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Ennéagramme et conduite agressive (1e partie)
Antonio Barbato (Traduction par Isabelle Goury)

" Les voitures iront sans chevaux
Les accidents désoleront le monde."

Mère Shipton (vers 1530)

Cet article s'intègre dans la série Épée et Bouclier publiée dans les numéros de juin à septembre 2004. Je cherchais pour décrire l'agression un bon exemple quotidien, qui soit moins extrême que ceux utilisés auparavant, un exemple auquel le lecteur puisse se relier. Un domaine qui pouvait se révéler prometteur était l'étude du comportement de la personne pendant qu'elle joue aux cartes ou à un jeu de compétition tel que le billard. Les deux situations sont à même de déclencher un fort sentiment de compétition, et conduire à l'expression ouverte de l'agression et de l'hostilité. Une autre possibilité était d'utiliser un sport individuel tel que la boxe ou le tennis ; et en effet, ma bonne amie Francesca Pietrasanta avait publié un article charmant sur la façon dont se comportaient différents ennéatypes au tennis ("Ennéatennis", Enneagram Monthly, Décembre 2002).

J'ai décidé d'opter pour la conduite agressive. Avant toute chose, habitant à Naples (Italie), j'ai une ou deux choses à dire sur le sujet. Ensuite, je suis considéré comme une sorte d'expert dans ce domaine… (plus exactement, en ce qui concerne les routes, les rues et les allées). Enfin et surtout, j'ai pas mal lu sur le sujet dans la littérature technique. Par ailleurs, mon travail exige que, soit je conduise, soit je sois un passager sur environ 100 km chaque jour, et ce depuis de nombreuses années, souvent avec des clients ou des collègues qui ne conduisent pas beaucoup dans leur travail. La plupart de mes trajets ont lieu dans une région qui a le triste honneur d'avoir le taux le plus élevé d'accidents au kilomètre carré en Europe.

Cependant, ce ne sont pas les raisons mentionnées ci-dessus qui m'ont conduit à choisir la conduite agressive, mais un dessin animé de Walt Disney sur Goofy. Le dessin animé commençait par dresser le portrait de Goofy comme une âme douce, nourrissant les oiseaux et cultivant avec délicatesse des fleurs, une image de gentillesse ne montrant pas la moindre once d'hostilité envers les autres… Tout cela changeait radicalement à la minute où Goofy s'asseyait derrière le volant. Immédiatement il se transformait en un autre être, ne gardant que l'apparence physique extérieure de son précédent personnage. La grâce et la compassion devenaient rage explosive et hostilité haineuse. Le dessin animé me fit rire, mais je reconnus en Goofy une âme sœur avec laquelle je partageais un certain style de conduite.

Il était clair pour moi que la conduite agressive provenait du même endroit que les lapsus, les actes manqués et les rêves comme Freud l'a décrit. Selon J. J. Leeming : "Il arrive donc trop souvent, comme un exutoire à un état d'esprit, soit permanent, soit temporaire, qu'en s'asseyant derrière le volant, toute l'attitude d'une personne change, comme si le temps de la conduite ne faisait pas partie de la vraie vie." Le type de transe dans laquelle le conducteur entre quand il s'assied derrière le volant, ressemble à l'ouverture d'un vide qui permet à beaucoup de tension inconsciente de notre personnalité de s'écouler.

L'exemple de la conduite présente aussi l'avantage d'être une expérience ordinaire. Nous pouvons reconnaître notre propre style ainsi que celui des autres. Comme les règles de conduite sont similaires dans le monde entier, il est facile d'établir un rapport avec les exemples.

