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L'Ennéagramme dynamique : type 6 (2e partie)
Tom Condon (Traduction par Joanna Charbonnier)

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Les clefs du changement

Une femme qui ne connaissait pas l'ennéagramme réalise dans un atelier de développement personnel qu'elle est un 6 très intensément phobique. À un certain moment, je la taquine à propos de son imagination vivace et de sa capacité à trouver les issues très sombres et terrifiantes dans des circonstances tout à fait inoffensives.

Alors, elle me regarde avec des yeux grands ouverts, elle hoche la tête en signe d'acquiescement et dit : "Je suis en train de réaliser que je crée un holocauste dans ma tête !" Quelques minutes plus tard, avec un sourire astucieux, elle ajoute : "Je réalise aussi autre chose, je suis très créative !"

La motivation pour le changement chez les 6 prend souvent source dans leur mentalité négative, dans l'intensité de leur anxiété ou encore à cause d'innombrables limites comportementales qu'ils sont d'accords d'endurer. Par ailleurs les ennéatypes ont des comportements différents quant à leurs mécanismes de défenses. Les 7 et les 3, par exemple, se servent du mécanisme "je me sens bien" en toutes circonstances, ce qui leur permet de se sentir mieux en toute situation insupportable. Les 5 et les 9 se servent du mécanisme "je ne sens rien", qui fait que les 5 se dissocient de toutes leurs émotions, là où les 9, sur la défensive, refusent d'accepter la réalité et se contentent du statu quo. Les 6, les 4 et les 1 se servent du mécanisme "je me sens mal", qui fait que dans leurs recherches de sécurité (6), d'originalité (4) ou d'être en contrôle d'eux-mêmes (1), ils se mettent dans des états extrêmement douloureux et subjectifs. Les 6 en particulier attaquent et se font des frayeurs en cherchant toutes les possibilités négatives imaginables, là où paradoxalement ils auraient besoin de se rassurer et d'avoir un sentiment de puissance.

Quelques ennéatypes, les 7 notamment, cherchent à évoluer par curiosité et par désir de dépasser leurs propres limites. Les 6 et les 1 ont ce qu'on appelle une "stratégie de motivation négative" : elle consiste pour eux à se mettre dans des situations de mal-être excessif avant de prendre la décision de changer. La tactique des 1 est de se critiquer de plus en plus fort jusqu'à ce qu'ils se sentent si mal qu'ils ne puissent pas faire autrement que d'entreprendre une amélioration. Par ailleurs, les 6 sont souvent motivés par la crainte que ne pas changer soit une alternative bien pire. La menace de conséquences négatives –mécontentement des autres ou apparition des catastrophes diverses – risque plus de les stimuler à changer que la perspective d'une vie confortable, agréable et intéressante.

Lorsque les 6 consultent un thérapeute, ils peuvent présenter des problèmes tels que l'anxiété chronique, la dépression, les conflits interpersonnels notamment en lien avec l'autorité, l'addiction, la dépendance affective, ainsi que les problèmes liés au "succès" et en particulier aux conséquences de se cogner contre un mur de verre qu'ils ont pris soin, eux-mêmes, de construire. Dans des cas extrêmes quand le 6 se sent délaissé et épuisé à batailler contre ce qui est à ses yeux le monde, il y a un risque de suicide.

D'une façon générale les 6 ont besoin de prendre leur vie en main et d'assumer les responsabilités fondamentales de leur existence, de leurs pensées, de leurs sentiments et de leurs actions. Souvent, ceci veut dire pour eux de laisser tomber leurs idoles et d'abandonner le désir de protection de la part des autorités sur lesquelles ils ont projeté leur propre puissance. Les 6 ont besoin de se réapproprier leur puissance et d'apprendre à l'employer pour rétablir leurs sens de la sécurité et de la confiance.

Pendant qu'ils se développent et changent, les 6 acquièrent la foi, la patience et la capacité de faire la confiance à la vie. Ils trouvent leur place dans l'existence au sens large, se sentent en accord avec le Grand Courant, et réalisent qu'ils font partie des Grands Rythmes de la nature. Les 6 intégrés développent aussi un regard plus amical et une vision plus sûre du monde, ils sentent qu'ils appartiennent à la Vie et arrêtent de voir l'univers comme un endroit hostile, chaotique et persécuteur.

