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Ennéagramme et conduite agressive (2e partie)
Antonio Barbato (Traduction par Jean Luc)

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Type 5 : Indifférence

Le type 5 exprime souvent de l'hostilité en se retenant ou en refusant de participer, comme s'il était totalement indifférent à tout ce qui se produirait à l'extérieur. Quand il est dans le siège du conducteur, cependant, le 5 est forcé d'agir en interaction avec l'environnement sans avoir le contrôle sur tout : il devient vulnérable à l'envahissement de son environnement par les autres conducteurs. C'est déjà en soi une situation stressante pour des 5, et cela pourrait provoquer de l'hostilité, mais il est fréquent que conduire provoque de la colère quel que soit le type. Le 5 pilote parfois comme un personnage de dessin animé, avec des accès de colère violents mais brefs. Une autre habitude est d'hésiter à laisser passer d'autres véhicules, particulièrement quand l'autre conducteur a fait quelque chose considéré comme envahissant. Ce comportement est semblable à celui du type 9, et en littérature technique, de tels conducteurs sont parfois décrits comme les "bandits de la file de gauche". Les deux types ne semblent pas s'inquiéter d'autre chose que du désir de conduire plus rapidement, et certains 5 peuvent même dériver vers un plaisir pervers en empêchant les autres de passer devant.

La différence entre les sous-types est plutôt nette. Un 5 social, dominé par la polarité explosive de la passion de l'avarice, certitude (voir "La structure des passions", EM, Mars et avril 2000), avait une conduite parfaitement confortable parce qu'il pouvait ne faire qu'un avec le moteur de son véhicule. Il ressentait la mécanique et les aspects technologiques de sa voiture, et son attention restait isolée de ce qui se produisait sur la route. Certains pilotes de Formule 1 appartiennent à ce type, et démontrent souvent une capacité surnaturelle à comprendre les aspects les plus fins de leurs machines et comment améliorer leur fonctionnement. Leur style de conduite est froid, calculé et presque totalement sans émotion. Le 5 social semble à l'aise avec l'anonymat de la route, et quand il y a hostilité, elle est généralement exprimée en silence. Là où le 1 social ferait appel à une déité punitive, les 5 sociaux trouvent une telle impulsivité trop excessive. Ils se contentent de prédire de manière mesurée mais ferme que "ce conducteur qui m'a fait une queue de poisson devrait probablement finir par percuter un camion."

Le sous-type conservation est davantage influencé par la méfiance, la polarité implosive ; il est prudent et attend toujours le pire. Plutôt que de se livrer à l'hostilité, étant mal à l'aise avec l'imprévisible, ce sous-type préférerait éviter l'obligation de conduire. Mais une fois dehors, là, l'hostilité du sous-type conservation ressemble aux bulles d'air montant soudain à la surface en venant d'un endroit profond. Ceci peut avoir comme conséquence quelques expériences de conduite bizarres qui sont conçues pour fournir un peu d'excitation.

J'ai, par le passé, eu une occasion d'être témoin d'une telle "bulle" avec un ami, autrement doux, paisible, et pas un brin provocateur. Nous roulions et sans aucune raison apparente, il a soudainement accéléré de 110 km/h à plus de 200 km/h. Mon ami n'a pas semblé entendre mes avertissements, sans un mot indiquant qu'il se rendait compte de mon inquiétude. Il a slalomé entre des voitures à gauche et à droite, sans clignotant de signalisation et/ou avertisseur sonore. Je voyais précisément les réactions intenses sur les visages des autres conducteurs : elles variaient alternativement entre l'abasourdissement et la frayeur. Un visage en particulier, celui d'une vieille dame, est vivement gravé dans ma mémoire, une expression de terreur absolue. Je pense, tout à coup, que son visage devait probablement ressembler au mien pendant que nous slalomions pour revenir du bon côté. Après un temps qui m'a semblé extrêmement long, mon ami a ralenti pour revenir à une allure normale. Il est sorti de cette transe pour faire face à ma colère et a été étonné de ma réaction. Ses excuses ? Il a fait ce qu'il a fait parce qu'il était curieux de ce qu'il se ressentirait.

Le sous-type sexuel peut avoir de fréquents mais généralement très courts accès d'hostilité qui sont presque toujours provoqués par des conducteurs qui font quelque chose de stupide ou d'autres choses sans respect des règles. On peut les entendre murmurer des choses telles que : "Cela ne vaut pas le coup de se mettre en colère après cet imbécile, laissons-le aller et prions Dieu qu'il crève bientôt."

