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Étude de l'ennéatype de Stromae
Anne Thibaut

Stromae (à prononcer Stromaï), de son vrai nom Paul van Haver, est cet artiste belge, bruxellois, chanteur, compositeur,  au succès fulgurant avec notamment la chanson « Alors on danse » (au « couplet qui donne envie de se suicider et [au] refrain qui donne envie de pique-niquer », dixit Jamel Debouzze). En 2015, son album "Racine carrée" s’est vendu à plus de 2,5 millions d’exemplaires, dont près de 2 millions en France. Plusieurs biographies ont été écrites à son sujet mais, à ma connaissance, aucun des biographes n’a pu l’interviewer.

Au-delà de sa belgitude, sans être une fan, le personnage m’est sympathique. J’apprécie la musique de ses mots, l’esthétique de ses vidéos, et je suis impressionnée par la manière dont il joue avec les médias et se joue d’eux. Avant d’y avoir réfléchi sérieusement, je pensais à un ennéatype 4 pour ses stratégies de communication innovantes, ses tenues, son goût de l’esthétisme et les références à Jacques Brel, ou encore à un ennéatype 9 pour son côté « gentil ». J’ai en réalité découvert quelqu’un avec les mêmes caractéristiques que moi en ennéagramme et qui m’a tour à tour touché et… agacé, l’effet miroir jouant à maintes reprises. J’ai donc essayé d’être vigilante au mécanisme de projection.

Stromae

La hiérarchie des centres

Plusieurs indices permettent de privilégier la piste d’un centre mental préféré chez Stromae :

  • Il y a d’abord la peur, très présente chez le chanteur. Stromae a un besoin de se protéger du monde dont il a peur. « Inventer un personnage ultra-stylisé a d’abord répondu à un besoin de me protéger, de cacher mon “vrai” moi du regard des médias. » [1]
  • Ensuite, le besoin de comprendre et d’analyser est permanent. Il dit dans une interview : « Je suis une espèce de maniaque qui veut toujours tout expliquer. Même dans sa vie privée." [2] Plusieurs personnes disent de lui qu’il aime analyser longuement les choses avant d’agir : « C’est quelqu’un qui a envie de foncer, d’avancer, avec réflexion" », affirme une de ses collaboratrices [3] ; « L’artiste musical le plus unanimement encensé est aussi un fervent adepte de l’autoanalyse et insiste sur ses rugosités intérieures », écrit une journaliste de Psychologies Magazine [4].
  • La manière dont il écrit ses textes, qui traitent de sujets actuels avec humour noir, doubles sens et jeux de mots, me fait également penser à une écriture privilégiant le centre mental.

Pour le centre de support, mon hypothèse va davantage vers le centre émotionnel. Voici quelques éléments l’étayant :

  • Ressentir des émotions est important pour lui. Les émotions sont une sorte de boussole dans son travail d’écriture. À propos de la chanson « Formidable », il dit : « Je me disais que j’avais réussi à être sincère. Et même si c’est mégalo, je m’étais touché. C’est après cela que je courais, en fait : retrouver une certaine sincérité dans l’écriture. […] Et là, tu ressens une vraie émotion sur ta musique et tu sais pourquoi tu as choisi ce métier… J’en ai pleuré » [5, p. 135]
  • Ces émotions vécues, il sait les transmettre lorsqu’il chante en les mettant au service des paroles de ses chansons ; c’est une des raisons pour laquelle on le compare souvent à Jacques Brel.
  • Il semble assez émotif et a pleuré à plusieurs reprises lors d’interviews télévisées. Lors d’une émission ivoirienne appelée C’Midi [6], Stromae visionne un film sur le génocide rwandais. Lorsque l’animatrice demande une réaction de sa part, le chanteur est très visiblement ému : « C’est horrible, ça m’a touché et ça me touche encore de voir qu’on n’arrive pas encore tout à fait à vivre ensemble en fait. Et ça, c’est vrai­ment diff… » Le dernier mot se perd dans un sanglot. Confus, Stromae s’excuse, en larmes : « Pardon, pardon, pardon. En fait, c’est bizarre, ça fait déjà trois fois que je pleure en interview. Je suis désolé pour ça. »

La confusion entraînée par le visionnage du film, qui le touche particulièrement puisqu’il a perdu son père lors du génocide, est un indice de la bascule du centre mental, qui semblait bien fonctionner avant cet incident.