Conduite agressive et rage routière

Tout d'abord, nous devons faire une distinction entre la conduite agressive et la rage routière. L'AAA définit la conduite agressive comme "la conduite d'un véhicule automobile sans tenir compte de la sécurité des autres", et la rage routière comme "l'attaque avec l'intention de nuire provenant de l'utilisation d'un véhicule automobile". La National Highway and Traffic Safety Administration (NHTSA) établit aussi clairement une différence entre la conduite agressive et la rage routière. Pour la NHTSA, les comportements associés à la rage routière sont des délits criminels, alors que les pratiques dangereuses associées à la conduite agressive consistent en des infractions du code de la route. Je pense que c'est une distinction valable et j'utiliserai les définitions proposées par l'érudit Leo Tasca conjointement avec les classifications de James et Nahl. Les situations violentes et les crimes qui sont commis sur la route mais qui pourraient aussi bien survenir ailleurs sont exclus, de même que les irrégularités provoquées par la distraction, le manque d'attention, l'alcool ou d'autres types d'intoxications. L'attention est portée ici sur les éléments "relationnels".

Les comportements qui constituent la conduite agressive peuvent être rangés dans deux catégories :

  1. Impatience et état d'inattention :
    • Brûler les feux rouges
    • Accélérer quand le feu est à l'orange
    • Ne pas marquer l'arrêt à un stop
    • Changer de file inconsidérément
    • Ne pas mettre son clignotant quand la situation l'exigerait
    • Ne pas céder la priorité aux autres usagers de la route
    • Réticence à coopérer avec les automobilistes qui ne peuvent pas se rabattre ou changer de file
    • Couper les virages ou traverser la ligne blanche
    • Suivre de trop près
    • Conduire à une vitesse dépassant largement la vitesse autorisée
    • Bloquer un carrefour
    • Doubler par les bas-côtés
    • Ralentir et accélérer par à-coups
    • Entraver la circulation
    • Changer de file juste avant un feu tricolore ou un poste de péage
    • Accélérer à l'approche d'un passage piéton
  2. Manifestations d'agacement ou d'hostilité qui ne sont pas destinées à blesser physiquement les autres usagers de la route, mais susceptibles de les intimider, les agacer, les mettre en colère, ou les provoquer :
    • Freiner soudainement pour se venger
    • Prendre la place de parking que quelqu'un d'autre attendait
    • Bloquer le passage, refuser de se ranger
    • Réduire l'écart pour empêcher le passage
    • Faire des appels de phare (pour énerver les autres)
    • Menacer ou insulter les autres en criant, faisant des gestes, klaxonnant à maintes reprises
    • Talonner un véhicule pour le punir ou le contraindre
    • Couper la route par vengeance
    • Empêcher les autres conducteurs de doubler

On pourrait décrire certains de ces comportements plus en détail avec des circonstances précises. Coller une voiture par exemple, est une expression générale qui se rapporte au fait de conduire trop près derrière un autre véhicule, mais la vitesse et la taille de l'écart entre les deux véhicules font une différence énorme.

Le rôle de la personnalité

Les experts dans ce domaine s'accordent sur le fait que la structure du caractère et de la personnalité est un des éléments principaux influençant la conduite agressive, mais l'étude des caractères n'a pas donné de résultats significatifs. Selon M. Argyle : "Les traits de personnalité expliquent rarement plus de 25 % de la variance dans le comportement social individuel." Ce qui laisse les experts perplexes est quelque chose que la plupart des étudiants de l'Ennéagramme connaissent bien : des comportements similaires peuvent être enracinés dans des traits de caractère passionnels complètement différents. Par exemple, un 2 et un 7 peuvent brûler un feu rouge avec la même facilité, mais le 2 le fera presque certainement par impatience, alors que le 7 le fera parce qu'il n'y a pas de flic en vue.

Les facteurs qui déclenchent la conduite agressive

En général, les motifs de la conduite agressive ne sont pas différents des motifs d'agression dans d'autres domaines. Il est cependant remarquable de voir les différentes attitudes que les gens ont envers leur voiture. Il y a ceux qui traitent leur voiture avec plus de soin et d'amour que quoi que ce soit d'autre dans la vie. Pourquoi ? Pour citer Leeming : "La voiture offre à l'homme un accroissement formidable de pouvoir, et par identification, cela devient le pouvoir et la volonté propres du conducteur, qui sont donc multipliés." Nowaco ajoute : "L'automobile est aussi très territorialisée, comme une propriété à défendre et comme une zone d'espace personnel sur laquelle il ne faut pas empiéter. L'agression est facilement provoquée par le besoin perçu de défendre sa voiture pour ce qu'elle est et pour ce qu'elle symbolise."