Les 6 intégrés ont aussi le sens de la mission qui les relie à leur destin, et la puissance nécessaire à l'accomplissement de celui-ci. Le 6 en évoluant trouve son courage et accepte de prendre des risques. Les 6 intégrés vivent la confiance non pas comme un concept, mais comme une expérience de leur corps physique. Ce ressenti est kinesthésique plutôt que mental.

Tout en grandissant et évoluant les 6 cherchent leurs véritables sentiments et leurs propres lignes de conduites plutôt que de se reposer sur une autorité extérieure à eux-mêmes. Ils prennent des décisions, entreprennent des actions et parfois font montre d'un sens aigu du leadership. Certains ont une vision optimisme de ce qui est possible, et développent une approche focalisée sur la résolution des problèmes et l'affrontement de nouveaux défis. Ils ont le courage et le désir de finir ce qu'ils ont commencé.

Les thérapeutes, les coaches et les conseillers qui travaillent avec un patient 6 peuvent être amenés à travailler dur, au commencement, pour établir une relation de confiance. Le rapport entre eux et le 6 peut devenir, parfois, l'objet de la thérapie. Certains 6 viennent en thérapie pour travailler sur leurs propres buts intérieurs, mais d'autres transforment le thérapeute en une autorité ou en un parent imaginaire pour éviter de se prendre en charge.

La délégation des responsabilités sur le thérapeute peut être très évidente ou au contraire très subtile. Un patient 6 peut vous solliciter implicitement ou dire des choses comme : "Mon problème est que je déteste les personnes autoritaires. Ils me disent toujours ce que je dois faire. Que pouvez-vous me conseiller ?"

Une bonne manière de répondre à ceci est de saisir cette opportunité pour questionner le 6 sur ce qui a fonctionné déjà pour lui dans le passé, puis se servir de ce succès éventuel. Dans le cas où le 6 a déjà suivi une thérapie sans obtenir le résultat escompté, on peut envisager de lui dire qu'on n'entreprendra pas de thérapie avec lui. On lui propose alors d'être à son écoute et de lui donner notre feedback, tout en précisant qu'on ne va pas se hasarder à plus, vu que nos chances d'échouer sont trop grandes. Ce genre de "non-thérapie thérapie" peut très bien fonctionner pour rééquilibrer la relation et faire que le 6 retrouve sa motivation et reprenne ses responsabilités.

Quelques patients 6 répètent continuellement les mêmes choses, et il vous appartient de prendre la décision de les arrêter. Vous êtes en compétition avec leur voix intérieure qui, d'une façon routinière, renforce leurs limites et leur prédit que des choses terribles vont arriver. Ceci fait que vous aurez peut-être aussi à vous répéter. Progresser avec certains 6 peut donner l'impression d'avancer de trois pas et de reculer de deux, cependant c'est tout de même une progression.

Travailler avec la peur

Il y a quelques années, une femme est décédée sur une autoroute en Californie parce que son accélérateur s'est coincé. Elle a brûlé ses freins et cassé l'embrayage en essayant d'arrêter la voiture sans succès. Paniquée et désespérée, elle a fini par sauter de la voiture et causé ainsi sa propre mort. La recherche faite sur l'accident a révélé qu'elle n'a jamais essayé de tourner la clé de contact.

Autant les 6 sont généralement conscients d'avoir peur, autant, parfois, il leur échappe comment cette peur se réveille en eux. Les livres sur l'ennéagramme disent que les 6 sont accros à la sécurité. Cependant, le réel problème est qu'ils se font peur eux-mêmes. Comme ils se font peur constamment, leur besoin de sécurité devient de plus en plus inassouvi.

Néanmoins, si on est 6 ou si on travaille avec eux, ça aide de commencer à se concentrer sur la peur elle-même. Il existe plusieurs techniques différentes qui aident les gens à maîtriser leur anxiété. Ces techniques sont d'une certaine façon idéales pour les 6. Bien que tous les 6 ne présentent pas le vrai trouble d'anxiété, ils luttent tous suffisamment avec la peur pour que l'on considère que ces méthodes sont très utiles pour eux.