Dans cette même émission [6], il explique sa rencontre avec des musiciens africains : « Je remercie encore Romain qui m’a poussé à sortir un peu de chez moi, parce que, moi, si on ne me dit rien, je ne fais rien. » Ailleurs [5, p. 177], il raconte que son rituel avant de monter sur scène est « de sautiller sur place pour [se] réveiller ». Ces deux attitudes me paraissent manifester une répression du centre instinctif.

L’hypothèse retenue pour la hiérarchie des centres est donc un centre mental préféré avec un centre émotionnel en support et un centre instinctif réprimé, combiné au centre mental co-réprimé : CM-CE-CI[-CM].

L’attachement à un groupe et la peur de la déviance

Le journaliste Arnaud Sagnard [7] résume bien l’attachement de Stromae à un groupe essentiellement composé de sa famille et de quelques amis proches : « Paul van Haver travaille en bande, en particulier avec Romain Bilharz du label Vertigo et avec deux de ses frères, Luc, directeur artistique, et Dati, photographe. Souvent, il dit “nous” d’ailleurs. Cela ajoute de la cohérence à son univers dont chaque partie s’emboîte déjà parfaitement dans l’ensemble. » Stromae est entouré de personnes proches et en a besoin pour se rassurer. Lors du tournage du clip « Formidable », il confie avoir été plutôt anxieux avant de débuter la vidéo : « La veille, je passais des coups de téléphone aux proches, à mon frère, je lui disais : “Tu penses vraiment que c’est une bonne idée ?” » Avant d’ajouter : « C’était un grand moment de solitude, j’avais honte. » [8]

Face à ce groupe qui lui apporte la sécurité, la compulsion du 6, l’évitement de la déviance, peut se manifester, comme l’extrait ci-après semble en témoigner : « Je ne suis pas chef au sens où on l’entend. Quand il faut trancher, je tranche mais j’essaie d’avoir l’avis de tout le monde, j’avoue que je me sens mal si je n’ai pas eu les avis de certains de l’équipe. » [9, p. 233]

À la fin du reportage « Stromae dans la cour des grands » réalisé en 2012 [10], il dit : « Je suis très bien ici [en parlant de la maison de sa mère]. Y’a qu’ici que je peux avoir cette fausse solitude. Je  peux m’isoler, je suis pas vraiment  tout seul. Quand je suis vraiment tout tout seul, j’ai pas l’impression qu’il y ait de très chouettes choses qui sortent. » Ce qui me fait penser à la peur de base du 6 : « Être sans soutien ».

La passion de peur

Stromae se considère comme un anxieux : « Comme je suis plutôt terre-à-terre et anxieux, j’ai tendance à penser à l’après directement. J’essaie de rester concentré, de garder la même énergie, de travailler avec les mêmes personnes depuis le début. Je pense que j’ai respecté ça même s’il y a beaucoup de pressions. » [11] Dans une autre interview [7], le journaliste raconte : « Anxieux de ne pas encore avoir trouvé le titre de son album quand nous le rencontrons, il nous suggère de faire des propositions. Une semaine après, lors d’un nouvel entretien à Paris, il est fébrile, il a travaillé toute la nuit avec son équipe sur le mixage final du disque et s’inquiète de savoir ce que les journalistes en ont pensé. “Avant, je flippais de faire circuler les morceaux, je voulais tout garder pour moi, maintenant je fais écouter et c’est une autre forme de torture.” »