Pour beaucoup, la voiture symbolise une partie de soi et devient l'objet du narcissisme projeté du propriétaire. Les psychologues qui présument que l'agression est causée par la frustration, maintiennent que la conduite agressive est déclenchée quand survient une hyper-identification inconsciente du conducteur avec sa blessure narcissique. Cette explication, bien que valable, ne couvre pas la gamme complète des comportements susmentionnés. Il y a d'autres facteurs qui s'entassent, en plus de la frustration, et qui déclenchent des comportements hostiles. Dans leur essai, Taxonomie de la conduite au volant, James et Nahl identifient quinze aspects conflictuels de la conduite, qui constituent des sources de stress, auxquels nous pouvons ajouter, le couvert de l'anonymat et l'absence de contact personnel entre les conducteurs, vu qu'ils sont encapsulés dans leurs véhicules respectifs.

D'autres recherches se concentrant sur les différences entre les conducteurs avec des schémas comportementaux de Type A et ceux qui ne sont pas de Type A, ont échoué à répondre à la question sur ce qui au juste déclenche l'agression. Là, à nouveau, nous avons des comportements similaires qui peuvent être enracinés dans des traits de caractère passionnels complètement différents. Donc parler du sentiment d'urgence que les individus de Type A ressentent sous-entend seulement que ces gens semblent lutter en permanence contre la montre. Souvent ils sont impatients vis-à-vis des délais et du temps improductifs. Les étudiants de l'Ennéagramme savent qu'un tel comportement est courant chez au moins trois types : le 8, le 3 et le 1 (et parmi les 1, surtout le sous-type sexuel), mais les trois types répondent au sentiment d'urgence de façon différente.

Environnement et culture

Les facteurs régionaux et culturels jouent un rôle important pour déterminer ce qui est considéré comme agressif et ce qui est considéré comme un comportement normal. Dans certains pays, les publicités pour les voitures mettent l'accent sur la puissance brute et la forme aérodynamique, les deux étant analogues à une conduite agressive ou sportive ; dans d'autres pays, elles insistent sur la sécurité et le confort. Il y a aussi des degrés variables dans le respect des règles de la circulation et dans les niveaux de mise en application. Il serait intéressant de conjecturer sur à quel point chaque type est influencé par des facteurs culturels. L'influence culturelle est omniprésente et modèle certainement le développement de chaque type. Pour mieux comprendre mes propres biais, s'il vous plaît, gardez trois points à l'esprit :

  • En Italie, le dépassement n'est autorisé que par la gauche. Ceci est particulièrement vrai pour les autoroutes et les routes nationales. La plupart des autoroutes sont séparées et ont trois voies alors que les routes nationales n'en ont que deux. La voie de gauche est dédiée au dépassement, et une conduite correcte exige de libérer la voie de dépassement aussi vite que possible pour les véhicules plus rapides. Il y a aussi des exigences pour garder une distance de sécurité qui augmente avec la vitesse ; en théorie elle est de 100 mètres quand on roule à 90 km/h.
  • La vitesse maximale sur les autoroutes est de 130 km/h, et celle en ville de 50 km/h. Il est interdit de doubler juste avant un carrefour.
  • La plupart des centres historiques en Italie ont été construits au Moyen-Âge ou auparavant. Cela signifie que les rues sont étroites, tortueuses et qu'on a en permanence peur des éraflures, des entailles, des bosses et des chocs. Il y a aussi de fréquentes batailles entre conducteurs, entre ceux qui veulent passer de force par la droite à un feu et l'autre qui est décidé à ne pas laisser passer. Ces compétitions font penser aux bousculades pour se placer sur un champ de courses.