Les approches pour maîtriser l'anxiété commencent par la diminution du stress avec l'aide de l'hypnose, du rêve éveillé, de l'apprentissage de la relaxation active ou passive ainsi que de la respiration profonde. Une telle respiration est capitale chez les personnes anxieuses qui ont la tendance à respirer très peu profondément allant parfois même jusqu'à l'hyperventilation. Une respiration rapide et superficielle associée à la visualisation d'images effrayantes sont des ingrédients cruciaux dans la création d'anxiété. Quand on commence à respirer profondément, on arrête la visualisation et on descend dans notre corps, dans nos sensations. Le mari d'une 6 nous a dit : "Elle est très difficile à tranquilliser." Apprendre à se servir d'une méthode qui réduit le stress peut aider le 6 à trouver l'apaisement.

Les experts des attaques de panique recommandent les techniques telles que mordre une bande en caoutchouc attachée autour du poignet, fixer son regard sur les chiffres de sa montre, renifler un mouchoir imbibé de menthe ou d'ammoniac, manger quelque chose ayant un goût très prononcé ou une texture très dense, écouter de la musique très forte, chanter ou siffler.

Toutes ces techniques permettent d'interrompre, de casser un état de transe. Elles aident le patient à fixer son attention et à la détacher du processus de panique. Les techniques qui "stoppent les pensées" fonctionnent de la même manière : un thérapeute demande tout d'abord à son patient de se concentrer sur une pensée angoissante, puis quand c'est fait, il crie "Stop !". Ceci crée un effet de surprise et interrompt la pensée. Après un temps d'entraînement avec le thérapeute, le patient est capable d'utiliser cette technique tout seul. Au commencement, il crie "Stop !" intérieurement, puis peu à peu il arrive à le dire de plus en plus doucement chaque fois qu'une pensée angoissante se présente.

Une autre manière d'appréhender la peur est de la voir plutôt que de la ressentir. Au lieu de succomber à la panique on l'observe en se mettant à l'extérieur de ce qu'on ressent et en regardant la partie de nous-même qui est en train de vivre la panique. Il peut arriver que l'image observée soit comme figée, et alors il suffit de la transformer en un film, puis on regarde le film se dérouler jusqu'à la fin.

Sous le microscope

La plupart des gens qui croient avoir peur en avion se trompent. En réalité, certains ont peur du décollage ou de l'atterrissage, là où les autres sont effrayés par les turbulences. D'autres encore sont claustrophobes et ont peur d'être enfermés avec des étrangers dans l'espace restreint que constitue la cabine d'un avion. Toutes ces peurs sont différentes et cependant englobées sous une même appellation qui est "la peur de prendre un avion".

Par conséquent, il sera salutaire, pour toutes les personnes qui ont peur de voler, de définir le plus précisément possible leur peur. Un bon thérapeute qui travaille avec ces questions-là, essaiera en premier lieu, de définir quelle est "la peur à l'intérieur de la peur", étant donné que guérir la claustrophobie ne guérira probablement pas la peur des turbulences. De la même manière, les 6 qui veulent faire face à leurs peurs auront intérêt à les définir de la façon la plus précise, la plus concrète et la plus tangible possible. C'est comparable au travail au microscope : on agrandit et décortique dans le but d'essayer de découvrir le stimulus qui donne le départ au sentiment de peur. Plus on scrute les détails de la peur, plus elle se dissipe.

Une façon de faire est d'identifier les sensations qui apparaissent lorsqu'on est effrayé. Les submodalités sont les caractéristiques spécifiques de nos représentations sensorielles, et structurent notre vécu et nos réactions intérieures. Quand quelqu'un est sur la défensive et réagit d'une manière compulsive, on peut changer les submodalités critiques qui déclenchent ce comportement.

Lorsqu'ils sont effrayés, les 6 sont souvent en proie à des images mentales. Ces images sont la plupart du temps brillantes, de grande taille et en mouvement. Elles peuvent être panoramiques et donner l'impression d'entourer le 6. La réaction aux images grandes et de couleurs très vives est une sensation plus intense que la réaction aux images petites, floues et en noir et blanc. Regarder des films créés par notre mental est une expérience différente que de regarder des photos créées par notre mental qui, elles, sont inanimées. Quand les 6 se parlent à eux-mêmes d'une voix nerveuse et rapide, ils créent également un état intérieur différent de celui provoqué par une voix calme et lente. Les 6 peuvent apprendre à se parler différemment et à créer des images mentales plus petites, plus pâles et dépourvues de tout mouvement. Ces nouvelles façons de faire vont indiscutablement créer de nouvelles sensations. Le secret de Polichinelle concernant les 6 est qu'ils créent leurs peurs par des images et des voix qui n'existent que dans leur esprit.

