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Avril enchanté
Analyse

Avril enchanté est un film d’atmosphère simple et nuancé. Le type de certains personnages, Rose et Lottie notamment, ne se manifeste pas par des déclarations tranchées ou des actes déterminants ; il ressort plus de l’énergie qui rayonne d’eux, de leur sensibilité générale et de la façon dont ils interagissent.

Rose Arbuthnot (Miranda Richardson) : 9

Ce qui frappe le plus dans le personnage de Rose c’est son calme, calme physique et psychologique. Elle a un visage lisse où très peu d’émotions se manifestent. George, le propriétaire du château, y reconnaît les tableaux de la Vierge qui ornent les murs de San Salvatore. Frederick, son mari, la traite de "madone éplorée", mais le terme de madone résignée serait plus exact.

Son couple avec Frederick est un échec. Elle, si pieuse, ne comprend pas ses sorties, son indifférence aux problèmes de la vie, la nature des livres qu’il écrit. Elle sait tout cela, mais ne l’exprime pas et ne fait rien pour résoudre le problème. Elle est sans espoir que la situation puisse s’arranger : "La vérité, c’est que je l’ennuie et il n’y a aucun espoir si vous ennuyez quelqu’un de pouvoir l’intéresser à nouveau."

Rose est très peu active. Elle va au club de femmes, elle se réfugie dans la religion… C’est sous une impulsion extérieure, l’énergie de Lottie, qu’elle passe à l’action : deux fois dans le film, pour partir en Italie et pour écrire à son mari de la rejoindre. Le reste du temps, elle ne fait rien, n’exprime pas de besoin. Cet oubli de soi est montré dans une scène symbolique où un lézard passe sur son dos, puis sur sa tête sans qu’elle s’en aperçoive.

Rose évite les propos brusques et les conflits. C’est sans doute pour cela que "tout le monde l’adore". Quand Lottie l’aborde brusquement au club, on la sent choquée et désireuse d’échapper à cette embarrassante intrusion, mais elle ne sait comment faire. Quand Lottie et Mrs Fisher s’accrochent, par exemple au sujet des références, elle fait tout pour calmer le jeu. Même quand elle s’oppose à Mrs Fisher, elle le fait avec un ton de voix et une expression de visage calmes. À ces moments-là, elle manifeste très clairement la force tranquille du 9, due à la préférence et la répression simultanée du centre instinctif.

Comme presque tous les personnages du film, Rose s’intègre à la fin, agit et se connecte à l’amour qu’elle éprouve pour Frederick.

Identification avancée : Rose est un 9 à aile 1.

Frederick Arbuthnot (Jim Broadbent) : 7

Frederick est un épicurien. Il arbore en permanence un sourire ravi sur son visage rougeaud d’amateur des plaisirs de la table. Il chantonne en permanence. Il vit de l’écriture de romans un peu osés. Il aime le plaisir des réceptions où il courtise Lady Caroline. Il fuit ou ignore la souffrance : il rit quand il arrive fort essoufflé à San Salvatore.

Rose sait bien que la pire chose pour lui est de s’ennuyer. Il est optimiste et gai : "Si on se trouve déjà au fond du trou, il faut arrêter de creuser." Il aime les gens qui ont la même bonne humeur que lui :

  Rose : Le péché est immortel.
  Frederick : Voilà une pensée démoralisante.

Sa morale dans la vie se limite à vivre et laisser vivre :

  Rose : J’aimerais prendre quelques jours de vacances en Italie avec une amie, courant avril.
  Frederick : Très bonne idée.
  Rose : [Moue résignée] Oui, c’est la réaction à laquelle je m’attendais.

Venu à San Salvatore pour retrouver Lady Caroline, il est surpris d’y retrouver sa femme, mais sait retomber sur ses pieds et profite sans remords de la situation.

Lottie Wilkins (Josie Lawrence) : 6

Lottie a beaucoup d’énergie ; elle est nerveuse, parle rapidement, avec de nombreuses associations d’idées et pas mal d’humour. Elle ne contrôle pas ce qu’elle dit comme lors de la première rencontre avec Mrs Fisher. Elle est modeste et a le sens du partage.

Elle a une relation avec son mari qui exprime bien le rapport des 6 à l’autorité. Apparemment, elle lui est soumise. Comme il lui a demandé d’enregistrer ses dépenses sur un carnet, elle le fait scrupuleusement : elle fait l’aumône à un pauvre avant d’entrer au club et la note aussitôt, dehors sous la pluie. À la maison, elle ose à peine parler à Mellersh, si ce n’est très doucement et calmement. Elle est ravie de ses rares compliments ("Excellente cette sole, ma chérie."). Quel contraste avec la Lottie de l’extérieur, une rebelle qui parle fort et vite, qui convainc Rose à l’arraché et qui monte le voyage en Italie…

Comme de nombreux 6, Lottie est très émotionnelle. Elle embrasse volontiers. Cependant, elle se décrit comme quelqu’un qui a été "avare de [ses] sentiments". Elle a aimé Mellersh comme il l’a aimé, c’est-à-dire peu et mal ; avec les autres, elle a été "très gentille" plus qu’aimante.