À l’occasion de sa tournée dans les pays anglophones, le magazine Vibe [12] lui demande s’il est « anxieux de partager [son] talent avec des personnes qui n’ont probablement aucune idée de qui [il est], ni de ce qu’[il dit] dans [ses] chansons ? » Il répond : « Bien sûr que je le suis. Je suis très anxieux, mais c’est une bonne énergie. C’est du bon stress. Ça va être bien, j’espère. Je vais essayer de donner le meilleur de moi-même et j’espère que les gens vont comprendre quelque chose, même si c’est en français. »

Son entourage constate aussi son anxiété. Ainsi Rachel Lecomte, sa productrice de vidéos en  2010, dit : « Il peut être anxieux, oui ! Il peut être très très anxieux. Ça dépend de beaucoup de choses : de la situation, des rencontres, de l’entourage aussi. Il est bien entouré. J’aime beaucoup les personnes qui l’entourent. Il peut être anxieux mais il peut être rassuré assez vite, aussi." » [3]

Arnaud Sagnard [7] clôture son article en disant : « À l’évidence, le jeune homme qui s’agite en face de nous, aussi enthousiaste qu’inquiet, est un enfant qui a grandi trop vite et a déjà compris ce qu’on met parfois une vie à saisir. »

Dans une autre interview [13], Stromae explique : « Ça me fait peur d’être un jour détesté. Certains artistes que j’admire commencent à un certain moment à me faire vomir. Et c’est cela, ma peur. Ça s’appelle être névrosé, ce que je suis en fait. Toujours la crainte de l’après. La peur de décevoir c’est un peu mon métier. »

Stromae a peur du succès. Par exemple, dans un article de Elle [14], Stromae, visiblement bouleversé, explique : « Je suis inquiet pour ma santé mentale et veux être avec ma famille […] Je ne crois pas qu’il soit normal d’attirer ce genre d’attention… Je pense que je vais avoir besoin de quelques années pour me guérir. » On notera de nouveau le besoin d’être avec son groupe, sa famille, pour être en sécurité.

Comme beaucoup de 6, Stromae n’aime pas les éloges. La peur se manifeste ici à propos du fait qu’on le considère comme un « génie » : « Le terme qui me gêne le plus — et je l’ai lu me concernant — c’est génie. Star, génie et artiste, ce sont les termes qui me gênent le plus. Oui, c’est un phénomène le fait que les gens se ruent autant sur ce disque mais après, je trouve que ces termes déshumanisent complètement. Et ce n’est pas de la fausse modestie ni de l’hypocrisie. C’est complètement sincère. Ce sont ces termes qui rendent malade. Je te l’ai déjà dit que star n’est pas un métier. On en a déjà parlé plusieurs fois. Le terme génie est propre à notre époque, et c’est très mauvais pour la santé. C’est un super beau compliment mais ça me fait peur. » [15]

Lors de sa préparation du spectacle des Victoires de la musique [10], on peut observer cette faculté à imaginer le pire, caractéristique de l’ennéatype 6. Il dit à un technicien : « Ça me fait peur parce que tout a été bien. Ça me fait peur. » Le technicien demande : « Tu préfères quand tout va mal ? » Stromae répond : « Oui, je préfère quand tout va mal […] En général ça met la pression. Ça te met pas les boules, toi ? Parce qu’on dit toujours mauvaise générale égale bonne première, et bonne générale égale mauvaise première. »

Stromae manifeste tantôt son côté phobique, tantôt son côté contrephobique :

  • « Je suis très timide, et ça doit rester comme ça parce que sinon, je ne pourrais pas être comme je suis sur scène, vous comprenez. C’est parce que je suis si timide que je peux être aussi prétentieux sur scène, comme “OK, qui es-tu pour te produire sur scène devant des milliers de personnes ?” Je suis un peu fou, oui. Peut-être que vous devriez savoir que je suis un peu fou. » [12]
  • « J’ai jamais été un grand rebelle. Soit tu t’assumes rebelle soit tu te tais. Je me suis tu. » [16]
  • À propos du tournage de son clip « Formidable" » : « Franchement, je ne m’attendais pas à un tel succès. Cette vidéo était une vraie prise de risque : faire croire que j’étais bourré dans la rue, laisser les premières images filmées par des témoins circuler sur le web… Jusqu’à la veille, j’ai hésité ! Et puis j’avais besoin de me mettre en danger. Quand ça devient confortable, ça m’intéresse moins. » [17]