Bénéfices secondaires

Tout comportement nocif ou problématique a eu dans le passé une bonne raison, positive et adaptative, d'exister. Au début de notre vie, nous avons appris à prendre soin de nous le mieux possible, et bien que les années aient passé, nous nous sommes accrochés à ces techniques qui fonctionnaient jadis. Étant donné ce que nous savons, nous faisons les meilleurs choix possible, mais le résultat est que bien souvent nous affrontons les défis du présent avec les outils du passé.

Chaque fois que nous utilisons nos mécanismes de défenses, au sens de l'Ennéagramme, on peut dire que cette réaction, à la base, a une raison d'être. Même le comportement le plus névrosé représente une tentative peut-être confuse, mais sincère de faire bien. Bien que nous voulions échapper aux effets négatifs de nos comportements défensifs, nous arrivons difficilement à y renoncer, étant donné que c'est ce que nous avons trouvé de mieux jusqu'à présent pour répondre à nos besoins.

Les 6 se protègent en se faisant peur. Quand on a vécu une enfance sous la peur, ou quand les parents sont trop autoritaires, voire dangereux ou violents, il y a une certaine logique à ce que l'enfant devienne son propre ennemi et commence à se tyranniser lui-même. Cette attitude permet d'éliminer l'effet de surprise et de minimiser l'imprévu. Arriver à savoir ce qu'un tel parent va faire donne un certain contrôle ; on devance le coup en se donnant le coup le premier. Les problèmes arrivent, quand des années après, pour justifier et perpétrer nos mécanismes de défenses, nous voyons des dangers et des ennemis tout autour de nous.

Si vous êtes un 6 qui a peur de quelque chose, vous gagnerez à vous poser des questions du genre :

  • Quelles seraient les trois bonnes raisons à garder cette peur ?
  • Comment est-ce que cette peur me protège ?
  • Qu'est qu'elle m'apporte ?
  • Y aurait-il d'autres façons pour moi de faire la même chose, sans avoir à traverser cette douloureuse expérience que représente la peur ?
Exagération

Silvia est une 6 avec une aile 5 et de sous-type social (devoir). Durant un atelier en Allemagne, elle nous a confié qu'elle était à la croisée des chemins. Elle avait une formation de thérapeute et souhaitait commencer à pratiquer. Cependant elle était tiraillée entre son ambition de devenir thérapeute et le devoir envers sa famille. Nous parlant de ce choix qu'elle trouvait difficile, elle semblait anxieuse et solennelle. Elle venait de vivre une expérience personnelle démotivante : le Centre de santé, pour lequel elle travaillait, avait fermé ses portes. Elle n'avait plus d'endroit pour pratiquer, et cela la déstabilisait bien qu'elle avait plusieurs nouvelles offres. Elle donnait l'impression d'être très intelligente et capable, mais elle hésitait.

Elle avait décrit l'avenir comme "un brouillard". Quand je lui ai demandé comment était ce brouillard, elle a parlé d'un mur de deux mètres de haut, se dressant juste devant elle et obscurcissant son horizon. Elle a vu également un chemin qui menait vers l'avenir, mais qui disparaissait dans le mur de brouillard.

Je lui ai demandé quels étaient ses devoirs envers sa famille, à quoi elle m'a répondu : "Et bien, il y a mes fils…" Elle a froncé ses sourcils et dit : "Ils ont 23 et 24 ans et… ils vivent seuls.", "Mais, a-t-elle rapidement ajouté, il y a mes parents…" Je lui ai demandé : "Sont-ils âgés ? Est-ce que vous vous occupez d'eux ?" Elle a froncé de nouveau les sourcils et dit : "Et bien, non. En fait, ils sont morts." Une expression perplexe se lisait sur son visage, comme si elle se demandait : "Mais que diable suis-je en train de raconter ?" Elle a ajouté que son mari n'aimait pas l'idée de la thérapie et préférerait qu'elle reste à la maison, même s'il s'était habitué à l'idée qu'elle puisse faire une carrière.

