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Neuf peintres, neuf types : E4 – Vincent van Gogh
Valérie Lebouteiller

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Centre préféré

Route avec cyprès et ciel étoilé, par Vincent van GoghCe qui ressort instantanément dans les œuvres de Vincent Van Gogh, c'est la force de ses émotions qui le pousse à peindre, ses émotions, tributaires de l'instant. "Je sens en moi une force, un feu que je ne puis éteindre", écrivait-il à son frère Théo.

"Je ne saurais dire ce qui m'enferme, m'emprisonne, semble m'ensevelir, mais j'ai comme une sensation de barreaux, de grilles, de murs."

Vincent Van Gogh a pour intelligence préférée celle de l'émotion, tournée vers l'intérieur. Elle est nourrie de sa contemplation, de ses rêves, de ses illusions et de sa souffrance, issus du monde extérieur. Elle a une problématique centrale liée à l'image et plus particulièrement à l'identité, qui suis-je vraiment ?, que l'on retrouve dans la quête de Van Gogh.

Vincent est né un an, jour pour jour, après son frère mort-né prénommé Vincent Willem, qui est enterré au cimetière, à côté de chez lui. Il lit ainsi son propre nom sur cette tombe pendant toute son enfance. Marqué à vie, persuadé aussi d'être victime de tares familiales, il écrit à ce sujet à son frère : "Notre névrose est aussi un héritage fatal, puisque, dans notre civilisation, on va s'affaiblissant de génération en génération" "Une névrose qui vient de loin" relate Pierre Leprohon dans sa biographie.

La violence de ses émotions consacre son œuvre, mais aussi son sentiment d'abandon qui ne le quitte jamais. Il est décrit par de nombreux biographes et amis comme colérique, capricieux et têtu, sujet à des sautes d'humeur incompréhensibles pour son entourage, en dehors de son frère Théo qui lui apporte son soutien toute sa vie.

Orientation

Van Gogh bénéficie de l'orientation du 4, le sens du beau. Il écrit à cet effet à Gauguin : "J'oublie tout pour la beauté extérieure des choses que je ne sais rendre, car je la rends laide dans mon tableau et grossière alors que la nature me semble parfaite."

Il trouve son inspiration dans la beauté de la nature et la solitude en se promenant dans le Brabant, sa campagne natale, dès son plus jeune âge, et dans la beauté de la souffrance humaine dans les mines du Borinage, lorsqu'il y exerce en tant que prédicateur.

Cette recherche esthétique, malgré ses émotions tourmentées, est présente dans toute son approche artistique.

Compulsion

Vincent n'est pas un homme ordinaire, ni dans sa vie ni dans sa peinture… Victime de sa compulsion comme tous les 4, il cherche à éviter la banalité même lorsqu'il s'éteint sur son lit en présence de son frère Théo. "Ne pleure pas, je l'ai fait pour le bien de tous", dit-il à Théo, se sentant partir…

Avant de se consacrer à la peinture et afin d'éviter une vocation religieuse banale, il se livre dans un dénuement total, à un partage de souffrance extrême avec la population des mineurs, choquant ses supérieurs et refusant de rentrer dans le moule des religieux érudits.

Fréquentant les impressionnistes à son arrivée à Paris, il se lie d'une amitié peu banale avec Lautrec qui lui témoigne également beaucoup d'estime. Il est également très impressionné par Gauguin qui, lui non plus, n'a pas un style banal. Il adopte aussi des accoutrements vestimentaires qui lui apportent cette singularité propre au 4.

Mécanisme de défense

Seuls la peinture et le dessin le sauvent de l'introjection, mécanisme de défense du 4 : la sublimation de sa souffrance interne rejaillit dans ses tableaux. Ses autoportraits montrent l'expression dramatique de Vincent, rongé par ses émotions inexprimables, inavouables… Il sublime aussi cette douleur dans les portraits des personnes du Docteur Gachet, de Gauguin ou de l'Arlésienne…

À la recherche d'une certaine authenticité, il est attiré par la noblesse et la dignité des pauvres… Concernant Les mangeurs de pommes de terre, il écrit à son frère Théo : "J'ai voulu, tout en travaillant, faire en sorte qu'on ait l'idée que ces petites gens, qui, à la clarté de leur lampe, mangent leurs pommes de terre en puisant à même le plat avec les mains, ont elles-mêmes bêché la terre où les patates ont poussé…"

