veux pas que tu ailles au cinéma sans moi.", dit-il à sa femme.

Il veut aussi que cet amour soit universel. Quand le journaliste lui remet le contrat négocié pour lui par Jerry, il clame : "J’aime. J’aime tout le monde. J’aime ma femme. Oh Marcee ! J’aime mes enfants…" Suit toute la litanie des gens qu’il aime jusqu’à Jerry.

Rod met tout sur le plan émotionnel, même les relations publicitaires avec les sponsors : "Ils ne m’ont pas fait de câlins chez Chevrolet. Ils ne m’ont pas fait de câlins chez Pepsi. Oui. Ils ne m’en ont pas fait avec leur petit lapin chez Energizer et je peux te dire qu’ils ne m’ont pas fait de câlins chez Reebok."

Malgré le côté caricatural, hystérique, du personnage, Rod aime vraiment Jerry. Il veille à ce qu’il ne se cogne pas quand ils marchent ensemble. Il se soucie de la réussite de son mariage : "Retourne auprès de ta femme. […] Qu’est-ce que tu fais ici ? T’aurais pu me dire toutes ces conneries par téléphone." Quand il a fait un triomphe au stade, il n’accorde pas un moment aux journalistes ; la priorité, c’est d’embrasser et de remercier Jerry et de contacter sa femme : "Marcee, je t’aime. Si tu savais comme je t’aime. Je t’aime. Je t’aime." C’est en voyant et entendant cela que Jerry comprend enfin vraiment sa propre insuffisance émotionnelle et change.

Identification avancée : Rod est un 2 de sous-type social ("Ambition").

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Laurel Boyd (jouée par Bonnie Hunt), la "sœur ronchon" de Dorothy, est une 1 à aile 2.

Chad (joué par Todd Louiso), la nounou de Roy amateur de jazz, est un 4 de sous-type social ("Honte").

Bob Sugar (joué par Jay Mohr), celui qui licencie Jerry, est un 3 α.

Dicky Fox (joué par Jared Jussim), le mentor de Jerry Maguire dont les maximes ponctuent le film, est un 3. C’est lui qui a le mot de la fin : "Je vous souhaite à tous mes heures de succès."

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description du film