En réponse, j'ai repris les thèmes de la loyauté et du devoir et en les exagérant fortement. J'ai dit : "Eh bien, concentrons-nous sur l'idée que vous restez à la maison. Si vous ne travaillez pas, vous allez avoir beaucoup de temps libre. Il y a votre famille la plus proche qui se compose de 4 ou 5 personnes. Puis il y a la famille éloignée, mettons 50 personnes. Puis la famille éloignée de ces 50 personnes, ce qui ferait un total d'environ de 250 personnes.

"Maintenant, puisque vous allez rester à la maison, il faut que vous vous rendiez utile, que vous donniez quelque chose de spécial à votre famille, surtout que vous avez sacrifié votre carrière pour ça. Alors, il n'y a pas de meilleure manière de faire plaisir à votre famille, à votre famille éloignée et à la famille éloignée de votre famille éloignée que de rester à la maison et de leur préparer de merveilleuses tartes chaque mois. Des tartes aux fraises, des tartes aux framboises, de tartes de toutes sortes. Rien ne dit mieux 'je vous aime' qu'une pâtisserie, et il n'y a pas de meilleure pâtisserie que les tartes."

Face à cette terrible alternative exagérée, Silvia n'a pu retenir un grand éclat de rire et s'est écrié : "Je déteste les pâtisseries !"

Tout au long de cet atelier, j'ai continué à questionner Silvia sur l'état de son mur de brouillard. Il avait commencé par rétrécir, puis vers la fin, il avait laissé apparaître le chemin qui le traversait. Silvia est devenue une thérapeute à temps complet, et elle nous a dit que cet atelier lui avait appris à devenir loyale avec elle-même.

L'exagération fonctionne très bien avec les gens qui éprouvent de la peur pour des raisons dépassées ou abstraites. Pour se servir de l'exagération en thérapie, il faut utiliser une forme d'exagération gaie et légère qui respecte l'individu. La méthode consiste dans ce cas à intensifier un aspect d'un élément du problème à tel point qu'il devient impossible de continuer à en avoir peur.

Les tendances à imaginer le pire sont une forme d'exagération. Beaucoup de 6 se font peur avec des catastrophes purement imaginaires où leur raisonnement n'est pas poussé suffisamment loin. Prenant l'exemple d'un 6 qui se dit : "Si je demande à mon chef une augmentation, il va me mettre à la porte et alors que vais-je devenir ?" Si vous êtes un 6 ou que vous travaillez avec eux, il serait utile dans cette situation de pousser cette "idée spéculative" plus loin et d'imaginer réellement le pire scénario qui pourrait arriver. Procédant ainsi, l'emprise de cette idée effrayante diminue. Ainsi quand vous exagérez vos craintes au degré le plus inimaginable, elles se transforment habituellement en autre chose, le plus souvent en quelque chose de drôle, ou au moins en quelque chose d'opposé à la crainte.

Un de mes patients 6 avait peur de son patron tyrannique et imprévisible. Une fois, je lui ai demandé ce qu'il arriverait s'il demandait une augmentation. Il m'a répondu : "Le patron se mettra en colère et me mettra immédiatement à la porte. Alors, je me retrouverais à la rue comme un mendiant, en train de vendre des crayons." Le 6 en question se rendait compte que sa peur était poussée à l'absurde. Cependant il m'avait dit que cette image s'était imposée à lui si spontanément et si fortement, que c'était suffisant pour qu'il ne tente pas de faire la demande.

Alors, je lui ai demandé d'un ton joyeux mais ferme : "OK, alors imagine que tu es réellement mis à la porte. Qu'est-ce qui se passe après ?" Il s'imaginait qu'il était à la rue en plein hiver, affamé et transi. "OK, ai-je dit, continue à souffrir du froid et de la faim." ! Alors, il s'imaginait mourant, couché près d'un égout, dans l'indifférence générale des passants. "OK, ai-je continué, et alors maintenant que tu es mort, que se passe-t-il ?" Son imagination aidant, il a rencontré une créature mythique, gargantuesque et vicieuse qui détruisait les morts. Le monstre a arraché ses membres et les a dévorés, et alors il n'était plus qu'une présence pulvérisée et indistincte flottante dans l'espace. Après un instant, je lui ai demandé comment il se sentait, et il m'a répondu : "En Paix."