Type 6 : Opportunisme

La conduite offre au 6 un sentiment d'anonymat qui vient de l'enfermement dans la voiture, coupé de la communication directe avec les autres. Ceci conjugué à la disponibilité de nombreuses sorties de secours au cas où quelque chose se produirait donne aux 6 autant d'occasions d'exprimer la crainte que d'occasions d'exprimer de l'hostilité. James Nahl l'énonce clairement : "La conduite sous l'influence de la crainte est agressive parce qu'elle favorise les modes de pensée irrationnels qui interprètent mal la conduite des autres conducteurs, en percevant une menace là où il n'y en avait pas."

Dans la théorie de l'Ennéagramme, la différence frappante entre les trois sous-types est bien connue. Aussi, la crainte peut se manifester de différentes manières. Deux cousins par exemple, tous les deux 6, ont posé un autocollant sur le pare-chocs arrière ; l'un, contrephobique, avertit "Qui touche, meurt", tandis que l'autre, phobique, proclame "Vivre et laisser vivre.".

Les représentants du sous-type conservation sont dominés par la polarité implosive de la reddition et préfèrent éviter les risques inutiles ; à moins d'être défiés ou provoqués, ils s'engagent rarement dans un comportement dangereux ou une conduite hors-la-loi. Ceci ne signifie pas qu'ils ne se ressentent pas de la colère ou ne pourraient être menaçants envers quelqu'un qui conduit trop lentement. Il est fréquent chez les membres ce sous-type de projeter sur les autres des aspects d'eux-mêmes qu'ils ne veulent pas admettre.

Comme le 5 conservation, les 6 se libèrent de temps en temps de l'aliénation de la crainte et font quelques manœuvres paradoxales. Un 6 phobique, qui n'aimait pas conduire, m'a indiqué qu'une nuit, il a donné libre cours à une impulsion irrésistible sur l'autoroute, en éteignant ses phares et en conduisant dans l'obscurité totale pendant un temps extrêmement long. L'excitation et la tension qu'il a ressenties à ce moment-là étaient semblables à celles vécues en passant un test intense et important. Dans ces circonstances, le test qu'il a passé n'était rien d'autre que le soulagement et la satisfaction inconsciemment ressentis d'avoir pris un risque (calculé) et d'avoir survécu. J'ai demandé : "Vous pensez pouvoir refaire cela ?" "Mon Dieu non, autrement cela pourrait devenir une habitude."

Un autre 6 était terrifié par la pensée même d'une conduite sur une route notoirement dangereuse, une route à deux voies où les gens roulaient vite. "Je ne peux pas supporter d'être forcé de rouler vite parce que si je ralentis, d'autres voitures seront trop proches de moi." Tandis qu'elle disait cela, dans le même temps, elle se plaignait à propos des voitures de devant qui allaient lentement et qui l'empêchaient de rouler vite. Cette crainte paranoïaque d'être coincée entre deux véhicules est transformée en occasion de pratiquer un non-respect des distances de sécurité dangereux.

Le sous-type social est généralement le shérif auto-désigné de la route, toujours aux aguets et prêt à déverser de l'agressivité sur les "irresponsables". Comme le 1, ils sont respectueux des règles de circulation et rigides dans leur application. James et Nahl ont décrit une catégorie des conducteurs qui étaient extrêmement hostiles, critiques et attentifs aux erreurs, même minimes, des autres, et ils les ont appelés les surveillants autoproclamés : "Ils se voient comme une police de la route auto-désignée, agissant en tant que juge, jury et bourreau." Évidemment, il y a beaucoup de degrés dans cette tendance, d'une simple expression de colère pour une infraction mineure jusqu'à noter un numéro de plaque minéralogique et appeler la police, tous moyens d'imposer agressivement aux autres d'obéir aux règles. À la surprise de beaucoup de 6 sociaux, la police n'apprécie pas leur aide et a une piètre opinion de leurs efforts.

Le sous-type sexuel est dominé par la polarité de l'agression et est dans l'absolu le type qui montre le plus ouvertement des comportements agressifs et paradoxaux. Toujours prêts à considérer l'attitude des autres comme menaçante et agressive, les 6 sexuels ont tendance à conduire de manière compétitive et intimidante. Cela vient non pas d'un besoin de s'affirmer, mais d'une peur de céder. Ils expriment leur agressivité par une conduite erratique avec des accélérations et des ralentissements soudains, ou des manœuvres risquées comme de se rabattre trop près d'un véhicule qu'ils viennent de doubler.