En résumé

La première partie de la série "Épée et Bouclier" (Enneagram Monthly, Juin 2004) discutait des différentes formes de l'hostilité de l'ego, exprimées par différents ennéatypes et sous-types instinctifs. Par exemple, les 5 expriment l'agression en refusant, alors que les 8 utilisent une agression directe et explosive. De même, l'hostilité chez le 4 ou le 1 sexuel est considérablement différente de l'hostilité chez le sous-type conservation des mêmes ennéatypes. Il est aussi intéressant de noter le jeu des polarités de chaque passion (cf. Enneagram Monthly, Mars et avril 2000). Conduire est une activité qui fait nettement ressortir les polarités. De plus, les recherches ont montré qu'il y a une différence notable entre les conducteurs hommes et femmes. Les femmes tendent à être plus prudentes et respectueuses des lois, comparées à leurs homologues masculins.

Type 1 : Intransigeance

Les 1 ont tendance à obéir totalement aux règles de la circulation, et deviennent hostiles envers ceux qui les enfreignent. Le fait d'appuyer sur le klaxon exprime leur désapprobation critique, et les 1 sont enclins à faire la leçon aux auteurs de délit malpolis. Les 1 sociaux en particulier, quand ils ont affaire à quelqu'un se faufilant sur leur droite, déjoueront la tentative de dépassement du conducteur, par des moyens qui rappellent le traitement habile de la bête par un toréador. Les 1 ont rarement recours à un langage grossier ou à des gestes vulgaires, mais ils peuvent jeter un regard au conducteur fautif qui rappelle le feu biblique qui détruisit Sodome et Gomorrhe. Un de mes collègues de type 1 avait l'habitude de se mordre énergiquement la lèvre inférieure, comme pour fixer par un crampon une forte envie de verbaliser sa colère.

Les différences entre les sous-types sont marquées. La polarité expansive de sécurité du 1 sexuel se traduit par un amour présomptif et dynamique pour la conduite rapide. Ce sous-type partage quelques traits avec la personnalité de type A, luttant toujours contre le temps et en même temps se sentant plutôt sûr de lui. Les 1 sexuels conduisent d'une façon similaire aux 3 : les deux ignorent les limites affichées, et se permettent de juger par eux-mêmes de leur justesse ; tandis que cela a lieu, à un niveau conscient ils ont le sentiment qu'ils respectent les règles de conduite. L'agression chez les 1 apparaît par une hypercritique des autres, mais peut aussi prendre une direction interne, par une exigence d'efforts toujours plus grands vers la perfection dans leurs propres accomplissements.

Les 1 conservation sont dominés par la polarité plus implosive de la sensibilité ; leur attention va vers tout facteur de risque potentiel. Un 1 conservation en tant que passager (si le conducteur et le passager apprécient les "bienfaits" de l'intimité et de la familiarité dans leur communication), peut soumettre votre style de conduite à un examen anal (au sens de la psychanalyse) continu. Aucune distance entre les véhicules n'est assez sûre, la vitesse est toujours trop élevée, les virages ne sont jamais pris à la bonne vitesse ou avec le bon angle, il y a des rappels incessants pour obéir aux signaux lumineux, y compris des avertissements sur le brouillard et le verglas un jour ensoleillé de juillet… Ce ne sont que quelques exemples des mises en garde incessantes données d'une voix tendue. Si vous avez vu Miss Daisy et son chauffeur, rappelez-vous ses avertissements incessants au conducteur déjà prudent.

L'hostilité survient comme une conséquence naturelle de l'inquiétude, parce que les 1 ne peuvent pas supporter d'être dans une situation où ils ne peuvent pas agir et doivent dépendre des autres. J'ai remarqué comment cela devenait diffus dès que le 1 prenait le volant. Les 1 conservation d'une façon paradoxale sont enclins à se mettre à coller gratuitement un véhicule, qui reste dans la voie centrale trop longtemps au lieu de se rabattre sur une voie de droite libre.

Les 1 sociaux repoussent de façon rigide toute adaptation à quelque chose d'autre que leur plan. Un collègue a passé une fois une demi-heure à débattre avec des travailleurs syndiqués de l'autoroute qui faisaient grève et bloquaient les péages. Il leur a expliqué avec grand soin que leur action était injuste et qu'il avait le droit d'aller travailler.