Cette expérience m'a donné l'idée d'écrire un script sur la peur imaginaire qu'un 6 peut développer. J'ai soumis ce script à plusieurs 6, en les encourageant à créer leur propre version. Je n'en ai eu que des échos très positifs. Cette sorte de mantra, de prière ou d'avertissement doit se lire à voix haute au début d'une semaine de travail :

"J'aimerais juste te rappeler d'être prudent, durant cette semaine, en toutes circonstances, concernant tout ce que tu dis, fais ou penses. Sinon tu pourrais finir seul, sans ami, mutilé ou hospitalisé, ou vivant une vie où tout le monde te rejette parce que tu as affirmé ton propre point de vue ou fait quelque chose que tu n'aurais pas dû.

"Les autres ne vont pas seulement te tourner le dos ou te rejeter. Ils vont peut-être même te persécuter, limiter tes possibilités ou t'infliger des handicaps énormes avec lesquels tu devras vivre d'une manière permanente. Seul et sans ami, tu vas glisser, impuissant, vers le moment inexorable de ta mort.

"Mais ça ne s'arrêtera pas là. Après ta mort, tu vas flotter dans un vaste vide impersonnel. Tu seras tel une feuille à la merci du vent, tel un bateau dans une tempête. Puis une bête hideuse de l'espace surgira devant ton misérable cadavre. Avec une férocité impitoyable, elle va déchiqueter en lambeaux ton corps, et le dévorer morceau par morceau. De sorte que toute ton essence et tout ton être disparaîtront ne devenant plus qu'une poussière d'atomes. Ça sera une nuit noire d'anéantissement total. Alors, passe une bonne semaine et fais attention à toi !"

Exercice : penser à une peur petite ou moyenne et l'exagérer autant que possible. Remarquer à chaque exagération supplémentaire si l'anxiété est toujours là. Si oui, continuer. L'exercice prend fin quand la sensation qui accompagne la peur se transforme en quelque chose d'opposé à la peur.

Exercice : enregistrer une cassette ou un CD de toutes ses peurs. Il faut un minimum d'une heure d'enregistrement. Une fois l'enregistrement fait, le réécouter depuis le début pour être sûr que toutes les peurs y sont. S'il en manque, utiliser le temps restant sur le support d'enregistrement pour ajouter ou corriger les erreurs éventuelles.

Reprendre les projections

Nous avons tous des traits des ennéatypes de nos parents intégrés en nous, et ces types parentaux sont presque aussi importants que nos ailes et nos points de désintégration ou d'intégration. Nous introjectons tous nos parents, et par conséquent nous avons en nous leurs styles dans l'ennéagramme, autant dans leurs potentiels que dans leurs pièges et défaillances.

Découvrir comment nos parents existent à l'intérieur de nous et comment nous utilisons leurs systèmes de défense est très instructif. Ceci est particulièrement vrai pour les 6 qui introjectent leurs parents d'une manière particulièrement forte. La loyauté du 6 le pousse facilement dans une codépendance et parfois le maintient agrippé à la mémoire de ses parents bien longtemps après qu'ils soient décédés.

Un de mes patients 6, faisait un travail sur lui-même dans le but d'améliorer le déroulement de sa carrière et pour diminuer ses frustrations professionnelles. Il a découvert lors de ce travail à quel point sa mère, une 4 chroniquement insatisfaite, faisait partie de lui-même. Cette femme très douée et talentueuse n'avait rien fait d'autre dans sa vie que de boire et de se plaindre. La tristesse de sa mère était devenue sa tristesse à lui, et sa loyauté envers elle l'avait empêché de s'en débarrasser. Il a également commencé à se défaire de tout ce que lui avait transmis son père, un 9 désintégré qui avait abandonné ses rêves et découragé avec colère toutes les ambitions de son fils. Mon client a fini par réaliser que ses deux parents lui avaient transmis leurs modes de survie, plutôt que de lui montrer comment s'y prendre pour vivre sa propre vie. Il sabotait tous ses efforts pour éviter la culpabilité de réussir là où ses parents avaient échoué.