L'ambivalence typique du 6 se manifeste complètement dans le sous-type sexuel ; tour à tour, ils assument le rôle du gendarme et celui du voleur, et agissent en conséquence. Un 6 sexuel qui avait peur de voler et, dans un comportement contrephobique typique, avait pris comme passe-temps le parachutisme, ne possédait que des voitures grosses et puissantes, et les décorait d'autocollants guerriers tels que des Apaches et des flammes. Un soir après un dîner auquel il participait avec sa charmante épouse 6 phobique, elle m'a proposé de me ramener chez moi. "À vos risques et périls", dit-elle avec un clin d'œil. J'ai pris sa remarque comme une plaisanterie et ai accepté.

Au début, tout allait bien. Il y avait peu de trafic à ce moment de la nuit, et mon ami conduisait vite mais pas d'une façon insouciante. C'est alors que quelqu'un gagna sur nous graduellement et alluma son clignotant pour nous avertir de son intention de dépasser. Au lieu de se placer plus à droite et ainsi de permettre à cette personne de nous dépasser, mon ami a accéléré de plus en plus, pendant que l'autre conducteur se manifestait de plus en plus. Nous nous sommes retrouvés dans une course-poursuite, dépassant des voitures à gauche et à droite à une vitesse de casse-cou. J'étais effrayé car notre 6 n'écoutait ni son épouse ni moi alors que nous lui demandions de le laisser passer. Heureusement, l'autre conducteur a pris une sortie et a disparu, mais l'humeur à l'intérieur de notre véhicule était détériorée. Je n'étais pas d'humeur à écouter ses explications rationnelles, stupides et défensives. Je me disais à moi-même dans le silence qui suivait que je ne voudrais même pas partager le même hôtel avec cet homme, mais je n'ai pu m'empêcher de sourire quand j'ai vu le magnet collé à son tableau de bord avec la photo de son épouse et de son fils et l'admonestation suivante : "Papa, fais des excuses à maman et arrête de rouler vite." Je me suis rappelé combien de fois ma propre épouse me faisait la même demande quand je conduisais.

Type 7 : Perfidie

La congestion du trafic, l'immobilité physique et l'obligation à "trop" de règles déclenchent l'agressivité des 7. L'amour de la vitesse couplé à une propension chronique à être en retard fait que les 7 se moquent des limites de vitesse, mais leur vigilance leur permet d'éviter d'être attrapé par la police. Le comportement des 7 est agressif et comporte un risque d'accidents ; ils minimisent les facteurs de risques imprévus et exposent ainsi leurs amis automobilistes aux conséquences de leur frénésie. L'alibi de l'indulgence (voir Les alibis de l'ego, EM, Novembre 2002) aggrave dangereusement les tendances mentionnées ci-dessus en minimisant l'impact des distractions que les 7 pourraient avoir, comme écouter de la musique forte, manger, fumer un joint ou boire tout en conduisant.

Les différences entre les sous-types sont remarquables. Le sous-type sexuel est dominé par la polarité explosive de l'instabilité, et veut apprécier au maximum chaque expérience de conduite. Comme le personnage de Robin Williams, dans Le cercle des poètes disparus, un 7 veut "sucer la saveur de la vie jusqu'à la moelle". Ils aiment le vent sur leur visage, le grondement d'un moteur puissant et l'air vivifiant. Les 7 préfèrent souvent les motos aux voitures, s'inquiétant peu des limites de vitesse, des stops ou des distances de sécurité. Une excuse classique du 7, citant Mozart, est : "Tout le monde le fait." De plus, quoiqu'il sache que ce n'est pas légal, le sous-type sexuel cherche obstinément à employer des instruments de contre-mesure contre les radars de détection de vitesse que la police peut avoir.

Un ami à moi, un docteur, est allé jusqu'à la création d'un chat Internet, pour un échange en direct d'informations et d'avertissements sur les endroits où il y a des radars et d'autres systèmes destinés à renforcer l'application de loi. Une fois, il m'a dit : "J'ai plaisir à rouler vite jusqu'au radar, puis je ralentis nettement pendant un kilomètre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de danger de se faire prendre, et alors je remets ça. Cela me donne le sentiment d'avoir baisé les flics." Cependant, un jour, la police l'a attrapé alors que, la circulation étant dense, il dépassait en utilisant la bande d'arrêt d'urgence. Il s'en est sorti en présentant son identifiant médical et en disant qu'il se dépêchait d'aller à l'hôpital pour une urgence. Les flics ont cru à l'histoire et l'ont même escorté, toute sirène hurlante, jusqu'à l'hôpital. Mon ami, naturellement, a pris soin de ne pas mentionner que son doctorat était en psychiatrie.