Un 1 social qui se rendait à un rendez-vous dans les montagnes s'est trouvé bloqué en cours de route par un glissement de terrain. Avec un calme digne de M. Bridge, il a pris une série de détours risqués, sur des routes mal signalées et plutôt dangereuses, plutôt que de faire demi-tour.

Les 1 sociaux se comportent souvent sur la route comme les membres d'une milice privée, d'une façon semblable aux 6 sociaux ; ils sont irrités par les conducteurs qui mettent la radio trop fort, secouent les cendres de leur cigarette par la fenêtre, ou jettent leur mégot sur le sol. Après avoir été klaxonné et avoir été la cible "d'un doigt", un de mes amis 1 social perdit son sang-froid et partit sur une diatribe : "Un tel comportement devrait entraîner la suppression de votre permis ; ce goujat devrait être contraint de prendre un cours sur les bonnes manières avant de récupérer son permis."

Type 2 : Impatience

La théorie psychologique de la frustration-agression fonctionne bien quand on l'applique au style qu'ont les 2 d'exprimer leur hostilité. C'est dur pour un 2 d'attendre qu'un feu passe au vert, ou de s'immobiliser à un stop. Susan Sarandon (qui je crois est une 2 dans la vraie vie) en est un bon exemple quand elle joue Adèle dans Ma mère, moi et ma mère. Adèle est une 2 impétueuse qui conduit une Mercedes dorée qui représente sa liberté. Les panneaux stop et les feux rouges semblent hors de propos à côté de l'expression libre de ses sentiments, et elle est vraiment surprise quand la police l'arrête pour une infraction au code de la route.

La polarité explosive de liberté des personnes du sous-type sexuel rend leur style de conduite exubérant, et ils sont facilement frustrés dans la circulation dense quand les mouvements sont restreints. Les limitations de vitesse ne s'appliquent pas et se faufiler dans la circulation, changer soudainement de voie sans mettre son clignotant ou talonner les véhicules est courant ; ce qui est vraiment important, c'est qu'ils sont en retard.

Un 2 sexuel fut stupéfait quand je fis des commentaires sur son style de conduite, et que je lui dis qu'il ne prenait pas en considération les autres automobilistes. Il se mit tout de suite sur la défensive et contesta agressivement ma remarque. Vous voyez, il ne faisait rien de mal, c'était plutôt bien d'essayer de rattraper le temps perdu, et par ailleurs, qui étais-je pour lui faire la morale sur sa conduite. À la façon typique des 2 sexuels, il prit immédiatement mes commentaires pour une attaque personnelle. Et cependant, hors de la voiture, mon jeune ami 2 était charmant, toujours prêt à aider et conciliant. Comme Goofy dans le dessin animé, il se transformait au volant et devenait impulsif, téméraire, imprudent et talonnait dangereusement de bien trop près les autres voitures à 120 km/h. Son impulsion était de frimer et de vivre sur le fil du rasoir, un trait de caractère que le 2 sexuel partage avec le 7 et le 8, plutôt imprudents.

Le 2 conservation est conduit par la polarité implosive de l'orgueil et de l'intimité, avec un style de conduite moins risqué. Le credo de ce sous-type est "moi d'abord" et malgré leur plus beau sourire, si quelqu'un d'autre ne leur donne pas la priorité, ils vont s'énerver.

Les personnes de ce sous-type tendent à rester trop près des voitures de ceux avec qui ils ont une relation intime. En jargon technique, on appelle cela du collage inutile. Un ami 2 provoqua une fois un accident impliquant de nombreuses voitures, parce qu'il roulait trop près du véhicule de la femme qu'il aimait et n'avait pas remarqué que la circulation s'était arrêtée. Il ne voulait certainement pas provoquer un accident ou menacer qui que ce soit, mais le juge décida que son style de conduite était agressif, parce qu'il avait ignoré la réglementation sur la sécurité et avait mis d'autres personnes en danger. Les femmes 2 conservation éprouvent une forte envie psychologique d'être le centre du monde, et peuvent facilement être distraites pendant qu'elles échangent des signes avec d'autres automobilistes ou qu'elles parlent dans leur téléphone mobile.