Stromae n’aime pas beaucoup les changements inattendus, caractéristique typique du 6 liée à la peur : « J’ai un côté papy qui ne change pas ses habitudes. » [5, p 125}

La projection

Plusieurs fois dans le reportage « Stromae dans la cour des grands » [10], Stromae affirme que tout le monde est comme lui : « Je suis un obsédé de l’erreur, de la perfection. Je crois, comme tout le monde. Tout le monde est comme ça » ; « Tous les artistes ont cette envie-là. Tous les passionnés sont un peu compétiteur sinon t’es pas passionné. »

À propos, de la paternité, il déclare : « On passe tous par là, quand on est un peu conscient, les mêmes doutes et les mêmes craintes d’amener un enfant dans ce monde de fous où l’on nous empoisonne, où l’on nous manipule, où nos faits et gestes sont sous surveillance… jusqu’à ce que l’on tombe profondément amoureux et que le désir de faire un enfant avec la personne qu’on aime balaie tout ce qui est raisonnable. » [9]

La fixation de doute et de suspicion

Le doute transparaît aussi souvent. Stromae explique dans une interview : « Je suis indécis. […] L’album me ressemble : je n’ai pas envie d’être trop “happy end” ni non plus trop noir, trop sombre. Je suis entre les deux. Je pose du coup des intros très joyeuses sur des paroles sombres pour contrebalancer tout le temps. » [8]

Dans un reportage [10], on le voit discuter avec une styliste à propos du costume qu’il va porter et en particulier de la manière de porter sa casquette et sa veste : « On peut bien [mettre la casquette] sur les yeux, ou pas ? Sur les yeux comme ça ? Ou pas ? Ou c’est nul ? Et la veste, fermée jusqu’en haut ? On peut ou pas ? » Quelque temps plus tard, son indécision tourne autour des chaussettes : « Bon les gars, les chaussettes, les foncées ou les claires ? Ça va être… C’est mieux ça ? C’est pas très joli ? C’est pas mieux, non ? Gauche ou droite ? »

Son frère résume bien la situation : « Son plus grand défaut, c’est qu’il est indécis. Il est pas assez : “Allez, faut y aller, faut qu’on fonce.” »

Quand on lui demande comment il explique le côté entièrement neuf de sa musique, Stromae répond : « Je crois que c’est surtout... Exemple concret pour parler de ses défauts, c’est mon côté de ne jamais faire de choix, et heu, c’est mon défaut. » [16]

Pendant la composition de son deuxième album, Stromae dit n’avoir lu qu’un seul livre : Comment déjouer les pièges de l’information ou Les règles d’or de la zététique, d’Henri Broch. La zététique est… l’art du doute. Il précise : « Je suis quelqu’un de très indécis. C’est d’ailleurs plus ou moins le thème de ma chanson “Bâtard”… sur la prise de position, et comment le connard est celui qui ne fait jamais de choix, ou au contraire, l’extrémiste qui exige d’en faire. Ne pas s’engager, c’est une question d’estime de soi. La peur d’être jugé. » [18]

On retrouve aussi chez Stromae le manque de confiance vis-à-vis des autres. Dans leur biographie de Stromae, Prune Arnoul et Cédric Naïmi, expliquent qu’il aime la vérité et démonte son propre mécanisme avec la même lucidité et la même bienveillance qu’il démonte celui des autres : « Mes convictions sont essentiellement humanistes. Pour le reste j’avoue une certaine distance désabusée. Je suis du genre à me dire : “De toute façon, à qui faire confiance ?” » [9, p. 230] On peut également  lire dans le même ouvrage qu’il a « du mal à déléguer ». [9, p. 223]

Sur le divan de Psychologies Magazine, Stromae explique : « Je me laisse difficilement atteindre lors des premières rencontres et je suis assez parano. Il faut longtemps pour que ma confiance s’installe. » Plus loin dans  l’interview, il précise : « À quel moment est-ce qu’une personne qui me parle est encore sincère ? On peut vite tomber dans la parano. » Et comme pour se rassurer, il ajoute : « Je continue à croire que l’on peut rencontrer des gens sincères, même avec le succès et la notoriété. Sinon ce ne serait pas possible et ce serait surtout très triste pour moi. » [4, p. 196]

Pour l’anecdote, son premier duo musical quand il avait 18 ans s’appelait… "Suspicion" !