Les choses ne vont pas toujours aussi bien. Dans une autre situation, un 7 célèbre, pour pouvoir rouler vite dans une circulation dense sur une route de montagne, a mis un gyrophare sur le toit de sa voiture, a actionné son klaxon et dépassé tout le monde. Malheureusement, la patrouille de la police l'a identifié et malgré sa renommée, ou peut-être en raison d'elle, l'a puni lourdement et s'est assuré que l'affaire soit rendue publique.

Le sous-type conservation fait plus attention que le sexuel, quand il est seul, mais tend à tomber dans le piège du narcissisme de groupe et à négliger le danger quand il est avec d'autres.

Ce sous-type est moins jovial que les deux autres. Il aime les raccourcis, les manœuvres risquées et les courses. Deux amis, deux 7 (un sexuel et un conservation), qui vivaient l'un près de l'autre dans une banlieue, faisaient la course chaque matin sur le chemin du travail. Le sous-type sexuel passait par un chemin direct par la ville, puis l'autoroute et à la vitesse maximum. Le sous-type conservation utilisait des routes diverses, communales, nationales, y compris des routes mal entretenues qui le forçaient à conduire plus lentement. Les itinéraires et les considérations incluant les conditions changeantes telles que la densité du trafic ou l'heure, avait été calculées de sorte que ni l'un ni l'autre n'avaient plus d'avantages. Cela n'étonnera pas le lecteur de savoir que ces deux individus ont passé l'heure entière du déjeuner à parler des bosses, des éraflures et autres cicatrices du trafic qu'ils arboraient sur leur voiture comme des médailles. De temps à autre, en passant, leurs histoires racontaient comment, par miracle, un enfant ou un grave accident avait pu être évité.

Le sous-type social est dominé par la polarité implosive du sacrifice. Il est toujours prêt à aider d'autres automobilistes et à s'adapter à une nouvelle situation, mais seulement si c'est son propre choix. Semblable aux autres 7, il tend aussi à sous-estimer le risque de la conduite rapide, refuse de suivre les règles avec lesquelles il est en désaccord, et ne se soumet pas au comportement agressif des autres.

Un 7 de sous-type social, aimable et doux, offre fréquemment ses services aux gens qui ne peuvent pas se déplacer. Par exemple, il prend les achats de sa belle-mère ; il ne pouvait pas la supporter, mais ils vivaient dans la même maison, il la conduisait dans divers magasins et attendait patiemment jusqu'à ce que les achats soient faits. Pendant l'un de ces voyages, il est entré dans un conflit verbal pour une place de stationnement avec un autre conducteur qui était arrivé plus tard, mais lui avait grillé la priorité. Ensuite, lorsque le conducteur est entré dans le magasin, notre 7 social est sorti de sa voiture, et à l'aide d'un tournevis comme pied-de-biche, a cassé un feu de signalisation, en évitant soigneusement d'être vu par l'appareil photo de la sécurité.

Type 8 : Contrôle

Impulsivité et déni de culpabilité facilitent l'expression directe de la colère chez le 8. En même temps, ils valorisent la territorialité, la dominance et la concurrence comme style de conduite souhaitable. Ce qui fait d'un 8 un conducteur agressif, mais pas nécessairement fou furieux. Quand un 8 est alerté par des feux clignotants puissants, par des klaxons, ou quand il voit des gestes (particulièrement grossiers), il a la sensation d'être menacé et il prend cette menace comme un défi. Cette sensation provoque une réponse immédiate consistant à faire quelque chose pour regagner le contrôle de la situation.

J'ai remarqué comment des 8 avec des styles de conduite particulièrement agressifs réagissaient quand quelqu'un les dépassait avec une voiture moins puissante. Leurs réactions pouvaient aller de marmonner une malédiction, à taper sur le tableau de bord avec le poing, ou à en engager une course-poursuite en appuyant à fond sur l'accélérateur. L'alibi de l'illégitimité peut faire refuser aux 8 n'importe quelle autorité sur la route, exceptée la leur, ce qui les mène souvent à des confrontations avec d'autres conducteurs et la police. Cependant, la plupart des 8 que je connais se rendent compte de cette tendance, et ont appris à réprimer leur impulsivité. S'ils y échouent, même des tiers innocents peuvent être mis dans l'embarras.

Une femme 7 m'a raconté une histoire illustrant bien cette tendance. Elle était encore secouée quand elle m'a décrit ce qui s'était produit. Elle avait récemment rencontré en Espagne du Nord un séparatiste basque de type 8, et ne savait pas que cet homme était un activiste politique. Il avait été condamné pour des activités illégales, et une partie de la peine était une interdiction de revenir au Pays Basque. Néanmoins, il a voulu montrer à sa nouvelle amie ses "racines", mais sans dire un mot au sujet de son interdiction de séjour.