Les 2 sociaux sont particulièrement amateurs de voitures puissantes qui renforcent leur image. Ils ont du mal à donner la priorité aux autres, ou à se laisser doubler par un véhicule inférieur. Contrairement au 2 sexuel et au 2 conservation qui ne sont pas spécialement intéressés par la voiture elle-même, le 2 social s'identifie facilement avec sa voiture, et peut devenir agressivement défensif quand celle-ci est menacée. Dans au moins deux cas, des collègues 2 sociaux ont puni l'affront d'être doublé par une voiture moins puissante en la poursuivant sur plusieurs kilomètres et en lui coupant la route agressivement.

Type 3 : Invalidation

La conduite offre aux 3 de nombreuses occasions d'exprimer leur hostilité. Ceux qui connaissent bien l'Ennéagramme savent combien il est facile pour les 3 d'ignorer les sentiments qui les motivent. Ils sont toujours prêts à se moquer de, qui roule trop lentement, qui ne reste pas dans sa file ou de qui n'est pas prêt à démarrer au moment où le feu passe au vert. Les 3 ont toutes les caractéristiques du comportement de Type A, et paraissent voyager sur de longues distances en se dépêchant, alors même qu'ils auraient pu adopter un rythme qui leur évite de devoir de se presser. La littérature technique décrit ces conducteurs comme des maniaques de la vitesse.

Un de mes collègues avait l'habitude de planifier de façon très efficace tous ses arrêts avant de partir. À la façon typique d'un 3, il aimait calculer l'utilisation la plus efficace de son temps. Récemment il me dit que pour atteindre sa destination distante de 300 km, il allait partir tôt dans l'après-midi. Il devait être là-bas à 17:30 et avait calculé qu'il avait besoin de deux heures pour y être. "Je peux quitter le bureau à 15:00, passer chez moi, préparer en vitesse ma valise, et arriver là-bas juste à temps." Prenant en compte le fait que le déjeuner avait lieu entre 13:30 et 14:30, je lui suggérai de partir au moment du déjeuner, pour avoir plus de temps et ne pas avoir besoin de se dépêcher. "Non, répondit-il, cela ira beaucoup mieux de la façon dont je l'ai prévu." Et quand je lui demandai pourquoi : "Parce que je peux travailler une demi-heure en paix pendant que les autres déjeunent, et ensuite encore une demi-heure avant de partir." Je lui fis remarquer que pour arriver là-bas à temps, il devrait enfreindre toutes les limitations de vitesse. "Les limitations de vitesse, mais qui s'en préoccupe ?"

Je n'étais pas rassuré par son affirmation désinvolte et le prévins : "Que se passera-t-il si les flics t'arrêtent, s'il y a un bouchon, ou (touchons du bois) si quelque chose arrive ?" Avec la confiance en soi habituelle des 3, il répondit : "Il n'y aura pas beaucoup de trafic à ce moment-là, j'ai déjà fait cette section, et d'ailleurs rien n'arrivera parce que je ferai attention." Il est inutile de dire qu'il eut un lourd P.V. pour excès de vitesse, conduite imprudente et changement de voie juste en face d'un stop.

Mon lieu de travail est plein de 3, et je conduis fréquemment avec eux. Une des choses qui semble les irriter et déclencher leur hostilité (malheureusement, je partage le même trait de caractère) est de se retrouver dans une voie lente. Si les voitures dépassent sur la voie plus rapide et qu'il n'y a pas d'ouverture, ils vont forcer le passage si personne ne prend en compte leur clignotant. Puis, sur le champ et agressivement, ils vont empêcher ceux qui tentent la même manœuvre, en réduisant rapidement l'écart. Souvent ils murmurent des choses comme : "Reste là espèce d'idiot, ne vois-tu pas que tu ne peux pas passer ; ne t'avise pas de faire cela, penses-tu que tu peux me faire une queue de poisson, pour qui te prends-tu ?"