Les instincts

L’instinct de conservation et le sous-type « Cordialité »

Dans un article du journal belge Le Soir [15], le journaliste lui parle de sa place dans la politique et les problèmes communautaires belges et Stromae répond : « Je sais qu’on dit que la politique, c’est la vie, et la vie la politique, mais au final, j’essaie de faire mon métier qui n’est pas de diriger un pays. On va leur demander donc à eux, les politiques, de faire leur métier. Moi je fais le mien du mieux que je peux. Donc, chers politiciens, si je puis me permettre, nous, on vous demande simplement de donner à manger aux gens. » Cette dernière phrase pourrait être un indice d’une blessure à l’instinct de conservation. Cette préoccupation pour la survie physique se retrouve dans la devise de Stromae telle que rapportée par Naïmi et Arnoul [9, p. 243] : « Calme-toi, c’est de la musique ! Ce n’est pas l’agriculture, ton métier ne sert à rien. »

Le thème de sa chanson « Quand c’est ? », qui traite du cancer, témoigne d’une peur de la maladie : « Heureusement, personne dans ma famille n’a été touché, je touche du bois. Mais c’est un peu comme dans Blanche Neige, j’ai l’impression qu’on interroge sans cesse le miroir. » [5, p. 128]

Stromae se décrit comme « toujours très poli, courtois, sympathique, souriant, de prime abord. […] Je préfère me montrer simplet et naïf, et prendre le temps au bon moment pour découvrir les gens » [5, p. 193] À une fan qui lui demande « tu es toujours très souriant, ça a été logique d’appeler ton album Cheese ? », il répond : « Le sourire est une arme, un bouclier, une thérapie. » [5, p. 111] Ces phrases me font irrésistiblement penser au sous-type cordialité du 6.

L’instinct social

L’instinct social semble également blessé. Stromae déclare à plusieurs reprises avoir « une soif de reconnaissance ».  Déjà enfant, il semble avoir ce besoin aux yeux de sa famille : « Enfant, sa maman avait l’habitude de filmer très souvent les fêtes de famille, et Stromae se débrouillait pour y apparaître toujours au premier plan, ce qui faisait dire à sa mère “tu seras un artiste, mon fils”, et à ses grands frères, fatigués de voir toujours le même clown s’agiter devant la caméra “Dégage, Popaul, on t’a assez vu !” Une certaine mégalomanie, un certain narcissisme, confirmé par le métier qu’il exerce aujourd’hui ! » [9, p. 200]

Sa « schizophrénie » bien organisée lui permet d’interpréter et d’oser sur scène ce qu’il n’ose pas dans la vie pour étancher sa soif de reconnaissance : « J’ai besoin de plus d’affection que les autres. Pour qui je me prends ? Je ne sais pas. Peut-être que c’est ma façon à moi de me soigner. » [4] « J’ai la peur obsessionnelle de déplaire », dit-il ailleurs. [5, p 161]

L’instinct sexuel et le sous-type force-beauté

L’instinct sexuel paraît aussi blessé. Il raconte à une journaliste [5, p. 169] : « Je suis vraiment extrêmement timide dans la vie. […] Là par exemple, on parle, mais si tu n’étais pas venue me parler, on n’aurait jamais pu discuter. Je suis incapable d’engager une conversation pour draguer ou pour n’importe quoi d’autre, je n’y arriverai pas. J’ai automatiquement l’impression d’être un loser. » Plus loin dans l’interview, il confirme : « De manière générale, on me reconnaît, et au niveau de la drague, c’est sûr que ça aide car je n’ai plus à accoster les gens, on vient beaucoup me parler. C’est un rééquilibrage dans la vie. »