Un soir, ils ont quitté Barcelone et ont roulé à une vitesse normale, et enfin ont franchi sa "frontière" dans la région Basque. Il avait juste évité les autoroutes principales et avait utilisé à la place les routes secondaires. Cependant, car la chance l'a voulue ainsi, une voiture de patrouille de carabiniers (la police espagnole) a surgi de nulle part et leur a demandé de s'arrêter. Quand les policiers ont demandé à voir le permis de conduire, il leur en a montré un vieux, périmé. Les flics qui étaient déjà soupçonneux, se sont mis sur leur garde en tenant leurs pistolets-mitrailleurs plus nerveusement. (Les polices espagnole et italienne emploient des mitraillettes Uzi qui restent accrochées à leur épaule. Lors d'un contrôle routier, l'arme reste "nonchalamment" dirigée vers le bas, avec la main reposant près de la détente). Mon amie 7 a fait jouer son charme, leur a montré son passeport et son permis de conduire, et leur a demandé de les laisser aller. Durant cet épisode entier, l'homme n'a rien dit, mais son expression, comme Gurdjieff l'aurait décrit, était celle d'un taureau prêt à charger. Dès qu'ils ont obtenu le droit de repartir, il a mis le pied au plancher, a chanté à gorge déployée un slogan de l'ETA (une organisation séparatiste Basque illégale), et a hurlé quelque chose comme : "Sales porcs d'Espagnols !" Dès que les flics ont retrouvé leurs esprits, à la grande terreur de mon amie, ils se sont lancés à leur poursuite, mais ils étaient loin.

Le manque de respect envers les autres n'est pas perçu en tant que tel, en raison de la désensibilisation, un mécanisme de défense des 8.

Dans le sous-type sexuel, la polarité explosive de la suprématie pousse le 8 à contrôler chaque situation. En littérature technique, de tels conducteurs s'appellent souvent les "rois de la file de gauche," en raison de leur propension à s'approprier cette voie rapide, même si pour cela, il faut utiliser klaxon et coercition.

Le sous-type conservation semble être dans une lutte permanente pour satisfaire les besoins de base liés sa propre survie, plutôt que de dominer d'autres. Mon ami Jack Labanauskas et moi avons choisi la soumission comme mot pour décrire le modèle par lequel ce caractère est complètement soumis aux besoins physiques. Derrière le volant, ce sous-type montre une propension réelle à l'agressivité lorsqu'il est forcé de subir des retards frustrants avant de pouvoir satisfaire ses besoins vitaux.

Mon oncle, un 8 conservation, rentrait régulièrement chez lui pour sa pause de midi. Il adorait manger un déjeuner chaud suivi d'une sieste, au point de faire cette route plutôt longue et laborieuse (Le temps de pause de midi en Italie, il y a quelques décennies, incluait souvent le temps de sieste et pouvait être de deux ou trois heures.) Il déplaçait ciel et terre, ignorait les signaux de stop, s'appropriait le droit de passage et surmontait tous les obstacles juste pour pouvoir être à la maison à l'heure, arrivant toujours impatient, agacé et furieux après les lambins. Personne dans la famille n'est parvenu à lui faire arrêter cette épreuve quotidienne, la seule pensée que quelqu'un d'autre mangerait son repas et qu'il ne serait pas là pour présider la table comme un bon patriarche était trop insupportable.

Le sous-type social s'engage dans l'hostilité quand il est dans un contexte de groupe. Il semble que ce sont les sous-types sociaux, davantage que les autres, qui remplissent les chroniques criminelles des nouvelles locales. Le lien étroit avec un groupe encourage l'escalade fréquente des comportements malsains. Ils peuvent se retrouver engagés avec d'autres automobilistes dans une partie de "qui perd, gagne", une spirale hors de tout contrôle et se retournant dangereusement contre eux-mêmes et les autres.

Type 9 : Retenue

Les 9 sont peu disposés à exprimer de la colère directement, mais ne sont pas sans avoir connaissance de leur propre hostilité. À la surface, l'hostilité des 9 ressemble à l'indifférence des 5. Cependant, puisque les 9 feront tout pour éviter la confrontation, au lieu d'exprimer la colère directement, même si celle-ci est intense, ils la feront typiquement par de la résistance. Une partie de cette résistance se compose d'une tendance à devenir distrait et plus spécifiquement, en rejetant l'ennui offensant de leur "radar."