Passion

La passion du 4, l'envie, envahit également Vincent Van Gogh, car toute sa vie il recherche l'amour, absent de son foyer parental. En tombant éperdument amoureux, il se fait rejeter à chaque tentative. Rêvant d'une vie équilibrée, il déclare son amour à Ursule, la fille de sa logeuse, lors de son séjour à Londres où il gère une galerie de peinture. Il lui demande aussitôt sa main, sans se demander si cet amour est réciproque… En quête de son Saint Graal, il s'éloigne de son frère Théo lorsque ce dernier décide de se marier… manifestation de l'envie de cette vie familiale qu'il s'est désormais interdite.

Privé d'amour, l'étau de l'envie le pousse avec acharnement dans la création. Songeant que son œuvre va peut-être être reconnue, il confie à son frère : "Il n'est pas impossible que je fasse un jour des choses qui tomberont entre les mains du public ; cette perspective me laisse passablement indifférent ; pour tout dire, elle ne m'enchante guère."

Dès qu'il s'approche d'une satisfaction, d'un sentiment de bonheur, ils lui semblent insuffisants, incomplets, inaccessibles, il est toujours déçu, en manque…

Vertu

Champs d'oliviers, par Vincent van GoghMalgré sa vie torturée, Vincent Van Gogh touche par moments la vertu du 4, l'harmonie et le contentement. Retrouvant son frère à Paris en 1886, il semble heureux. Son frère lui apporte une certaine stabilité affective, qui lui permet de développer son art en fréquentant l'atelier de Corman pendant quelque temps, peignant avec Signac, rencontrant Gauguin, Bernard, Lautrec, Seurat et d'autres artistes…

Malheureusement, en compagnie de ses camarades, il prend l'habitude de l'absinthe qui le rend querelleur et encore plus désordonné… Théo ne supporte plus ses sautes d'humeur et sa cyclothymie.

Arrivé à Arles, Vincent écrit à son frère : "De fatigue, pas question. J'ai de la force concentrée encore qui ne demande qu'à s'user au travail.". Il décore sa petite maison jaune, reprend confiance en lui et semble vivre le contentement dans ce nouveau décor naturel qu'il s'est choisi et construit.

Fixation

La mélancolie, fixation du 4, est présente dans toute la vie de Van Gogh. Nostalgique, c'est après avoir quitté sa famille, ceux qui l'avaient aidé, qu'il consent à reconnaître leur soutien.

La solitude réveille son sentiment d'abandon, d'incompréhension et fait ressurgir avec force sa mélancolie… Il écrit à son frère en mai 1888, alors qu'il affirme être "moins tiraillé par des passions" : "il y a et il y reste et il revient toujours par moments en pleine vie artistique, la nostalgie de la vraie vie idéale et pas réalisable." Manifestation de la mélancolie, mais aussi de l'envie car sa vie artistique le ramène souvent à la nostalgie d'une vraie vie idéale mais irréaliste.

Découvrant le Midi, il est ébloui par les couleurs vives et contrastées, écrivant à son frère : "Tout est parfois aussi formidablement joyeux que la Hollande est triste." Vincent est toujours animé par la nostalgie de son pays natal et finit par ne se plaire nulle part. "J'ai senti de ces jours-ci en pensant à Mauve, à J.H Weissenbruch, à Tersteeg, à notre mère et à Wil, plus d'émotions que raisonnable peut-être, et cela me calme de me dire qu'on fera quelques toiles pour là-bas."

La mélancolie est pour Vincent comme pour tous les 4, le bonheur d'être triste, de cultiver cette tristesse et de se sentir si différent des autres.

Idée supérieure

Le docteur Gachet, par Vincent van GoghIl est de notoriété publique que Vincent Van Gogh est un original, mais l'idée supérieure, l'originalité du 4 réside dans son style et la puissance de son coup de pinceau. Une des techniques de Vincent, livrée par Signac, consiste à diviser une grande toile en petits carrés sur lesquels il peint des petits bouts de paysages, afin d'éviter de transporter plusieurs études.