S’il se retrouve seul dans un ascenseur, Stromae raconte qu’il « se recoiffe, mais seulement s’[il est] sûr que personne ne [le] regarde. Et [il] checke qu’[il] n’a pas un bout de salade entre les dents. » [5, p 158] On perçoit la honte que le modèle de la spirale dynamique associe au niveau Rouge et à l’instinct sexuel.

Une manière dont pourrait s’exprimer l’instinct sexuel compatible avec l’ennéatype 6 est son goût pour l’esthétisme. Stromae attache énormément d’importance à ses tenues dans le cadre de son travail. Dans la vraie vie, il dit s’habiller beaucoup plus discrètement [9, p. 234]. Un de ses collaborateurs dit de lui : « Ce que j’apprécie le plus c’est son sens de l’esthétisme. Tout dans sa vie, principalement dans son boulot, a une importance au niveau de l’esthétisme. » Un autre dit aussi : « Il se donne pas des limites artistiques. Je pense pas qu’il ait la folie des grandeurs, je pense qu’il a envie de faire des belles choses. » [10]

Aile

L’aile 5 me paraît la plus probable. L’extrait d’interview ci-après [19] de Stéphane Koechlin, auteur de la première biographie de Stromae, « Formidable Stromae », me semble en effet indiquer la passion d’avarice, c’est-à-dire secret et non disponibilité : « Il a fait beaucoup d’interviews au moment de la sortie de Racine carrée, pour lancer la machine. Mais désormais, il a radicalement verrouillé sa communication. Il a décidé de la jouer comme Daft Punk. De miser sur plus de mystère. De parier sur l’invisibilité, dans les médias traditionnels en tout cas. Il a composé une armée de soldats à ses ordres. L’entourage de Stromae, c’est la cité interdite. Lui ne parle plus, et il a interdit à ses proches de se livrer à des interviews. Son manager, son ingénieur du son, ses frères qui travaillent avec lui, et jusqu’au directeur de l’Institut où il a étudié, tous m’ont répondu qu’ils n’en avaient pas le droit. […] Il a un air de charmant bricoleur comme ça, et il l’est d’ailleurs, précise Koechlin, mais l’affaire est dirigée d’une main de fer. […] Il parle très peu de sa vie privée dans la presse. On n’a jamais vu sa mère. Ni ses frères et sœurs. Il est très secret sur ses petites amies. D’ailleurs, les journaux people ne le traquent pas. Preuve que quand on veut vraiment cacher sa vie privée on y arrive… […] Quand il décide de faire de la promo, il fixe lui-même très précisément les limites. Ce qui ne l’empêche pas d’être un être charmant. »

Après l’énorme succès de son dernier album, le chanteur a décidé de s’éloigner de la scène médiatique et a confirmé que son prochain album se ferait désirer. « Peut-être que je vais laisser passer deux ou trois, ou même quatre ans avant d’en faire un autre, je ne suis pas sûr », peut-on lire dans l’article où il explique qu’il est inquiet pour sa santé mentale et souhaite être près de sa famille. [14] On pourrait y voir là du détachement.

Mode de communication

Il se montre souvent modeste en interview, ce qui me fait penser au style de communication « Limites » du 6 : « Tu fais caca comme tout le monde et t’es le petit, l’avant dernier et voilà c’est tout. T’es l’avant dernier et que des tartes t’en as déjà ramassé et que tu peux encore en ramasser. C’est très bien, les gifles c’est bon pour la santé de temps en temps. » [10] Un de ses collaborateurs explique : « Il a une faculté de modestie, de second degré, de recul par rapport à son travail. C’est toutes ces facultés et ces qualités qui font son succès. » ]10]