En termes d'ennéagramme, un 6 peut projeter son pouvoir sur un 1, parce que les 1 sont binaires, ce qui veut dire qu'ils raisonnent par oui ou par non, qu'ils voient en blanc ou en noir, et c'est pourquoi ils donnent aux 6 une impression d'autorité et de force. Un 6 qui doute peut facilement se sentir réconforté par la position sans équivoque d'un 1. La dynamique des 1 est semblable à la dynamique de tout mouvement fondamentaliste, et les 6 se sentent très attirés, bien que de toute évidence les membres de ces groupes ne soient pas que des 6. L'ironie veut que la certitude du 1 ne soit qu'une défense. Les 1 paraissent très sûrs et déterminés dans leurs propos, alors qu'en réalité ce n'est qu'une façon de contrôler leur anxiété.

De la même manière, un 6 peut projeter son pouvoir sur un 8, parce que les 8 semblent être dominants et forts. Leur puissante affirmation "tu es avec moi ou contre moi" peut sembler admirable à un 6 qui se considérerait comme une mauviette. Tandis que le 6 projette sa puissance, le 8 projette sa faiblesse. Le 8 se comporte d'une façon forte, alors qu'il se sent faible et vulnérable à l'intérieur. Le 6 glorifie la faiblesse du 8 en la voyant comme une force.

Le 6 peut également projeter sa puissance sur un 3 compétent, ou sur un 7 gai et aventureux.

La Gestalt-Thérapie qui prend particulièrement en compte la projection des idées et des sentiments peut s'avérer très utile pour un 6. Si vous êtes dans la peur ou si vous craigniez quelqu'un, cela veut dire que vous avez projeté sur lui un pouvoir. Un thérapeute de Gestalt vous demanderait, dans ce cas, de prétendre que vous êtes cette personne, d'abord en projetant son image sur une chaise vide et en la regardant très attentivement, et ensuite en se déplaçant vers cette chaise, en allant s'y asseoir et en devenant cette personne. Pendant l'identification avec cette personne qui vous fait peur, il vous demanderait de parler de la situation en disant "je". Au début, ceci est inconfortable. Le Gestaltiste appelle cela "s'asseoir sur une chaise brûlante". Cette méthode est reconnue efficace pour retrouver la puissance qu'on a projetée.

On peut utiliser cette méthode avec toute forme de puissance apparaissant dans nos rêves. Si vous rêvez d'un dragon effrayant, il vous faut devenir ce dragon, vous comporter comme lui et même parler comme si vous étiez lui. Une autre notion de Gestalt-Thérapie qui est très profitable aux 6 est que la plupart des culpabilités ne sont qu'une colère déguisée. Quand vous vous sentez coupable, cherchez ce que vous ressentez réellement.

Exercice : penser à quelqu'un avec qui vous avez des problèmes. Faire une liste exhaustive de tout ce que vous n'aimez pas en cette personne. Puis recopier cette liste en changeant toute phrase de cette liste en une phrase à la première personne du singulier ("Je…"). Finalement relire à voix haute la nouvelle liste, en s'écoutant et en faisant vivre en vous tout ce que vous dites.

Courage

À un certain moment durant son apprentissage, un skieur apprend une leçon paradoxale : pendant une descente, il a plus de contrôle quand il se penche en avant sur ses skis. De même quelqu'un qui arrive dans une clinique pour se faire soigner ses troubles d'anxiété avec par exemple une peur phobique de monter en ascenseur, il va, à un moment donné, se trouver confronté à l'expérience de devoir prendre l'ascenseur. Durant cette confrontation avec sa phobie, le spécialiste l'accompagnant lui demandera de verbaliser tout ce qu'il ressent : ses pensées, ses peurs, son dialogue interne et ses sensations corporelles. Cette méthode est une méthode de confrontation du patient à ses propres peurs. Elle fonctionne sur le principe d'habituer le patient à l'exposition aux situations effrayantes, et par là d'arriver à diminuer leur impact sur lui. Toutefois cette méthode exige beaucoup de courage.