Le sous-type sexuel est dominé par la polarité explosive de l'hyperactivité. Leur style de conduite n'est pas d'être en compétition ; il est généralement prudent mais distrait. Contrairement à ceux qui sont toujours pressés parce qu'ils retardent leur départ jusqu'au dernier moment, les 9 semblables aux 6 phobiques sont connus pour des départs calmes et opportuns. L'hyperactivité des 9 les fait conduire sur de grandes distances mais à un rythme uniforme qu'ils sont peu disposés à changer. Comme leur manifestation la plus typique d'hostilité dans la conduite est la distraction, le 9 ferait bien d'éviter d'avoir des activités additionnelles telles que prendre le téléphone portable ou changer de fréquence de l'autoradio, etc.

À la surface, la conduite est une activité faite en s'isolant dans son propre véhicule, mais en même temps elle inclut des milliers de mini-interactions qui peuvent ne durer seulement qu'une fraction d'une seconde. La conduite exige une attention soutenue sur les conditions externes et sur la route, mais aussi d'une manière primordiale sur la conscience des autres automobilistes. Quand les 9 sont irrités par le comportement d'un autre conducteur, ils tendent à le déconnecter de leur conscient, dans un mystérieux phénomène psychique de répression aboutissant à ne plus voir le véhicule offensant dans le rétroviseur. Ce style de conduite peut être aussi bien perçu comme dangereux et déconcertant que comme étant ouvertement agressif.

Je conduisais avec un type 9 que je savais respectueux envers les autres dans la vie aussi bien que sur la route. Tandis qu'elle parlait d'un certain désagrément avec ses parents, elle changeait de file fréquemment sans le signaliser. Quand je le lui ai fait remarquer, elle m'a regardé l'air étonné : "Vraiment ?" Il était évident qu'en bon 9, elle avait inconsciemment transformé la colère au sujet de ses parents en distraction et avait commencé, parlant métaphoriquement, à se déplacer sur une autre file.

Le sous-type social peut être entraîné dans les situations dangereuses (le film Thelma et Louise en est un bon exemple) qui ne sont pas de leur propre fait. Un jeune 9 social s'est retrouvé impliqué dans une affaire de "fureur de la route" sans qu'il y soit pour quoi que ce soit. Il était dans une voiture avec deux amis, quand celui qui conduisait a fait quelques manœuvres erratiques qui ont eu pour but de forcer une femme à faire une sortie de route. Sa voiture s'est retournée, et bien qu'elle fût blessée, elle a eu l'esprit de relever le numéro d'immatriculation du véhicule et l'a donné à la police.

La police a interrogé chacun des trois séparément. Le propriétaire et conducteur de la voiture a nié la responsabilité et déclaré que quand l'accident s'est produit, il était déjà rentré chez lui. Le type 9 était éperdu au sujet des dommages qu'ils avaient faits et voulait les reconnaître, mais il était peu disposé à trahir ses copains. Il a dit à la police qu'il s'était endormi dans la voiture et ne se rappelait pas quand ils étaient arrivés à la maison. Pendant ce temps, la police avait déjà fait des enquêtes dans le voisinage et savait ce qui s'était vraiment produit. Mais ils ont patienté et demandé aux parents du garçon 9 de le convaincre qu'il était préférable de dire la vérité que d'assumer la responsabilité de quelque chose qu'il n'avait pas fait, même s'il pensait que c'était moucharder ses copains.

Le sous-type conservation est dominé par la polarité implosive de la léthargie, qui est à la racine une forme particulière d'autoritarisme : la négligence têtue des conducteurs "inattentifs et gênants". Un 9 avec une forte aile 1 m'a ainsi fait vivre quinze minutes terribles.

Nous étions sur une autoroute approchant d'un rétrécissement à une voie unique pour cause de travaux. Une BMW nous approchait par-derrière, et ignorant l'obligation de se rabattre, klaxonna à tout va et mit son clignotant. Normalement mon ami aurait dû la laisser passer, mais du fait des circonstances, il a estimé qu'il était risqué de laisser passer la BMW, et il a continué à la même vitesse. L'autre conducteur, qui devait être extrêmement pressé, était tout naturellement furieux, d'abord pour avoir été empêché de dépasser au début du rétrécissement, et pire pour être coincé derrière mon ami qui maintenait sa vitesse précédente. Il a continué de faire fonctionner son clignotant et ne respectait pas les distances de sécurité. Mon ami a feint de ne rien voir, mais moi, je pouvais voir qu'il avait descendu sa tête plus profondément dans ses épaules, sa lèvre inférieure poussée vers l'avant, une mimique que j'ai identifié comme signifiant têtu et ennuyé.