À propos de son style vestimentaire, une journaliste de Elle constate : «Il a un style particulier que personne n’a en France ni en Belgique. » Stromae précise : « Ce serait mentir de dire que je ne suis pas à la mode. C’est essayer de sentir, de mettre des choses que personne ne mettrait mais finalement je ne prends pas trop de risque. Tu sais le mot qui m’irait à merveille c’est vraiment… le juste milieu tout le temps. » [10]

La plupart des gens qu’il rencontre le disent gentil, respectueux, très comme il faut, témoignant d’une certaine correction. Stromae utilise souvent les mots « il faut », « je dois », « obligation » : « À un certain moment, il faut savoir faire confiance », puis quelques lignes plus loin « Pour redevenir sain d’esprit, il faut aller dans sa famille et se faire remettre à sa place. » [5, p 170] Il apprécie les règles. Quand on lui demande ce qui l’agace, il répond : « Quand on me demande des photos de manière très impolie. Ça, ça m’agace beaucoup. Je le dis rarement, mais un bonjour, un s’il te plaît, ou un merci, ça fait du bien ! » [5, p. 105] Il confirme à Psychologies Magazine : « Les règles sont importantes pour moi. J’ai l’impression que cela m’a forgé. J’ai surtout à gérer ma frustration. Je pense que si l’on n’apprend pas ça très tôt, on peut avoir beaucoup de mal dans la vie. » [4]

Conclusion

L’hypothèse pour Stromae me semble converger vers un ennéatype 6 alpha, aile 5, sous-type conservation.

Sources 

[1] Anne Topaloff, « Stromae et Coralie Barbier : le couple nous parle de “Mosaert”, leur marque de prêt-à-porter ». L’Obs, 1er mai 2016.
[2] « Stromae :  “Je fonctionne avec mon temps” ». Moustique, 13 août 2013.
[3] « Stromae a bien la tête sur les épaules ». DH.be, 12 septembre 2010.
[4] Isabelle Blandiaux, « Stromae : “Je suis très dur avec moi-même” ». Psychologies Magazine Belgique, n° 37, décembre 2013, p. 18-23.
[5] Claire Lescure, Stromae : Formidable maestro des temps modernes ! Éditions Exclusif, 2014.
[6] « Spécial Stromae à C’Midi (partie 2) », RTI1, 22 mai 2015.
[7] Arnaud Sagnard, « La formidable histoire de Stromae ». GQ Magazine, 15 février 2014.
[8] Barbara Sebag, « Stromae : les coulisses du formidable buzz », Non Stop People, 29 juillet 2013.
[9] Cédric Naïmi & Prune Arnoul, Stromae, Éditions Carpentier, 2014.
[10] Christophe Dumoulin & David Haremza, « Stromae dans la cour des grands ». Okidoki Prod, août 2012.
[11] « Rencontre avec Stromae, le Belge qui fait danser l’Europe », 7sur7.be, 24 juin 2010.
[12] Stacy-Ann Ellis, « Viral Virtuoso Stromae Is Exactly What America’s Been Missing », Vibe, 24 avril 2015 [Traduction française par Lily, pour stromaometre.fr]
[13] « Stromae : “la peur de décevoir, c’est mon métier” », LaLibre.be, 19 août 2013.
[14] Laura Boudoux, « “Inquiet pour sa santé mentale”, Stromae fait une pause dans sa carrière », Elle, 6 septembre 2014.
[15] Thierry Coljon, «Stromae : “Le danger est de croire que demain tu peux tout faire” », Le Soir, 31 décembre 2013.
[16] Darius Rochebin, « Pardonnez-moi : l’interview de Stromae », Radio Télévision Suisse, 20 juillet 2014.
[17] SL, « Stromae : “J’ai besoin de me mettre en danger !” », Public.fr, 29 juillet 2013.
[18] Gilles Médioni, « Stromae : “Racine carrée, Papaoutai, la zététique et moi” », All Access, 13 août 2013.
[19] Sarah Gandillot, « Stromae est (aussi) formidable pour verrouiller sa communication », 20minutes.fr, 22 juin 2014.