Un auteur, May Angelou, a défini le courage comme une ressource fondamentale, la qualité essentielle dont nous avons besoin chaque fois que nous avons besoin de changer. Le courage est particulièrement indispensable dans des situations de changement qui ne comportent pas de réponses évidentes, là où un risque doit être pris tout en sachant que l'issue de la situation est incertaine. Les situations où il y a autant de chance de gagner que de perdre.

Le courage n'est courage que si vous savez que vous avez peur. Dans une situation où vous faites du déni de la peur et où vous n'êtes pas conscient du risque encouru, agir ne demande pas de courage. Un 8 qui entreprend des actions audacieuses en pensant qu'il est invincible est dans le déni. De même un 6 contrephobique qui aveuglement bondit pour agir est en réalité en train d'échapper à ses peurs d'une façon lâche. Le courage, c'est d'avoir peur, mais continuer malgré ça, tel dans cette histoire venant du folklore Mexicain :

Un matin, Juan, un homme habitant à Mexico, se réveille avec un désir intense et inexplicable d'aller à Cuernavaca, une ville distante de 70 kilomètres. Il rassemble donc, quelques affaires dans son sac, le met sur son épaule et sans plus attendre part en direction de Cuernavaca.

Après quelques kilomètres, Juan rencontre son ami, Ramon. Ramon lui demande : "Alors, Juan, où vas-tu aujourd'hui ?"

Juan lui répond : "Je vais à Cuernavaca."

Ramon, un homme extrêmement prudent, dit à Juan : "Bon Dieu ! Tu ne veux pas dire que tu vas à Cuernavaca ?"

Juan lui répond fermement : "Si, je vais à Cuernavaca."

À ce moment exact, un nuage noir se forme au-dessus de leurs têtes et les enveloppe. Il y a un flash, un éclair, puis une grosse bouffée de fumée s'immobilise là où Juan se tenait.

Et Juan se transforme en une grenouille assise sur une feuille dans une mare à grenouille. Durant les sept années qui suivent, il vit une vie de grenouille en mangeant des mouches, en sautant d'une feuille à l'autre et en croassant la nuit.

Puis à la fin de la septième année, il y a soudainement une nouvelle grosse bouffée de fumée, et Juan redevenu lui-même se retrouve sur le chemin menant à Cuernavaca. Près de lui gisent ses vieilles affaires personnelles. Après une réflexion sur ce qu'il lui est arrivé, Juan réalise, que même là, son désir à aller à Cuernavaca demeure intact. Alors, sans plus attendre, il ramasse ses affaires et reprend sa marche.

Quelques kilomètres plus loin, il rencontre de nouveau Ramon. Les deux amis s'enlacent, heureux de partager avidement les dernières nouvelles.

Juan raconte son histoire étrange de sa transformation et de sa vie en tant que grenouille pendant les sept dernières années. Ramon hoche la tête en signe d'acquiescement : "J'avais en effet réalisé, que quelque chose avait dû t'arriver. C'est terrible ce que tu racontes."

Finalement, Ramon demande : "Alors, Juan, que vas-tu faire maintenant ?"

"Je vais à Cuernavaca", répond Juan calmement.

Les yeux de Ramon s'écarquillent dans une expression alarmée. "Juan, tu entends ce que tu dis ! Pense à ce qui t'est arrivé ! Bon Dieu ! Tu ne veux pas dire que tu vas à Cuernavaca."

"Si, dit fermement Juan, Je vais à Cuernavaca. Ou dans une mare à grenouilles !"

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Tom Condon a enseigné lors de plus de 600 séminaires aux États-Unis, en Europe et en Asie. Directeur de Changeworks à Bend dans l'Oregon, il a été membre adjoint de l'Université d'Antioche et de l'Université de Californie à Berkeley. Il est l'auteur de plus de 50 programmes sur cassettes, vidéos et livres, dont The Dynamic Enneagram en DVD et CD. Tom propose des séminaires et consultations spécialisés pour les entreprises et les organisations aux États-Unis et en Europe. Pour toute information concernant ses séminaires ou un catalogue des produits de Dynamic Enneagram, envoyez un email changewk@yahoo.com ou téléphonez au 541-382-1894. - http://www.thechangeworks.com