"Pourquoi n'accélérez-vous pas un peu ?", ai-je suggéré. "Grand Dieu, non", a-t-il répondu en continuant au même rythme. Dans le rétroviseur, je voyais le conducteur de la BMW faire des gestes furieux et menaçants. J'ai pensé que nous pourrions être la cause d'un épisode de "fureur de la route", et j'ai insisté : "Regardez, le type derrière nous devient maboule, laisse-le passer." Sa réponse ferme fut : "A quoi ça sert ? Si ce type veut aller vite, de toute façon dans quelques kilomètres il y a un autre chantier de construction et avec l'abondance du trafic actuel…."

J'ai eu l'impression de vivre une situation surréaliste, presque comme un participant d'un de ces dialogues de philosophie de la Grèce antique où un protagoniste nie que le mouvement existe vraiment, alors que l'autre signale désespérément et inutilement qu'un rocher leur tombe sur la tête. Je me suis senti anxieux, mais n'ai pas su quoi faire pour améliorer cette situation. Quel que soit le geste que je pouvais faire pour calmer le conducteur de la BMW, celui-ci pouvait être interprété incorrectement et aggraver les choses. De plus, je me suis rendu compte que plus je mettais la pression à mon ami, plus il campait sur ses positions. Cela a pris cinq longues minutes jusqu'à l'extrémité du goulot d'étranglement. Notre conducteur de BMW s'est limité à décharger sa colère avec quelques gestes grossiers que nous avons parfaitement compris, et à hurler quelque chose que nous n'avons pas pu tout à fait comprendre.

Pendant cet épisode, mon ami est resté imperturbable comme si rien ne l'atteignait, mais je pouvais voir qu'il n'en était pas ainsi. Je lui en ai reparlé plus tard tandis que nous déjeunions : "Vous étiez quelqu'un d'autre. Vous avez agi pour que le mec à la BMW ait une crise de nerfs." Maintenant que nous étions plus détendus, il m'a répondu : "Ah, si j'avais accéléré juste pour lui faire plaisir, je lui aurais donné raison. Que ceci lui serve de leçon en devenant moins agressif." "Mais vous n'avez pas pensé qu'il aurait pu nous tamponner ou pire ?", insistais-je. En bon 9, il n'a pas semblé comprendre comment la colère chez les autres pouvait se manifester de manière si explosive. Ma mâchoire s'est affaissée quand il a répondu : "Pour une si petite affaire ? Non-sens."

Considérations additionnelles

Il est évident que les différentes expressions de l'hostilité reliées aux types sont augmentées et deviennent plus virulentes une fois amplifiées par le narcissisme de groupe. Sur la route, où nous n'avons pas la même approche de l'ordre social que dans le reste de notre vie, le facteur d'appartenance acquiert un plus grand rôle, comme dans l'exemple de notre jeune 9 social qui est impliqué dans cet épisode désagréable avec ses deux amis.

Cet exemple m'a incité à comprendre, mieux qu'un millier de spéculations théoriques, comment le narcissisme de groupe peut corroder une résolution vertueuse et faire qu'une personne fasse des choses qu'elle ne ferait jamais toute seule. Je pense à ce 9 en particulier, mais également à tous les types sur le côté gauche de l'Ennéagramme excepté les 5, qui sont enclins à basculer dans des situations d'hostilité de groupe plus aisément que ceux qui sont de l'autre côté de l'Ennéagramme. Mais à un degré ou à autre, nous sommes tous vulnérables à l'endoctrinement idéologique.

De ce point de vue, chaque groupe tend à être laxiste sur certains sujets et garde le silence à propos de méfaits de ses membres. De même la manière dont il couvre d'éloges les héros du groupe qui se sacrifient de façon narcissique pour la cause est une manifestation des mêmes tendances destructives.

L'anonymat dans la dynamique de groupe est particulièrement efficace en masquant les expressions d'hostilité de l'individu et du groupe. Raymond Novaco le met bien en évidence : "Généralement, les gens perdent l'autolimitation quand ils ne sont pas conscients de qui ils sont, ni de leur place dans une société régie par les règles. Une route, particulièrement la nuit, fournit l'anonymat et l'occasion de s'échapper. Les risques de punition sont diminués, et les impulsions agressives sont plus aisément exprimées. La possibilité de ne pas se faire prendre peut libérer l'agressivité qui aurait été autrement tenue en laisse. C'est évident dans les embouteillages, qui produisent peu d'incidents d'agression flagrante, malgré des circonstances stressantes." En Italie, les accidents ayant lieu les nuits de week-end et impliquant les jeunes conducteurs qui se sentent protégés par l'obscurité et par le groupe sont la deuxième plus grande cause de la mortalité routière.