À l'atelier de Cormon, il apprend "à peindre comme à vivre, en trompe l'œil, en intriguant…" Afin de peindre de nuit, il s'affuble d'un chapeau à rebords orné de bougies éclairées… Il apporte une originalité particulière dans sa petite maison jaune à Arles… Il s'exprime avant tout par la couleur, recherchant parfois les contrastes mais aussi l'harmonie, comme dans ses célèbres Tournesols.

"J'ai peint une série d'études de couleur, simplement des fleurs, coquelicots rouges, bleuets, myosotis, des roses blanches et roses, des chrysanthèmes jaunes, cherchant des oppositions de bleu avec l'orange, de rouge avec le vert, de jaune avec le violet, cherchant des tons rompus et neutres pour harmoniser la brutalité des extrêmes, essayant de rendre des couleurs intenses et non une harmonie en gris. J'ai fait aussi une douzaine de paysages franchement verts ou franchement bleus… Le vrai dessin, c'est le modelé avec la couleur."

Hiérarchie des centres

Van Gogh est un 4 μ, son intelligence de support, l'action, soutient en permanence ses émotions intérieures. Lorsque ses émotions l'envahissent, le besoin d'agir se fait pressant. Il est énergique, actif et très agressif en cas d'incompréhension ou de rejet. Il reconnaît également qu'il apprécie la compagnie des autres et ne supporte pas la solitude !

Malgré toute l'aide que lui apporte son frère, dès qu'il se sent mal, il l'accuse de tous les maux ! Il met aussi longtemps avant de se décider à peindre, cette décision est prise de manière impulsive comme toutes les autres, que ce soit pour ses départs et voyages comme pour ses amitiés…

Il réprime son intelligence mentale. Il étudie longtemps la Bible afin d'assouvir sa vocation de prédicateur. Malheureusement ces études lui semblent inutiles et abstraites face à la souffrance des pauvres. Penser au lieu d'agir lui est inconcevable ! Pierre Leprohon relate dans sa biographie de Van Gogh : "Toute cette érudition lui paraît vaine. Qu'ajoutera-t-elle à la foi qui l'anime ? Si la parole de Dieu doit passer par sa bouche, c'est en son cœur qu'il trouvera les mots, non dans les livres." Vincent abandonne ses études de théologie, convaincu de l'inutilité du grec, du latin, de la géométrie, de l'algèbre, de l'histoire et de la géographie dans l'aide qu'il veut apporter aux mineurs du Borinage…

Sous-type

De sous type social, Honte, il redoute d'être rejeté, par sa famille, par ses amis. Il transforme cette crainte en haine de soi, en honte. À ce sujet, on connaît l'épisode de sa vie où il se tranche l'oreille après s'être querellé avec Gauguin. Sa première déception amoureuse le conduit à ne fréquenter que les filles de joie… Il recherche en permanence la reconnaissance de ses pairs…

Lorsque Vincent se rend aux réceptions de Toulouse-Lautrec, Suzanne Valadon raconte : "Il arrivait une lourde toile sous le bras, la posait dans un coin, mais bien en lumière, et attendait qu'on lui manifestât de l'attention. Personne ne le remarquait. Il s'asseyait un peu, surveillait les regards, se mêlant peu à la conversation. Puis lassé, partait, remportant sa dernière œuvre."

Quelques-unes de ses phrases célèbres

"La peinture va de pair avec la peine, les soucis, les déceptions, les heures de mélancolie, d'impuissance et tout ça."

"Certes, je préférerais, moi, ne jamais vendre si la chose pouvait se faire."

"Écoutez, laissez-moi tranquillement continuer mon travail. Si c'est celui d'un fou, tant pis, je n'y peux rien. Alors…"

"Je me sens raté. Voilà, pour mon compte. Je sens que c'est là le sort que j'accepte et qui ne changera plus."

"Je voudrais que ce soit fini." (à Théo, après sa tentative de suicide à Auvers sur Oise.)

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Les citations et écrits Van Gogh sont issus de sa biographie écrite par Pierre Leprohon et de ses lettres à son frère Théo.

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