Plusieurs fois, Lottie manifeste ou exprime la peur du 6 : devant la voiture en sortant de chez Briggs, dans le fiacre qui l’emmène à San Salvatore, lors d’une discussion à San Salvatore ("Je trouve ça terrifiant").

Lottie a tendance à projeter sur les autres les sentiments qu’elle éprouve : "J’ai lu sur votre visage que vous en aviez autant envie que moi", dit-elle à Rose à propos de la location du château ; "Je suis persuadée qu’il en souffre.", affirme-t-elle de Mellersh resté seul à Londres, alors que c’est elle qui souffre et culpabilise de son absence.

L’intégration de Lottie est le moteur du film, la source de progrès de tous les autres personnages. Elle vit et exprime ses émotions, elle prend sa vie en main, elle accepte paisiblement les autres et les transforme par son exemple.

Identification avancée : Lottie est un 6 de sous-type conservation ("Cordialité").

Mellersh Wilkins (Alfred Molina) : 3

Mellersh est soucieux avant tout de son image et de ses affaires.

Il calcule l’heure appropriée d’arrivée à une réception en fonction de l’opinion qu’auront de lui les autres personnes : ni 20h30 parce que cela ferait impatient, ni 20h45 pour ne pas paraître sans-gêne ; 20h40 sera donc parfait ! À cette réception, la présence de sa femme est indispensable non pas pour elle-même mais pour de simples questions d’apparences. Quant à savoir comment se conduire avec les invités, c’est simple : "Si vous les flattez, vous ne pouvez pas vous tromper."

Quand il rejoint Lottie à San Salvatore, c’est uniquement parce que Lady Caroline y est et qu’il espère faire affaire avec elle "J’ai réfléchi à tout ce que je vais lui dire." C’est cette occasion qui lui fait enfin trouver intérêt à sa femme : "Pour une fois, vous m’êtes d’une grande utilité." Sa femme doit être quelque chose qui concoure à sa réussite sociale : "J’ai réalisé à quel point vous m’êtes indispensable. […] Dans ma profession, j’ai besoin d’avoir une femme très intelligente et très séduisante." Comme sa femme lui est utile en affaire, il prend en charge ses frais à San Salvatore.

Mellersh est séducteur vis-à-vis de Lady Caroline et de Mrs Fisher.

Lui aussi est transformé par l’intégration de Lottie et se connecte à de vraies émotions et à un amour sincère pour elle.

Identification avancée : Mellersh est un 3 de sous-type conservation("Sécurité").

Mrs Fisher (Joan Plowright) : 1

Mrs Fisher est un excellent exemple d’un 1 allant mal. Elle sait comment le monde et les autres doivent fonctionner et elle passe son temps à faire de la morale : "Vous, voilà, enfin !", "Aucune d’entre elles n’est à l’heure. Quel laisser-aller !", "Les maris sont une chose sérieuse.", "Le remède adéquat pour la migraine, c’est l’huile de castor.", "Écoutez mes conseils, si vous ne voulez pas tomber malade.", "C’est très imprudent et non moins inconvenant.", "Je désapprouve les gens qui fument à l’intérieur."

Raide comme sa canne, Mrs Fisher passe son temps à dire "Il faut" ou "On doit". Elle se veut sérieuse : "Je ne me laisserai pas aller à ces enfantillages", dit-elle quand elle ressent l’envie de peindre. Elle essaye d’être parfaite : "Je suis la personne idéale pour partager vos vacances."

Mrs Fisher est très orientée vers le passé, "un temps meilleur avec des hommes meilleurs". Mais là aussi, le petit miracle Lottie va jouer. Mrs Fisher prend peu à peu conscience qu’enfermée dans le passé et dans les règles, elle est déjà morte. Peu à peu, elle retrouve des émotions et du plaisir, avec inquiétude et surprise au début : "Pourquoi suis-je si agitée ? J’ai l’impression qu’il va arriver quelque chose."

Trois fois, Lottie l’embrasse : la première fois, elle se dégage énervée ; la deuxième fois, elle rit gênée ("Doux Jésus, quel enfant !") ; la troisième fois, elle accepte heureuse : "Merci, ma chérie." Capable de profiter du présent ("J’en ai assez de la mort. C’est la vie que je veux.") et de plaisanter, Mrs Fisher abandonne symboliquement sa canne en quittant San Salvatore.

Identification avancée : Mrs Fisher est un 1 de sous-type social ("Inadaptation").

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description du film