Que faire ?

Tandis que nous attendons de la technique de nous fournir des mesures de sécurité toujours plus sophistiquées, beaucoup d'études en cours explorent des méthodes pour contenir l'hostilité sur la route et ses conséquences. L'idée de trouver une manière de communiquer entre les voitures est certainement intéressante ; cela pourrait aider à réduire le sentiment d'impersonnalité et d'ambiguïté entre les conducteurs. On pense également à un affichage lumineux sur la vitre arrière qui pourrait clignoter en affichant un certain nombre de brefs messages : "Je suis désolé", "Je me déplacerai aussitôt que possible", "C'est une urgence", "Ennui mécanique", "Je suis effrayé", etc. Ceci aurait l'avantage de distraire l'attention du conducteur pendant seulement un bref moment, au lieu d'aggraver la situation sur une plus longue période.

En même temps, on pourrait envisager des systèmes de communication personnelle qui apporteraient de nombreux avantages. On observe fréquemment des marques de courtoisie quand la communication est établie. Rappelez-vous les fois où vous avez laissé le passage à un automobiliste et avez reçu un sourire reconnaissant, ou comme vous vous êtes senti bien quand un conducteur de camion vous a laissé passer sur une route de montagne. À ces moments-là le conducteur n'est plus simplement perçu comme un ennui ou un obstacle, mais devient un être d'humain digne de considération et de courtoisie.

En conclusion, même lorsque les messages n'expriment que de la contrariété, ils peuvent causer une série de réactions plus sympathiques. Un 3, qui avait perdu beaucoup de points sur son permis et avait signalé qu'il ne pouvait plus conduire vite, a reçu beaucoup de marques de compréhension de la part des autres conducteurs et a même été invité à s'engager à un stop par une fille qui a eu un commentaire tel que leurs rapports se sont poursuivis.

Utilisation de l'Ennéagramme pour empêcher la conduite agressive

Beaucoup d'auteurs sur la conduite agressive, hormis de recommander de la compétence technique à la conduite, accentuent l'importance de développer l'intelligence émotionnelle qui permet à des personnes de comprendre leur propre personnalité et leur style de conduite. En devenant conscientes de leurs processus internes et de leurs schémas de relations avec les autres, elles se familiarisent avec leurs propres réactions. Dans cette perspective, l'Ennéagramme est vraiment très efficace.

Observant le style de conduite d'un autre 4 et le comparant à mes propres réactions, je me suis rendu compte comment nous avons toujours l'impression qu'il y a une injustice derrière chaque événement : nous sommes en colère parce que nous prenons tout personnellement. Je me suis entraîné à répéter un mantra dans ma tête : "Je ne suis pas le centre de l'univers et il ne m'a rien fait." La magie a fonctionné et je sens que j'ai une attitude plus équilibrée envers les autres conducteurs. Un 3, qui a tendance à se sentir supérieur et à être condescendant envers les autres conducteurs, a gardé une image de son fils sur son tableau de bord avec l'inscription : "Je préfère le voir…" Mentalement il terminait l'expression, par exemple par : "… plutôt que de mourir tout en essayant de prouver combien je suis meilleur que les autres." Il me dit qu'il lui est plus facile maintenant de se libérer de sa tendance et de permettre aux autres de passer.

Une question

Étant attentif à ce que le narcissisme de groupe peut être l'élément le plus puissant à créer de l'hostilité, nous devons nous rappeler que la dynamique de groupe peut également être à caractère positif, favorisant le développement des attitudes positives et d'une compréhension personnelle et interpersonnelle plus profonde. Je crois que l'Ennéagramme peut jouer son rôle dans ce domaine, en nous aidant à améliorer nos comportements et notre respect des autres.

Cet article a été écrit avec l'intention de partager mes expériences avec la communauté de l'Ennéagramme, et en particulier avec ceux qui ont été impliqués dans des épisodes de "fureur de la route" ou de conduite agressive. Je voudrais avoir de vos nouvelles. Faites-le moi savoir si vous avez n'importe quelle suggestion, sur ce que j'ai pu avoir omis, ou si vous êtes en désaccord avec certaines des descriptions. J'invite n'importe qui à partager ses expériences avec moi directement (antoniobarbato@enneagramma.info), ou en écrivant une lettre au "Courrier des lecteurs" d'Enneagram Monthly.