La polarité de dépersonnalisation du 3 sexuel (la polarité implosive du mensonge) prévaut et déclenche souvent une imitation mécanique des attitudes et des comportements que le 3 enfant a vu pendant qu'il observait ses parents en voiture. Je connais quelques 3 sexuels qui sont convaincus qu'ils incarnent la conduite parfaite, en brillant dans leur façon de conduire à la manière dont leur père ou leur mère auraient aimé, sans réaliser que leur talent n'est pas adapté aux exigences du code de la route.

Après avoir perdu des points sur son permis pour excès de vitesse, un 3 sentit le besoin de s'excuser au sujet de sa propre conduite et il accrocha un écriteau à l'arrière de sa voiture qui disait : "Excusez-moi si je respecte les limitations de vitesse, mais il ne me reste que cinq points avant de perdre mon permis." Paradoxalement, il s'excusait d'être contraint de conduire en respectant les règles ; il ne supportait pas l'idée que les autres puissent penser qu'il était un vieux schnock ne sachant pas conduire correctement.

Le 3 conservation est bon dans le multitâche, tout en étant certain de faire les choses comme il faut. Ils parlent souvent au téléphone, dictent des lettres, prennent des notes, utilisent un ordinateur, ou mangent et boivent pendant qu'ils conduisent, alors qu'ils devraient faire plus attention à la route. Ils vivent suivant la devise : "Je peux faire tout cela, parce que je suis un conducteur tellement bon." Les 3 tendent à talonner les voitures très agressivement et à dépasser les limitations de vitesse, se mettant eux-mêmes en danger et mettant aussi en danger les autres.

Le sous-type social est dominé par la polarité explosive de l'intérêt personnel. Ils croient qu'une voiture très performante, combinée à un style de conduite agressif est une façon excellente de soutenir cette attitude. De nombreux pilotes professionnels sont de ce sous-type et ont atteint des niveaux élevés de succès et de prestige.

Type 4 : Déformation

Le mélange faible estime de soi couplée au désir inconscient d'émotions intenses donne une combinaison qui encourage à prendre des risques, à encourir des accidents, et à conduire agressivement. Ceci est encore accentué chez les 4 qui sont enclins à la distorsion. Par exemple, ils penseront qu'un automobiliste ne les laisse pas doubler parce qu'ils ne le méritent pas. En d'autres mots, les 4 personnalisent facilement le comportement des autres.

La motivation de l'autre automobiliste peut bien sûr être toute autre. Rêvasser, être simplement pressé ou calculer sans parti pris que la voiture du 4 est moins puissante et donc qu'il est peu probable qu'elle puisse dépasser assez rapidement… Mais dans l'esprit du 4 cela est interprété comme : "Il ne veut pas me laisser doubler parce qu'il a quelque chose contre moi." Cela peut conduire à une réaction hostile avec l'intention de montrer à l'autre qu'"il ne peut pas me faire cela".

La perception d'avoir subi une injustice active l'alibi du 4 et lui fournit le prétexte pour exciter sa polarité droit/plainte. Le 4 va insister pour montrer à l'autre qu'il n'a "pas moins de droit que quiconque de doubler, zut ! Ceci est particulièrement vrai pour le sous-type sexuel dominé par cette polarité, qui n'hésitera pas à manifester ouvertement sa colère.

Un sous-type sexuel, par ailleurs une personne empathique avec des valeurs sociales, deviendra furieux s'il sent qu'on lui a manqué de respect pendant qu'il conduisait. Il interprétera la moindre contestation comme une offense personnelle, une attaque contre sa personne, et par conséquent ses réactions seront toujours excessives. Si quelqu'un le klaxonne pour le faire accélérer à un feu orange, ou s'il essaie de doubler et que l'autre voiture ne ralentit pas pour le laisser passer et au contraire le klaxonne, il lancera un geste grossier avec son bras au conducteur. Fréquemment, son comportement mettra mal à l'aise la personne assise à la place du passager, parce que l'autre conducteur pourrait réagir violemment et qu'il y a un risque de rage routière.

Les choses risquent d'empirer lorsqu'un passager fait des observations sur son style de conduite, comme : "Tu ne ralentis pas aux carrefours ? Tu ne pourrais pas rester dans ta propre file ?" Ou : "Tu fais craquer les vitesses." Il ne prendra pas ces déclarations comme un encouragement constructif à mieux conduire, mais comme une attaque personnelle, non pas sous l'emprise d'un refus de reconnaître ses fautes, mais en raison d'une déformation émotionnelle de ce qu'il a entendu.

Un autre 4 pouvait mener des batailles intenses autour d'une place de parking quand on ne savait pas bien qui était arrivé le premier. Il était capable d'un large éventail de réactions au vitriol, généralement accompagnées d'exclamations telles que : "Pensez-vous être meilleur que moi ?" Après l'incident, il se calmait et se sentait désolé de sa réaction idiote ; et à la façon typique d'un 4, il commençait à se sentir coupable d'une façon disproportionnée. Si ce n'est que la déformation, le plus souvent, obscurcissait son objectivité et il se convainquait que l'autre conducteur l'avait provoqué.

Le sous-type social est très différent, dominé par la polarité implosive de la désorientation, facilement embarrassé et souvent distrait pendant qu'il conduit. J'ai souvent vu des 4 sociaux rater une sortie ou oublier où ils étaient supposés aller, parce qu'ils étaient en train de ruminer une blessure quelconque. Ce genre de confusion mentale les fait ressembler à des 6 conservation. Toutefois, les 4 sociaux sont souvent prêts à endosser la faute, mais la rejettent si quelqu'un d'autre essaie de les rendre responsables.

Leur hostilité est typiquement passive et indirecte. Par exemple, ils peuvent ressentir de la honte et se reprocher de ne pas avoir passé un feu à temps ; et puis, réagissant à la voix de leur critique intérieur et à leur fureur, ils agiront d'une façon déconcertante, changeant de file sans raison ou ralentissant soudain puis accélérant.

Le sous-type conservation fait grand cas du courage et de façon similaire à un 3 sûr de lui exprime cette attitude en conduisant. L'agression dans ce sous-type est toujours reliée à un désir de "leur montrer quel effet cela fait". Ce désir inconscient leur fait prendre une attitude combative au volant ; avec une indignation pharisaïque, ils peuvent se lancer dans une poursuite tenace de l'ennemi, comme un chien pourchassant un chat, filant à toute allure à travers la maison, inconscients des risques et des dégâts qu'ils peuvent causer. Mais le plus souvent, l'agressivité du sous-type conservation trouve un exutoire, comme pour la plupart des autres 4 dans une rage verbale. Ils expriment leur colère en hurlant et ensuite en gardant rancune envers ceux qui les ont irrités.

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Note : Pour ne pas prendre trop de place, nous n'indiquons ici que les travaux les plus importants.
L. Tasca : A Review of the Literature on Aggressive Driving Research.
AAA Foundation for Traffic Safety : Resources.
Connell, Joint, Mizell : Aggressive Driving: Three Studies for the AAA Foundation.
J. Leon & D. Nahl : Road Rage and Aggressive Driving: Steering Clear of Highway Warfare -A Taxonomy of Aggressive Driving- Aggressive Driving is Emotionally Impaired Driving- Bibliography of Driving Behavior and Drivers. (On trouvera de nombreux articles très intéressants sur le site web drdriving.org).
J.J.Leeming :
Road Accidents : Prevent or Punish ?
M.Argyle : The Psychology of Interpersonal Behavior.
R.W.Nowaco : Roadway Aggression on ITS Review.
Monash University Accident Research Centre :
Driver Aggression: The Role of Personality.
G.Dacquino : Psicologia dell'Automobilista.
M.Dorfer : La Psicologia del Traffico.

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Vos commentaires et vos suggestions sont les bienvenus : antoniobarbato@enneagramma.info

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